Anatomie comparée et transformisme : de Buffon à Darwin (Année Darwin 2/3)
Retransmission de la conférence de Stéphane Schmitt, chargé de recherches au CNRS, intitulée « Anatomie comparée et transformisme : de Buffon à Darwin. » La Grande Galerie de l’Evolution du Muséum national d’Histoire naturelle accueille depuis la rentrée 2009, des cycles de conférence autour de la nature et la science.
L’anatomie comparée étudie les différences anatomiques entre les espèces et tente de comprendre comment les animaux s’adaptent à leur environnement. A ses débuts, cette science avait surtout comme objectif de rechercher dans l’anatomie de animaux des points de similitude ou du moins des informations qui aideraient à l’étude et à la compréhension du corps humain.
A partir de la fin du 17ème siècle, l’anatomie comparée devient une science à part entière. Alors, elle jouera un grand rôle dans la diffusion de la théorie de l’évolution. D’ailleurs, Etienne Geoffroy de Saint-Hilaire, Darwin ou encore Lamarck s’inspirèrent énormément de cette science.
Très tôt donc, on n’hésita pas à comparer la composition du corps humain avec celle des animaux. L’homme ressemble-t-il donc tant à l’animal ? A Stéphane Schmitt de rappeler que « le simple fait de parler de foie, de poumon ou de cœur pour les animaux, c’est déjà admettre que l’homme et l’animal partage une certaine forme d’identité.» Pierre Belon (1517-1564) avait déjà fait un grand pas dans cette direction grâce à ses dissections de dauphins et de poissons. En témoigne ces illustrations de correspondances entre le squelette humain et le squelette d’un oiseau.
Le comte de Buffon, quant à lui, publie en 1753, Histoire naturelle. En étudiant l’âne, il constate des similitudes entre le cheval et l’âne. Pour lui, ce dernier est de la même espèce que le cheval mais correspond à sa version dégénérée. Une théorie plus pessimiste que la théorie de l'évolution de Darwin. A ses yeux, il existe une unité chez l’ensemble des animaux vertébrés. Ainsi, tous ces animaux sont-ils fondamentalement basés sur le même modèle.
- A partir de 1793 et de la transformation du jardin du roi en Muséum national d’Histoire naturelle, des chaires sont créées et les études vont progresser de manière accélérée dans le domaine de l’anatomie comparée. Deux savants poussèrent encore plus loin les recherches en anatomie comparée. Ce sont Etienne Geoffroy de Saint-Hilaire (1772-1844) et Georges Cuvier (1769-1832). Tous deux membres de l’Académie des sciences, ils se sont livrés bataille, chacun défendant ses thèses. D’un côté, Geoffroy de Saint-Hilaire défendait la théorie selon laquelle tous les animaux partagent une organisation unique. Il s’oppose ainsi à Georges Cuvier qui lui crée un classement dans lequel il intègre 4 plans d’organisation : les vertébrés, les mollusques, les animaux articulés et les animaux rayonnés. Pour lui, l’homme et l’animal n’ont aucun rapport.
Dans cette retransmission que nous vous proposons d’écouter, Stéphane Schmitt revient sur le principe des corrélations mis en place par Cuvier: « il existe une corrélation extrêmement précise entre les différentes parties du corps de l'animal. Par exemple, un certain type de d’appareil digestif va correspondre à un certain type de mâchoires ou de dents." Pour Stéphane Schmitt,"Cuvier a essayé de dégager certaines règles de correspondances d’organes à l’intérieur d’un individu ce qui lui permettait de recomposer des fossiles à partir de ces règles. » Selon Cuvier, un organisme est une machine dont toutes les parties sont adaptées les unes aux autres.
Dans la deuxième moitié du XIXème siècle arrive la théorie de l’évolution et le transformisme avec Charles Darwin (correspondant de l’Académie des sciences). « Il a tout de suite vu que tous les travaux accomplis sur l’anatomie comparée pouvaient lui servir pour sa théorie sur l’évolution, » souligne Stéphane Schmitt. A ce propos Charles Darwin était clair : « Toutes ces similitudes qu’on nous démontre depuis des décennies entre les différents animaux, elles s‘expliquent elles-mêmes à partir du moment où on admet l’idée d’évolution.» Pour l’Académicien, il ne fait nul doute que l’idée d’un ancêtre commun peut expliquer que plusieurs animaux aient un membre inférieur semblable qui peut se décliner sous des formes diverses : bras, nageoire, aile… L’anatomie comparée a donc nourri sa théorie de l’évolution.
- Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788) est un naturaliste, biologiste et écrivain français. Il transforma le Jardin des Plantes en centre de recherche et en musée. Il fera du cabinet d’Histoire naturelle du roi l’un des plus riches d’Europe. En 1744 il est nommé trésorier perpétuel de l’Académie des Sciences. Il est élu membre de l’Académie française en 1753. En 1749, il publie Histoire naturelle. Il est l’un des précurseurs du transformisme et ne classe pas les animaux selon des critères biologiques mais pense que tous les espèces ont dégénéré au fur et à mesure du temps. Par exemple, le cheval est devenu un âne. C’est la théorie de la dégénération.
En savoir plus:
- Poursuivez l'aventure scientifique en écoutant la 3ème conférence du Muséum intitulée “Confidences d’Albert Gaudry (1827-1908) sur Charles Darwin (1809-1882)” par Pascal Tassy, paléontologiste, professeur au Muséum.
- Ecoutez également la 1ère conférence du Muséum intitulée ["Année Darwin : Géographie des plantes et évolution des espèces
Par Jean-Marc Drouin, historien des Sciences, professeur au Muséum national d’Histoire naturelle."->5323]
- Consultez les émissions de Canal Académie autour de Charles Darwin
- [Pour participer aux prochaines conférences du Muséum national d’Histoire naturelle, rendez vous sur le site:->
http://www.mnhn.fr/museum/foffice/transverse/transverse/accueil.xsp]