Pollutions et cancer : entre interrogations et affirmations

avec Paolo Boffetta, épidémiologiste au CIRC

Amiante, particules fines, pesticides, stérilisation de l’eau au chlore ou tabagisme passif... Quelle part leur imputer dans les cancers ? Réponses détaillées de Paolo Boffetta, oncologue, épidémiologiste au CIRC Centre International de Recherche sur le cancer, à l’occasion de la sortie d’un rapport en octobre 2007, sur les causes du cancer en France.

Parmi les causes de cancers, le tabac est en tête (avec 29 000 décès soit 33% des décès par cancer chez l'homme et 10% des décès par cancer chez la femme). Arrive ensuite l'alcool puis l'obésité. Les expositions professionnelles sont pour leur part à l’origine de 3 ,7% des cancers chez l'homme et de 0,5% chez la femme.

Paolo Boffetta, épidémiologiste au CIRC
© CIRC

La pollution, est également à l'origine de cancers du poumon, de la plèvre, de la gorge. Les chercheurs connaissent encore mal ces agents infectieux. Quelques uns sont avérés, tels que l'amiante, le tabagisme passif, l'eau chlorée, le benzène. Il en reste certainement bien d'autres à découvrir...

Plage d’amiante au Cap Corse

L’amiante :
Il provoque des cancers du poumon, de la plèvre et du péritoine. En 1998, on estime que 9,1% des travailleurs hommes étaient exposés à l’amiante.
La fraction de la population respirant à domicile un air fortement pollué provenant des mines, d’installations industrielles ou de la dégradation de matériaux contenant de l’amiante avait été estimée dans un rapport de l’OMS en 1987 à 5%. Cette proportion a été contestée depuis, et la proportion de personnes touchaient seraient inférieure à 1%.


Le tabagisme passif
Paradoxe : si les effets cancérigènes du tabagisme passif sont avérés chez les adultes, en revanche, ils ne sont pas encore prouvés chez les enfants.
La proportion de personnes n’ayant jamais fumé, exposées au domicile au tabac de leur conjoint est de 12,8% des hommes et 62,1% des femmes.
Sur les lieux de travail, ces proportions sont de 56,7% pour les hommes et de 53% pour les femmes.

On estime que le tabagisme passif cause environ 220 décès par cancer du poumon en France, par an.


Les pots d’échappements dégagent des particules fines qui pourraient provoquer des cancers du poumon et de la gorge


La pollution atmosphérique :
La pollution atmosphérique influence la santé et la mortalité et cause des affections cardiovasculaires et respiratoires aiguës. Mais son impact sur l’incidence des cancers, notamment ceux du poumon, reste sujet de controverses.

Le benzène a été classé substance cancérogène par l'Union européenne. Présente dans l'essence et, par conséquent, dans les gaz à échappement, il serait donc logique que le nombre de cancer soit plus élevé en ville.
Pourtant, les enquêtes européennes sur l’influence du trafic routier sont contradictoires :
Une étude récente effectuée sur 4 villes françaises (Paris, Grenoble, Rouen et Strasbourg) en 2005, a estimé qu’environ 10% des cancers du poumon pourraient être dus aux particules. Mais cette étude utilise les FA trouvés aux Etats-Unis, ce qui introduit un facteur d’incertitude dans cette évaluation.
Cependant, si l’on admettait que la pollution était responsable de 7% des cancers du poumon dans les régions polluées et que la moitié de la population française vit dans ces régions, la proportion de cancers liée à cette pollution serait chez l’homme de 0,83%.

Pour le moment, aucune association n’a été observée entre pollution atmosphérique et cancers de l’enfant.

En revanche, une étude française a rapporté un excès de risque de leucémie chez les enfants vivant à proximité des stations d’essence et des routes.
Parallèlement, une étude italienne a trouvé une augmentation des leucémies chez les employés des stations d’essence alors qu’une autre étude italienne a trouvé une augmentation des risques de leucémie chez les sujets vivant près d’une route mais aucune augmentation dans les stations d’essence.

Ces résultats contradictoires sont sans doute dus à l’existence de faux positifs liés aux fluctuations statistiques.

L’eau excessivement chlorée, ingérée en grande quantité, peut induire des cancers de la vessie chez les fumeurs

Utilisation des produits chlorés pour stériliser l’eau
Sous leur influence, il peut se former dans l’eau, si elle contient des composés organiques, des produits halogènés (trihalométhane). La teneur en eau de ces composés dépend donc de leur teneur en produits organiques. Un effet cancérogène ne s’observe que chez les fumeurs, ce qui peut s’interpréter comme dû à une synergie entre tabac et produits chlorés.
La fraction attribuable serait alors de 2,8%, soit 119 décès dus aux cancers de la vessie par an.


Pesticides
Les pesticides dangereux ont été retirés du marché. Cependant, certains d'entre eux sont toujours accusés de causer des cancers chez l’homme.
Les conclusions du rapport sur les Causes du cancer en France l'affirme : «Quelques études cas-témoins montrant une association entre l’exposition et des cancers ont été publiées, mais ces résultats sont sans doute dus à plusieurs facteurs. A l'heure actuelle, le lien putatif entre pesticides et cancer ne repose sur aucune donnée solide».


Paolo Boffetta est médecin oncologue, épidémiologiste au CIRC, Centre international de recherche sur le cancer.
Il a participé à la rédaction en octobre 2007, d’un rapport sur les multiples causes du cancer en France, un travail en collaboration avec l’Académie nationale de médecine, l’Académie des sciences, le Centre international de recherche sur le cancer (le CIRC), la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer, et l’Institut de veille nationale de veille sanitaire.


En savoir plus :
- Le CIRC
- Paolo Boffetta
- Téléchargez le rapport 2007 abrégé sur Les causes du cancer

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