Le mal-être au travail : passer du diagnostic à l’action
La souffrance au travail est devenu un problème de société et un objet de débat public. Les drames humains, très médiatisés, survenus en 2009 dans des grandes entreprises ou administrations publiques, ont suscité l’émotion. Pour mieux en comprendre les raisons, la Commission des Affaires sociales du Sénat a constitué une mission d’information sur le mal-être au travail et a publié un Rapport d’information. Gérard Dériot, sénateur et conseiller général de l’Allier, questeur du Sénat, présente, dans un entretien avec Myriam Lemaire, diagnostic et propositions pour faire reculer ce mal-être.
_ Trente-six auditions et tables rondes, deux déplacements sur le terrain, un blog ouvert sur le site du Sénat qui a recueilli une centaine de contributions, ont permis à la Mission de dresser un état des lieux très complet et d’établir un diagnostic. Elle a aussi étudié les actions déjà engagées et a formulé des propositions et recommandations.
Un diagnostic préoccupant
"Nous nous sommes aperçus que le mal-être est présent partout, explique Gérard Dériot. Il touche tous les secteurs d’activité, les grandes entreprises, les PME, les salariés mais aussi les commerçants, artisans, agriculteurs, professions libérales, le secteur privé comme le secteur public".
Le rapporteur souligne qu’il y a cependant plus de drames dans les grandes entreprises où les salariés sont isolés et subissent une pression très forte dans un contexte de mondialisation et d’accroissement de la concurrence.
Ce phénomène n’est pas propre à la France mais la prise de conscience a été plus tardive dans notre pays.
Les mutations du monde du travail
Pour Gérard Dériot « le mal-être est le résultat de notre société ». Il rappelle que de profondes mutations sont intervenues dans les entreprises privées et publiques. La recherche de la performance à tout prix, liée à l’intensification de la concurrence et à la mondialisation ainsi que le développement d’un « taylorisme des services » pour augmenter la productivité, sont les principaux facteurs de ce mal-être.
L’organisation du travail s’est trouvée aussi modifiée par le passage aux trente-cinq heures qui a conduit à supprimer les temps de pause et de convivialité sur le lieu de travail.
Un autre facteur du mal-être est l’isolement croissant des salariés qui restent seuls face à leur souffrance.
Gérard Dériot voit dans l’évolution des méthodes de management une explication de ce mal-être. Il dénonce la distance croissante entre les dirigeants et leurs subordonnés et la suppression du management intermédiaire. Il en résulte une perte de sens du travail pour les salariés qui ne comprennent pas les objectifs qui leur sont assignés.
Dans le secteur public s’ajoute une inquiétude sur le sens des valeurs du service public.
L’amour du travail bien fait qui appartient à notre culture française, a tendance à disparaître avec l’adoption de nouvelles méthodes, d’origine anglo-saxonne.
Deux autres facteurs aggravants sont cités par le rapporteur : le stress des transports dans les grandes villes et la « double journée » de travail des femmes.
Le temps de l’action
Pour notre invité, l’ampleur du phénomène a été perçue et des initiatives ont été prises depuis deux ans, à la fois par les partenaires sociaux, les entreprises et par le gouvernement.
Il évoque notamment les accords signés sur le stress au travail et sur le harcèlement et la violence au travail, ainsi que le Plan d’urgence lancé par le gouvernement en 2009 pour la prévention du stress au travail. Le deuxième Plan Santé au travail fait de la prévention des risques psychosociaux un axe majeur.
Les propositions du Sénat
Comment aller plus loin ? Sur le plan juridique, le Code du Travail comporte déjà des obligations pour l’employeur mais celles-ci devraient être précisées pour mieux protéger les salariés.
Pour Gérard Dériot, les recommandations de la Mission concernant le management sont essentielles. Il s’agit tout d’abord de mieux former les cadres à la gestion d’équipes et de « revenir aux fondamentaux du management ». Il insiste sur la nécessité de recourir à des managers intermédiaires, plus proches des salariés, dans les grandes entreprises.
Il est nécessaire de renforcer les acteurs de la prévention des risques professionnels que sont la Médecine du Travail et les Comités d’Hygiène et de Sécurité (CHSCT). Une réforme prochaine est annoncée pour la Médecine du Travail, précise-t-il.
Si la prévention est indispensable, il faut aussi se préoccuper de la détection et de l’accompagnement des salariés en souffrance par une vigilance accrue de tous les acteurs et par la sensibilisation des médecins de ville à ce problème.
Enfin, se pose la question de la réparation des préjudices causés par la souffrance au travail pour laquelle Gérard Dériot émet des propositions.
A la fin de cette interview, Gérard Dériot souligne que le bien-être au travail et l’efficacité économique doivent pouvoir être conciliés.
En savoir plus :
- Site du Sénat : www.senat.fr
- Gérard DERIOT
- Mission d’information sur le mal-être au travail
- Rapport d’information n° 642 (2009-2010) tome I et tome II - Auditions
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