Le prix de la paix : Israël-Palestine, un enjeu européen ?
Quelle place pour l’Europe dans le conflit israélo-palestinien ? Pour Bernard Philippe, auteur de Le prix de la paix. Israël/Palestine, un enjeu européen ?, le vieux continent, loin d’être un simple témoin privilégié, est à la fois juge et partie dans cette guerre sans fin, et porte en elle aussi bien la source que la résolution du conflit. Le fonctionnaire européen, spécialiste de la diplomatie proche-orientale, répond ici aux questions de François-Pierre Nizery.
Bernard Philippe porte, dans son essai récemment publié aux éditions Riveneuve, Le prix de la paix. Israël/Palestine, un enjeu européen ?, un regard très particulier sur l'Europe : l'Europe de la mémoire, celle des guerres et des rivalités d'antan, l'Europe réunie, celle d'aujourd'hui, mais surtout une Europe revisitée à travers le prisme de la relation qu'elle entretient avec une région du monde à la fois extérieure à elle-même et ancrée dans son intimité, une région qu'elle observe sans toujours la comprendre alors qu'elle y trouve sa source, l'un des fondements immémoriaux de ses propres valeurs. Cette région, enlisée dans un conflit interminable, c'est celle que se disputent Israël et la Palestine.
Ce regard particulier sur l’Europe, Bernard Philippe le doit à une carrière de fonctionnaire européen longtemps consacrée au Proche-Orient et notamment aux relations israélo-palestiniennes. Il a même joué un rôle actif dans la constitution des institutions palestiniennes, notamment lorsqu’il était détaché à la Banque Mondiale, plus précisément au secrétariat du « Comité ad hoc de liaison » mis en place à la suite des accords d’Oslo. Il est aujourd’hui chargé, au sein de la Direction générale des Relations extérieures de la Commission européenne, des relations avec la Géorgie.
Mais l’attachement à l’Europe de Bernard Philippe, ce n’est pas seulement une carrière, c’est aussi une histoire familiale sur laquelle il s'explique en décrivant notamment la façon dont il a vécu de près la relation France-Allemagne, cette relation qui semble vraiment au cœur de sa démarche.
Cette relation qui est, à la fois dans sa violence initiale et son apaisement, le moteur central de la construction européenne, est marquée par une série de conflits dont le dernier, à l’origine de la deuxième guerre mondiale, est bien plus que le résultat d’une rivalité entre deux nations. Bernard Philippe évoque, à juste titre, dans son ouvrage, pour expliquer les conflits anciens et actuels des deux côtés de la Méditerranée, la théorie de René Girard sur la rivalité mimétique, le mimétisme comme origine des conflits. Mais la théorie de René Girard, c’est aussi le mythe sacrificiel comme « solution » des conflits. Or l’Europe s’est construite au départ sur la base d’un conflit où déjà la question juive, à travers la Shoah, était présente. Bernard Philippe nous détaille, à partir de cette théorie, les raisons qui font du conflit israélo-palestinien non pas une réplique mais une sorte de prolongement d’une affaire interne à l’Europe.
Le rôle de l'Europe
Il développe également l'idée selon laquelle l’Europe est, dans cette affaire, bien plus qu’un témoin qui se prétendrait un modèle de paix entre les peuples. Elle est d’abord un intervenant qui porte une responsabilité historique et se doit de transmettre une expérience qui va à l’encontre de la rivalité mimétique en l’apaisant non pas par l’union sacrée (à l’origine du sacrifice expiatoire) mais par l’inverse, c’est-à-dire la reconnaissance de la diversité, de la pluralité d’identités.
Toutefois, l’Europe a-t-elle conscience que son ambition sur ce plan est inachevée ? La paix, ce n’est pas seulement la reconnaissance de la diversité, la coexistence d’identités différentes, si cela ne débouche que sur la tolérance, ou pire l’indifférence. La vraie paix, nous dit Bernard Philippe, c'est surtout l’au-delà de la paix, le franchissement des frontières, la connaissance réciproque, la curiosité, le désir, le dialogue et on peut légitimement se demander si l’Europe est au bout de son chemin sur ce plan.
L'entretien avec Bernard Philippe se termine par un mot que l’on retrouve à toutes les pages de son livre : le pardon. Le pardon, c’est évidemment la suite logique du dialogue entre deux ennemis ou parfois même son commencement. Mais le pardon est aussi un mot qui a une très forte connotation chrétienne, d'où la question qu'on peut se poser et à laquelle Bernard Philippe répond, celle du sens que, dans l’Europe d’aujourd’hui, très « laïcisée », on peut donner à ce mot : oublier la culpabilité ou la transformer en bien commun ?
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