Le Conseil constitutionnel en 2010, architecte du droit ? (2/2)
Renaud Denoix de Saint-Marc, dans cette seconde émission, éclaire la modernisation des institutions issue de la loi constitutionnelle de 2008 et l’évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il a été nommé au Conseil constitutionnel en 2007 et il est académicien depuis 2004. Il a consacré à Canal Académie deux entretiens sur l’histoire de cette institution.
Près de cinquante ans après sa création, le Conseil constitutionnel revêt une image de modernité et d'architecte du droit. Il est en particulier à l'origine de la constitutionnalisation d'un grand nombre de principes qui étaient antérieurement dotés d'une simple valeur législative. Ainsi en fut-il notamment avec l'adoption de la Charte de l'environnement et la constitutionnalisation des principes de participation et d'information (Article 7), de précaution (Article 5).
Le Conseil constitutionnel sous les feux de la rampe
Le Conseil constitutionnel reste encore aujourd'hui sous les feux de la critique politique ou médiatique. Cependant, ce n'est plus l'institution elle-même qui est mise à cause mais les décisions qu'elle rend ! Sa jurisprudence est ainsi régulièrement (c'est une nouveauté) prise sous les feux croisés des commentaires des médias ou des critiques d'élus (Charte de l'environnement, OGM, taxe carbone...). Peut-on évoquer cet aspect des choses ? Le Conseil joue un rôle novateur d'architecte du droit (par exemple droit de l'environnement). Dans quelles limites aujourd'hui ?
Renaud Denoix de Saint-Marc, observateur privilégié de l'évolution du Conseil constitutionnel, apporte ici des éléments de réponse à ces questions.
La modernisation des institutions (loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008)
Pourquoi parler de « modernisation des institutions » et non de « révision de la Constitution » ?
Quelles sont les principales innovations de cette « réforme » ? Les points suivants sont évoqués en mettant l’accent sur ceux qui intéressent plus particulièrement le Conseil :
- Le rééquilibrage du temps de parole entre les différents groupes politiques : l'article 4 de la Constitution est complété d'un alinéa prévoyant que la loi garantit les « expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation » ;
- La limitation des mandats présidentiels à deux (nouvel article 6) ;
- L’élargissement du référendum d'initiative populaire: un référendum peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs (article 11) ;
- Le contrôle des nominations effectuées par le président de la République: l'article 13 fixe un droit de veto du Parlement sur les nominations les plus importantes du chef de l'Etat ;
- La limitation des pleins pouvoirs : le président conserve le droit de grâce individuel. Le droit de grâce collectif disparaît (article 16) ;
- La possibilité pour le chef d'Etat de s'exprimer devant le Parlement réuni en Congrès. Un débat est ensuite organisé sans vote en dehors de sa présence ;
- La clarification de la composition du Parlement: l'article 24 est modifié ; il fixe le nombre maximal de députés à 577 et crée les députés représentant les Français à l'étranger sans en fixer le nombre ;
- Le partage de l'ordre du jour : les articles 45 et suivants ;
- L’initiative des lois (Article 39) ;
- L’article 41 prévoit que s’il apparait en cours de procédure législative qu’un amendement n’est pas du domaine de la loi (ou est contraire à une délégation reçue de l’article 38), le gouvernement (ou le président de l’assemblée saisie) peut opposer l’irrecevabilité. En cas de désaccord entre le gouvernement et le président de l’assemblée intéressée, le Conseil à la demande de l’un ou de l’autre, statue dans les 8 jours ;
- La limitation de l'article 49.3 qui permet l'adoption d'un texte sans vote est limité aux budgets de l'Etat, de la Sécurité sociale et "à un autre texte par session" ;
- L’exception d'inconstitutionnalité : le nouvel article 61-1 octroie le droit aux citoyens de saisir le Conseil constitutionnel via la saisine du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation lorsqu’ils estiment qu’une loi méconnaît des droits et des libertés garantis par la constitution (En vigueur depuis le 1er mars 2010).
En savoir plus :
Renaud Denoix de Saint-Marc est entré au Conseil d’État à sa sortie de l’ENA en 1964, où il a d’abord exercé les fonctions de rapporteur puis celles de chargé du centre de documentation. Directeur des affaires civiles et du Sceau au ministère de la Justice de 1979 à 1982, il a repris alors les fonctions de commissaire du gouvernement au contentieux jusqu'en 1986. A cette même époque, il est nommé secrétaire général du Gouvernement jusqu’à sa nomination comme vice-président du Conseil d’État du 23 avril 1995 au 25 septembre 2006.
Le 29 novembre 2004, il est élu membre de l’Institut (Académie des sciences morales et politiques). Il est également membre du Conseil constitutionnel, où il a été nommé le 22 février 2007 par le président du Sénat François Poncelet.
Le site du Conseil constitutionnel
La fiche de Renaud Denoix de Saint-Marc
Retrouvez notre première émission avec Renaud Denoix de Saint-Marc, La justice constitutionnelle, une innovation de la Ve République (1/2)