Se prémunir contre les événements climatiques extrêmes
Les événements climatiques extrêmes seraient-ils de plus en plus nombreux ? Ces événements ont-ils un lien avec le réchauffement climatique et y sommes-nous de plus en plus vulnérables ? Réponses en compagnie de Henri Décamps, de l’Académie des sciences, et de Stéphane Hallegatte, économiste au CIRED, ingénieur à Météo-France. Ils évoquent au cours de cette émission la Tempête Xynthia, mais également à cette occasion le nuage de cendres du volcan islandais, le séisme en Haïti et l’ouragan Katrina en Louisiane...
Cette émission a été enregistrée en 2010. Les analyses des intervenants restent valables, même si les exemples datent de 2010.
Les événements climatiques extrêmes sont des phénomènes météorologiques extraordinaires : vagues de chaleur, pluies torrentielles, séismes… Ils viennent de faire l'objet d'un rapport à l'Académie des sciences intitulé Événements climatiques extrêmes : réduire les vulnérabilités des systèmes écologiques et sociaux[[ édition EDP Science, 2010]], car, comme le constate Henri Décamps , « depuis plusieurs dizaines d’années, nos sociétés sont de plus en plus vulnérables à ces événements. Il semble que l’on perde même notre capacité à y faire face ».
L’exemple de Xynthia
La tempête Xynthia associée à une forte marée en février 2010 a provoqué la mort de 53 personnes en une nuit en France. Outre les pertes humaines, le coût des dommages est estimé à 1,5 milliard d'euros pour les assurances.
« Rappelez vous les tempêtes du nord de la France qui ont fait plus de 80 morts en janvier 1990, la crue de l'Ouvèze à Vaison-la-Romaine en 1992, les tempêtes Lothar et Martin en 1999 qui ont tué 92 personnes. Xynthia ne sera pas le dernier événement climatique extrême en France. Et ce dont nous sommes certains c’est que les prochains événements nous prendront toujours par surprise et cela quelle que soit la précision des prévisions météorologiques ».
De manière générale, les scientifiques considèrent que la France est plutôt bien préparée aux risques climatiques. En revanche souligne Stéphane Hallegatte, « ce qui est important, c’est la mémoire du risque pour pouvoir mieux réagir la prochaine fois ».
Dans le cas de la tempête Xynthia, faut-il détruire les habitations touchées par la marée ?
Deux opinions très fortes ont surgi :
- il faut protéger beaucoup mieux ces zones habitées
- il faut se retirer des zones à risque et détruire ce qui est en zone inondable
« Aucune de ces deux stratégies n’est opérationnelle » explique Stéphane Hallegatte. « Ce n’est pas parce qu’on a des digues qu’on peut faire n’importe quoi derrière. Quant à l’autre option qui consisterait à tout raser, elle n’est pas plausible non plus : les personnes ne s’installent pas dans ces zones-là par hasard, il y a toute une dimension socio-économique à prendre en compte ». La population s’installe là où il y a du travail et là où il reste encore de la place. « S’il fallait détruire tout ce qui est zone inondable, on raserait la moitié des Pays-Bas ! Il faut s’adapter aux lieux » assure Henri Décamps.
Ce qui est valable pour les marées l’est aussi pour les séismes : « lorsque l’on regarde la carte de Haïti, on comprend qu’on ne peut pas avoir trois millions de personnes sans avoir des habitants dans des zones à risque » explique Stéphane Hallegatte en faisant ici allusion au séisme de janvier 2010 dans la capitale.
C’est là toute la problématique : les hommes doivent s’adapter à leur milieu. Ils doivent définir le niveau de risque qu’ils sont prêts à accepter en fonction des bénéfices acquis. Mais comme le précise Stéphane Hallegatte « ce niveau reste à définir et doit se faire en concertation avec les scientifiques, les politiques et les citoyens ».
Une idée a surgi peu après la polémique de possible destruction des habitations : conserver les maisons derrière les digues et mettre en place un système d’alerte qui déclencherait un plan d’évacuation. « Mais cela demande une participation sans faille des habitants en cas d’alerte. Regardez le cyclone Katrina à la Nouvelle-Orléans : suite aux alertes la population fut évacuée deux premières fois sans qu’il y ait de catastrophes. À la troisième alerte, les gens sont restés chez eux, et c’est malheureusement cette fois-ci que la catastrophe est arrivée ».
Prévention : l’État en fait-il trop ?
Rappelez-vous, en avril 2010, un volcan islandais au nom imprononçable fait parler de lui : l’expulsion d'un nuage dense de cendres dans la troposphère bouleverse le trafic aérien. Pendant une semaine, presque aucun avion ne décolle. Rapidement la polémique enfle. Pour certaines compagnies aériennes l’affaire du nuage de cendres est montée en épingle. Jusqu’où aller dans la prévention des risques ?
Pour Henri Décamps, « le débat était légitime à l'époque, mais c’est toujours la sécurité qui prime ». Stéphane Hallegatte, lui, observe cet épisode sous un angle plus pragmatique : « est-on prêt à investir dans des moyens de surveillance extrêmement coûteux pour une éruption qui arrive de temps en temps… je ne crois pas. Finalement il n’y a pas eu d’accident et c’est le principal ».
Quel lien entre les événements climatiques extrêmes et le réchauffement climatique ?
Pour Henri Décamps le rapprochement entre les grands événements climatiques et le réchauffement de la planète semble évident « mais il est très difficile d’établir statistiquement un lien entre les deux. En revanche ce qui est évident, c’est que le réchauffement moyen accélérera le cycle de l’eau et augmentera la probabilité d’événements pluvieux intenses. Ce même réchauffement va rendre plus sévères les vagues de chaleur et les feux de forêts ».
États et assurances : qui paiera la note ?
Comme l’explique Stéphane Hallegate, « les tranches de risques les plus extrêmes sont toujours couverts par les États. En dessous d’un certain seuil, il existe une multiplicité de systèmes. Le système français consiste en un partage entre assureurs et État. Ce dernier joue un rôle principal dans le remboursement des pertes. Mais en Grande-Bretagne, c’est un système de remboursement purement privé ». À l’heure actuelle tous les pays européens réfléchissent à faire évoluer leur système de remboursement et c’est le système français qui leur semble le plus efficace. « Mais pour que le système français fonctionne, cela implique de limiter les risques, l’État ne peut pas payer pour tout ».
- Henri Décamps est membre de l'Académie des sciences, biologiste, écologue, directeur de recherche émérite au CNRS (au Laboratoire d'écologie fonctionnelle, UMR 5245 (CNRS-UPS-INPT) à Toulouse). Il a jeté les bases de l'écologie des systèmes fluviaux.
- Stéphane Hallegatte est ingénieur à Météo-France, économiste au CIRED, Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement. Il a participé à l’élaboration de ce rapport.
En savoir plus :
- Henri Décamps, membre de l'Académie des sciences
- CIRED, Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement
- Rapport Événements climatiques extrêmes : réduire les vulnérabilités des systèmes écologiques et sociaux, édition EDP Sciences, 2010
Accéder à la version en ligne du rapport sur le site de l'Académie des sciences