Phtalates, Bisphénol A, parabènes : des perturbateurs endocriniens à éviter pour les personnes à risques
Phtalates, bisphénol A ou encore parabène, on les retrouve dans les composants d’emballages alimentaires, des encres dans les produits cosmétiques ou encore dans les ciments dentaires. Longtemps utilisés dans notre vie courante, ils sont suspectés depuis quelques années de provoquer des cancers du sein, de la prostate, d’avoir des incidences sur la croissance, le développement... d’être des perturbateurs endocriniens. A partir de quel seuil d’exposition devenons-nous sensibles à ces produits que nous utilisons et manipulons tous les jours ? Peut-on les remplacer par d’autres qui ne soient pas nocifs pour la santé ? Explications dans cette émission en compagnie de Claude Monneret.
_ L’utilisation en France du bisphénol A devrait disparaître dans les emballages alimentaires dès 2013 [[Le rapport publié par l'agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) préconise de limiter les expositions au bisphénol pour les populations les plus fragiles, à savoir les femmes enceintes et les enfants]].
Les phtalates sont interdits depuis 2005 dans la fabrication de jouets pour enfants et d’articles de puériculture et cela, au niveau européen.
Et depuis 2011, une loi adoptée par l’assemblée nationale vise à interdire l’utilisation des phtalates et des parabènes.
Hormis ces produits chimiques, on pense qu’il existe une centaine de perturbateurs endocriniens de ce type. Mais la preuve scientifique demeure à chaque fois difficile à apporter. On les retrouve notamment pour assouplir les polymères, en premier lieu les emballages plastiques, allant de la simple bouteille aux films alimentaires sur les produits surgelés. Mais on les retrouve aussi dans les lunettes, les lentilles de contact et certains accessoires dentaires. Dans le domaine médical, les phtalates représentent 30 à 50 % des tubes et poches de perfusion, des cathéters, des gants médicaux et des sondes « car ils donnent une certaine souplesse dans l’utilisation. Une étude de cohorte de l’Institut national de veille sanitaire a démontré un taux plus important chez ces patients de phtalates dans le sang » précise Claude Monneret au cours de cette émission.
Détecter les effets avérés sur l’homme
Pour Claude Monneret, si les effets sont avérés sur l’animal, il préfère encore rester prudent sur les effets attestés sur l’homme. « Les voies d’administration ne sont pas les mêmes : des injections sont réalisées chez l’animal, alors que tout passe par voie orale ou percutanée chez l’homme. Pour l’animal nous avons conclu à des perturbations du développement hormonal avec certains cancers ou malformations. Chez l’homme c’est plus difficile à établir car nous ne pouvons pas faire de réelles études de toxicologie et administrer par exemple de fortes doses de parabènes... Ce ne serait pas très éthique ! Cela limite donc les études. »
Les phatlates sont tout de même plus que suspectés d’être à l’origine de malformations congénitales et de cancers. Une étude menée par des chercheurs du sud-ouest a notamment démontrée une augmentation du cancer des testicules. Un autre équipe de chercheurs français a publié ses résultats dans la revue Human Reproduction en mars 2011, montrant que les phlalates entrainaient une baisse de la fertilité dans les deux sexes. Mais là encore, « il s’agit d’une corrélation » pour l’instant. Une étude très poussée devra permettre d’ici une vingtaine d’années de lever enfin le voile. « Deux études de cohorte ont été lancées par l’Institut national de veille sanitaire et l’Institut national des études démographiques. Elle ont pour but de suivre les nouveaux nés de 2011 jusqu’à leur âge adulte en suivant leurs habitudes alimentaires ».
En attendant, les effets de ces composés ne joueraient pas à forte dose sur notre organisme, mais au contraire par de petites quantités absorbées quotidiennement. Même si une part de l’organisme les élimine, il en reste une partie qui s’accumule ; un cocktail de perturbateurs endocriniens qui, pour Claude Monneret et d’autres chercheurs, pourraient être à l’origine de nos maux.
Aujourd'hui, il semble que le Bipshénol A (BPA) vive ses derniers instants. Il devrait disparaitre des emballages alimentaires à partir de 2013 pour les emballages concernant la puériculture et dès 2014 pour les autres produits alimentaires. Une décision qui ne rassure pas pour autant Claude Monneret : « Par quoi ces produits vont-ils être remplacés ? Je ne suis pas sûr que les produits par lesquels on tente de remplacer le bisphénol A aient moins de risques toxiques... »
Pourtant, des solutions de substitution ont déjà été trouvées pour les tétines des biberons, pour les encres de ticket de caisse, et certaines marques d’eau minérale affichent déjà des bouteilles en plastique garanties sans phtalates... Mais le problème est loin d’être réglé pour les canettes, les conserves et mêmes certains aliments... Car si vous croisez du E214 et E219 dans la composition de vos produits raffinés préférés, ce ne sont rien d’autre que des parabènes. Encore faut-il le savoir ...!
Les parabènes sont des conservateurs que l’on retrouve également dans les cosmétiques et les médicaments, empêchant la prolifération de bactéries et de champignons. « Leur utilisation est bien encadrée dans les médicaments. Il y a des pourcentages admis à ne pas dépasser, même si sur le long terme nous demandons à nos collègues de l'industrie pharmaceutique d'essayer de les réduire ». Cela pourrait se faire en développant le système de dose unique par exemple... mais aussi et surtout pour Claude Monneret « en développant les chaînes de fabrications des médicaments en milieu stérile ».
Ecoutez les explications détaillées de Claude Monneret au cours de cette émission.
Claude Monneret est pharmaco-chimiste, ancien Interne des Hôpitaux, Directeur de recherche émérite au CNRS, Membre de l’Académie nationale de Pharmacie.
Retrouvez toutes les émissions de Canal Académie consacrées à la médecine