Pour Jacques Treffel, en hommage et en souvenir
Cette émission rend hommage à Jacques Treffel qui fut inspecteur général de l’Instruction publique, président de l’AMOPA, l’association des membres de l’Ordre des Palmes académiques et qui était également membre correspondant de l’Académie des beaux arts depuis 1986. Ses deux amis, collaborateurs de notre radio, Jean Pruvost et Axel Maugey évoquent le portrait de cet homme d’exception.
Jacques Treffel nous a quittés, brutalement, dans les premiers jours de décembre 2008.
Il était un ami, un ami de Canal Académie, à preuve : c'est lui qui avait orienté vers notre radio, lorsqu'à ses débuts nous cherchions des collaborateurs, deux de ses propres amis : Jean Pruvost, professeur de lexicologie à l’Université Cergy- Pontoise, et Axel Maugey, ancien professeur de français à l’Université Mc Gill au Québec.
Tour à tour, chacun évoque ici les liens qui l'unissaient à Jacques Treffel : "un modèle, un père symbolique", pour Jean Pruvost, un être rayonnant, étincellant, à la fois "joyeux et sérieux" pour Axel Maugey.
Dans la notice académique qui lui est consacrée, on découvre, non sans surprise, que Jacques Treffel était agrégé de biologie, qu'il était donc un scientifique. Ce que Jean Pruvost confirme : "il était animé d'une immense curiosité". Il s’était aussi longuement penché sur les nouvelles technologies de l’information. Il fut d’ailleurs entre 1980 et 81, le directeur de la prospective et des nouvelles technologies de l’information au ministère de l’Education nationale.
Il nous donnait des ailes, dit Jean Pruvost, nous tirait vers le haut, et il manifestait toujours une grande confiance envers les jeunes, jeunes élèves ou jeunes professeurs.
Axel Maugey quant à lui insiste tout particulièrement sur l'amour de Jacques Treffel pour la culture française, pour la langue, pour le rayonnement du français et pour la francophonie.
Allocution prononcée le 1er octobre 2008 par M. Xavier Darcos, ministre de l’Education nationale, lors de l’élévation à la dignité de grand officier de l’ordre national du Mérite de l’inspecteur général Jacques Treffel décédé à Paris, le 7 décembre 2008.
Jacques Treffel (1922-2008)
Grand serviteur de l’Etat,
Homme d’action, d’imagination, d’union.
1956-1972 Inspecteur d’académie, de la Charente, du Nord, de Paris
1973-1974 Directeur du cabinet du Secrétaire d’Etat à l’Education nationale
1974-1980 Doyen d’inspection générale
1980-1981 Directeur de la Prospective et des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
1986-1988 Secrétaire général de la Cité internationale universitaire de Paris
1990-2007 Membre de section du Conseil Economique et Social et du CESR d’Ile-de-France
1980-2008 Membre de l’Académie d’architecture
1986- 2008 Correspondant de l’Institut de France
1973-2008 Président de l’Association des Membres de l’Ordre des Palmes Académiques (AMOPA)
Commandeur de la Légion d’honneur
Grand-officier de l’Ordre national du Mérite
Commandeur des Palmes académiques
Commandeur de l’ordre d’Alphonse X le sage
Commandeur de l’ordre national de la Côte d’Ivoire
Le 1er octobre 2008, dans les salons du ministère de l’Education nationale, ancien hôtel de Rochechouart, M. le ministre Xavier Darcos, élevait M. l’inspecteur général Jacques Treffel, déjà commandeur de la Légion d’honneur, du Mérite et des Palmes académiques, à la dignité de Grand officier dans l’ordre national du Mérite. Le ministre soulignait avec humour, l’honneur exceptionnel qui lui incombait en ce jour, ainsi que la rareté d’une pareille dignité. Mais ajoutait-il aussitôt : C’est parce que, vous le savez tous, j’éprouve pour Jacques Treffel, un profond respect et un indéfectible attachement.
Puis, fidèle à la tradition, le ministre décrivait la carrière exceptionnelle du récipiendaire qui, pendant toute sa carrière et près de 28 ans après l’âge de la retraite, servit avec un désintéressement exemplaire et une énergie intacte la cause de la jeunesse et de la transmission des savoirs à laquelle il avait voué son existence.
Il rappela que Jacques Treffel était originaire de Cahors où il naquit en 1922. Il se destina très jeune à une carrière scientifique qu’il poursuivit jusqu’au prestigieux concours de l’agrégation de sciences biologiques. Professeur au lycée Malherbe de Caen puis au lycée Carnot de Paris, très vite son sens élevé des responsabilités et sa connaissance du système éducatif le conduisirent à devenir en 1956, Inspecteur d’académie-adjoint du Nord, avant d’être nommé inspecteur d’académie de la Charente en 1959, puis de regagner en 1962, l’énorme département du Nord, comme inspecteur d’académie à part entière. Il y accomplit une tâche gigantesque concrétisée par un nombre considérable de constructions scolaires, une nouvelle inspection académique et d’innombrables écoles, collèges et lycées. Il avait, dès cette époque, réfléchi à une meilleure architecture, mieux adaptée aux besoins du temps, et à une nouvelle pédagogie appelée « Tiers-temps pédagogique ». L’enseignement était divisé en trois temps égaux pour le corps, le cœur et l’esprit. Il faisait une large part à l’art sous toutes ses formes : musique, chant, danse, peinture, sculpture,théâtre,poésie,littérature….
Inspecteur d’académie de Paris en 1968, il devient inspecteur général de l’Education nationale en 1972 et est très vite repéré par M. Jacques Limouzy dont il devient le directeur de cabinet quand celui-ci accède en 1973 (gouvernement Pierre Messmer) aux fonctions de Secrétaire d’Etat à l’Education nationale, auprès de Joseph Fontanet.
De retour à l’inspection générale en 1974, il s’occupe de l’organisation scolaire dans les académies de Bordeaux, Toulouse et Montpellier placées sous l’autorité des recteurs Babin, Chalin et Richard.
Auprès du ministre M. René Haby, il devient Doyen de l’Inspection générale des Missions particulières. En 1980, à l’époque de l’informatique naissante, M. le ministre Christian Beullac et son conseiller spécial M. le préfet Paul Camous lui demandent de prendre, au ministère de l’Education nationale, la direction de la Prospective et des Nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il met alors en place la définition d’ordinateurs spécifiques pour l’enseignement, encourage la création de didacticiels, s’intéresse à la pédagogie cognitive et établit un immense réseau de « formation de formateurs »qui permettra rapidement à notre pays de devenir très performant dans ce domaine.
En 1981, il prend en charge la présidence du Groupe d’Etudes des Marchés Publics, Groupe GPEM/AB) établissant des cahiers des charges précis et rédigeant de nombreuses publications rassemblant conseils et recommandations destinés aux fabricants, dans un souci d’économie, d’efficacité et de fonctionnalité.
Aussi compétent en pédagogie qu’en technique économique, esprit d’une curiosité universelle, travailleur acharné, il devient en 1994, Membre de la section Prospective et Planification du Conseil économique et social où il produit un rapport sur « Les Technopoles ». Ce rapport est appliqué dans plusieurs grandes métropoles qui ont mis en œuvre ses préconisations concernant un plus grand et plus efficace rapprochement de la Recherche universitaire et de l’entreprise privée. Il fut aussi membre de la section des Personnalités qualifiées du CESR d’Ile- de- France, dont M. J-C Boucherat est président.
Dans son discours pétri d’humour, de grande et sincère amitié, M. Xavier Darcos se plût à souligner que, l’heure de la retraite ayant sonné, M. Jacques Treffel ne ralentit guère le rythme de ses activités. Bien au contraire. Il fut de 1986 à 1989, délégué général de la Cité internationale universitaire de Paris, accueillant plus de 5000 étudiants de toutes origines et comptant dans un immense parc, boulevard Jourdan, une quarantaine de maisons de pays différents, chacune évoquant par son architecture, sa terre d’origine et ayant son statut propre. Il fonda, entre autres, un orchestre de jeunes étudiants. Il découvrit les richesses de l’International, et s’adonna aussi à cette tâche ardue, avec passion.
L’orateur rappela qu’entre 1990 et 2003, Jacques Treffel fut Délégué du Médiateur de la République pour Paris. Tâche requérant du responsable le plus total dévouement, un sens de l’écoute, une générosité et une aptitude à trouver des solutions imaginatives vraiment hors du commun.
Ces activités innombrables amenèrent Jacques Treffel connu pour son immense bienveillance, sa fermeté, mais aussi la fécondité de son imagination, à nouer des liens avec l’élite intellectuelle du pays. C’est ainsi qu’il devient membre de l’Académie d’architecture et correspondant de l’Institut de France, académie des Beaux-Arts. Il siègeait aussi au conseil scientifique de Canal-Académie, la radio des 5 académies de l’Institut de France que préside avec tant de dynamisme, M. le président Jean Cluzel.
Pour finir, le ministre M. Xavier Darcos souligna l’une des oeuvres majeures de Jacques Treffel : la promotion et le développement de l’Association des Membres de l’Ordre des Palmes académiques (L’AMOPA) dont il prit la présidence en 1973 et dont il sût faire la première association culturelle de France, actuellement forte de près de 30 000 membres. Il lui fixa des objectifs élevés en faveur de l’éducation de la jeunesse et de la langue française, fit distribuer de nombreux Prix et Bourses d’études et s’attacha à la défense de nobles idéaux comme l’aide intellectuelle et culturelle aux pays où la langue française est encore enseignée, étudiée, comprise et parlée. Il donna un prestige inégalé à la décoration des Palmes académiques qui récompense les meilleurs des maîtres. Il réunit, souvent en Sorbonne, où ils étaient accueillis grâce à la grande gentillesse du recteur de l’académie, chancelier des universités de Paris, de vastes auditoires qui avaient ainsi l’avantage d’entendre les esprits les plus éclairés et les mieux informés de notre temps. Cela, dans une atmosphère de gaîté et de convivialité inégalée qui faisait de l’AMOPA une grande et belle famille dont la devise était « Servir et Partager ». Il donna une dimension internationale à l’association qu’il avait dotée d’une revue trimestrielle du plus haut niveau et du plus grand intérêt. Il avait fait célébrer avec éclat tout au long de cette année 2008, le bicentenaire des Palmes académiques, crées en 1808 par Napoléon 1er. Grâce à lui, l’AMOPA fait briller l’excellence scolaire et universitaire françaises partout dans le monde.
Au moment de vous élever à la dignité de grand–officier dans l’ordre national du Mérite, conclut le ministre, je veux vous exprimer, cher Jacques Treffel, la reconnaissance de l’Education nationale tout entière. Si les Palmes académiques aujourd’hui bicentenaires, soulignent toujours la primauté du savoir sur toute autre préoccupation humaine et politique, si elles expriment la volonté de la République d’inscrire l’histoire de l’école dans le temps long des progrès de la société et si, plus simplement, elles mettent en valeur le respect dû à tous les membres de la communauté éducative, c’est très largement à votre engagement passionné qu’elles le doivent.
M. l’inspecteur général Jacques Treffel, a servi la jeunesse de son pays, jusqu’à l’épuisement de ses forces puisqu’il est décédé subitement à son domicile, le dimanche 7 décembre 2008, au matin, alors qu’il se préparait à se rendre à Rouen, pour célébrer, une dernière fois de l’année, le bicentenaire des Palmes académiques, dans la section AMOPA de Seine-Maritime.
Texte de l’allocution prononcée par M. Xavier Darcos, ministre de l’Education nationale parue dans le numéro 182 de « La Revue de l’AMOPA »30 avenue Félix Faure 75015 Paris)