Les orchidées de France : 150 espèces fragiles et magnifiques !
Partez à la chasse aux orchidées française (pas moins de 150 espèces) en compagnie de François Dusak, co-auteur de "l’Atlas des orchidées de France", et de Christian Dumas biologiste membre de l’Académie. Ils évoquent tour à tour la diversité de cette plante qui colonise nos montagnes et nos prairies, mais qui demeure fragile et menacée.
Il existe pas moins de 25000 espèces d’orchidées dans le monde dont 150 disséminées sur le territoire français ; des orchidées qui viennent d’être répertoriées dans un Atlas des orchidées de France qui a nécessité 25 ans de travail et la collaboration de 3000 personnes pour les observer et les classer, des orchidophiles convaincus « que connaître, c’est protéger ».
« On trouve des orchidées partout dans le monde, sauf dans les déserts et aux pôles. 80 % des orchidées vivent dans les milieux tropicaux » précise François Dusak, co-auteur de l’ouvrage. Il existe presque autant d’espèces que de formes, certaines d’entre-elles pouvant se faire passer pour des jacinthes, d’autres poussant dans les arbres pour les espèces tropicales.
Curieusement, L’atlas des orchidées de France n’évoque pas les magnifiques espèces que l’on trouve dans les DOM TOM. « Il faut beaucoup de temps pour construire un réseau départemental. Pour réaliser quelque chose dans les DOM, la difficulté consiste à trouver ce réseau de bénévoles et de professionnels. Cela s’est fait en Guadeloupe. Quant à la Guyane, elle est très riche en orchidées mais le territoire est difficile à prospecter. On pense qu’il existe là-bas quelque 350 espèces. On envisage cependant un Atlas des orchidées des DOM dans un avenir proche, pour conserver ce patrimoine, toujours en danger » répond l'orchidophile.
En attendant de feuilleter ces prochains tomes, revenons à la métropole. L’atlas est destiné aux initiés pour les cartographies très précises de chaque espèce d’orchidée et aux néophytes pour les photos d’orchidées qui laissent rêveurs.
L’orchidée en couverture de l’atlas est une nigritelle rose (Gymnadenia Corneliana) « une orchidée que l’on trouve à partir de 1000 mètres d’altitude dans nos moyennes montagnes, ravissantes à l’œil et dont certaines sont très parfumées comme par exemple orchis vanille qui comme son nom l’indique, sent la vanille ».
Les orchidées vivent dans les montagnes, les prairies, mais pas seulement. « Elles aiment particulièrement les terrains calcaires très légèrement acides. La Bretagne ou le Massif central sont relativement pauvre en orchidées, alors que tous les terrains du jurassique comportent de très beaux spécimens ». Autre idée reçue : orchidée, plante de lumière. « Sur les 10 taxons l’on rencontre en France, un grand nombre a besoin de beaucoup de lumière, mais les forêts renferment aussi des espèces intéressantes alors que la lumière est très dispersée » souligne François Dusak.
Notre amateur éclairé, lui, est tombé sous le charme d’espèces de 10 à 20 cm qu’il a fini par découvrir après avoir arpenté les sentiers de randonnées pendant plusieurs années : au rang de ses orchidées préférées on trouve en première position l’Orchis musc ( Heminium monorchis), espèce rare menacée d’extinction. Puis la Listère à feuille cordée (Neottia cordata), espèce peu commune mais stable, que l’on trouve dans les Alpes et le Midi-Pyrénées.
Il y a aussi le Liparis de Loesel ( Liparis loeselii) que l’on rencontre surtout en Franche-Comté qui est « une des deux seules orchidées de France citée au niveau européen pour organiser une protection vraiment valable de cette espèce » précise l’intéressé. Et puis bien sûr comment ne pas nommer le sabot de Vénus (Cypripedium calceolus) que l’on retrouve presque exclusivement dans la région Rhône-Alpes.
Toutes les orchidées ne sont pas protégées en France. « Lorsque les arrêtés de protection ont été donnés en 1982 il n’existait pas d’inventaire précis des orchidées pour connaître les espèces à protéger. A l’occasion de la publication de cet atlas, l’UICN [] nous a proposé de dresser la liste rouge des orchidées menacées en France ». En cause, la main de l’homme, directe ou indirecte... « Les zones marécageuses asséchées ont éteint certaines espèces, mais aussi la modification des pratiques agricoles, l’extension des cultures » termine François Dusak.
La biologie des orchidées : la coévolution permanente entre la plante, un champignon et les insectes
Au cours de cette émission, Christian Dumas biologiste botanique, spécialiste de la germination, revient sur la biologie des orchidées. « Pendant longtemps, il était inconcevable d’offrir des orchidées en France, trop onéreuses car impossible à cultiver ». Il a fallu attendre les années 1900 et les observations du Français Noël Bernard pour constater que pour germer, la graine de l’orchidée (moins de 1 millimètre) a besoin de l’aide d’un champignon ; un bel exemple de coévolution. « C’est valable aussi pour les orchidées hors sol, qui captent les spores grâce aux vents ».
Autre exemple de coévolution spectaculaire : celui de l’étoile de Madagascar découverte par Darwin, une orchidée avec un appendice très long, d’une trentaine de centimètres. « Darwin a imaginé qu’il existait un papillon avec une trompe de cette taille qui pollinise ainsi les autres fleurs. Le sphinx a été découvert 40 ans après la découverte de l’étoile de Madagascar », confirmant l’hypothèse de Darwin.
Certaines orchidées ont développé un mimétisme visuel et olfactif pour attirer les insectes et jouer leur rôle de pollinisateur. « Les insectes voient assez mal. Les couleurs de certaines orchidées peuvent faire penser aux abdomens de certains insectes qui viennent se reproduire sur la plante. Quant aux cellules olfactives, elles sont capables de les faire venir à plus de 1 kilomètre à la ronde ! ».
Enfin, comment ne pas parler des orchidées sans évoquer la vanille « orchidée d’origine mexicaine qui a besoin d’une abeille particulière pour être polliniser, la melipone. La vanille a été exploitée dans plusieurs régions du monde où l’abeille est absente. C’est donc l’homme qui les fertilise une à une sans quoi la gousse de vanille serait absente ».
Mais l’orchidée peut aussi bien être cultivée que détruite. « Téhophraste a donné le nom orchis à ces pantes. Cela signifie « testicules » car les tubercules mimant cette forme laissaient penser qu’elles avaient des valeurs aphrodisiaques. Certains pays comme la Turquie en font des décoctions. Mais cela a occasionné la disparition de 30 espèces et une quarantaine est en voie d’extinction, pour des traditions qui demeurent infondées » termine Christian Dumas.
François Dusak est ancien administrateur de la Société française d'orchidophilie (SFO). Depuis 2000, il est responsable de la Commission de cartographie et coordonne l'inventaire des orchidées de France à la demande du ministère de l'Écologie.
Christian Dumas est biologiste des plantes, professeur émérite à l’Ecole normale supérieure de Lyon, membre de l’Académie des sciences
En savoir plus :
- Ecoutez nos émissions en compagnie de Christian Dumas sur Canal Académie
- Christian Dumas, membre de l'Académie des sciences
- Société française d'orchiophilie, SFO
François Dusak, Daniel Prat, Les orchidées de France, éditions Biotope, 2010