Axel Kahn : l’éthique expliquée aux lycéens

l’exemple de la procréation assistée
Avec Axel KAHN
Correspondant

Pour illustrer le lien entre la science et la société, Axel Kahn s’est intéressé à l’exemple de la procréation assistée. Ecoutez sa réflexion à la fois philosophique et scientifique sur les actuelles questions d’éthique. Il s’est exprimé face à un public de lycéens lors de la semaine de la science 2007, au grand salon de la Sorbonne à Paris.

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Axel Kahn, médecin généticien, membre de l’Académie des sciences

La morale distingue ce qui est bien de ce qui mal. L'éthique de son côté est surtout une réflexion sur ce qu’il convient de faire : en quoi la science, si elle débouche sur une pratique, permettrait-elle de dire qu’elle est moralement légitime si on l’applique à l’homme ?
Pourtant, êthos (grec) et moralis (latin) ont le même sens.

L'éthique est synonyme d'un dilemne à résoudre, d'incertitudes.
Par exemple est-il éthique de prendre un embryon humain, de le détruire afin d’étudier des phénomènes et d’isoler des cellules dont on attend un grand progrès médical ? Ici intervient le dilemne :
- Si l’embryon se développe, il devient une personne. Il est donc moralement légitime de respecter cette personne.
- Mais ne pas utiliser son intelligence pour essayer de porter remède aux malades n’est pas moralement légitime non plus.

les deux propositions sont rationnelles, logiques et pourtant contradictoires


Ethique et procréations assistées :

- Rendre une femme fertile après ménopause

S'il est légitime qu’un homme de 55 ans ait un enfant, pourquoi pas une femme du même âge, même après ménopause ?
Il vaut mieux qu'un enfant soit élevé par des personnes âgées aimantes que par de jeunes qui délaissent leur nourisson… Mais comment l’enfant vivra-t-il ce décalage biologique en société ? Sera-t-il prêt à affronter les remarques à l'école ? Aura-t-il encore ses parents à 25 ans ? Il faut par ailleurs prendre en compte le danger encouru par la femme.

Dans ce cas particulier, la responsabilité éthique est du ressort du médecin.

- Coup de pouce au spermatozoïde fatigué !

La technique de ICSI ( injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde) consiste à prendre un spermatozoïde qui n'arrive pas jusqu'à l'ovule. Prélevé dans une serringue, il est injecté ensuite dans l'œuf.

Cette méthode, qui reste à ce jour la plus efficace, pose cependant des problèmes moraux :
Si ce gamète est "fatigué", peut-être a-t-il ses raisons ! Peut-être la sélection naturelle joue-t-elle son rôle afin d'éliminer ce qui produirait un embryon aux graves déformations. Cette pratique, comme l'explique Axel Kahn, est une conjonction de deux phénomènes :
- La folle témérité de certains biologistes intéressés plus par la performance que par le service rendu.
- L’acceptation d’un risque inconsidéré de la part des géniteurs qui veulent à tout prix une filiation par le sang.

Injection intra-cytoplasmique de spermatozoïde



- Fécondation par spermatozoïde «artificiel»

Récemment, une équipe française à l’étranger a réalisé un prélèvement testiculaire chez un homme qui n’avait aucun spermatozoïde.
Mis en culture, ce fragment a mûri pour devenir une cellule ressemblante au spermatozoïde, un spermatide. Une fois injecté dans l’ovule, ce dernier a un pouvoir fécondant. Axel Kahn ne cautionne absolument pas cette méthode et parle d'acharnement thérapeutique : «la dangerosité potentielle qu'engendre cette méthode n'est pas acceptable».

- Clonage reproductif chez l’homme

Aujourd’hui, il ne fonctionne pas. Seules les expériences chez le singe ont réussi. Mais comme le souligne Axel Kahn, «l’autonomie des individus commence par la limitation du pouvoir des parents». Si les futurs parents ont désormais la possibilité d'avoir un enfant quand ils veulent (contraception/ procréation assistée) en revanche, il reste le fruit du brassage génétique, du hasard.

Pour Axel Kahn, «cette appréciation, de l’altérité de l’autre, de la différence de l’autre rend tout à fait illégitime cette technique du clonage».

Le clonage reproductif serait un barrage au brassage génétique, à l’évolution même de l’espèce
© Bluestone cosmos



- Fécondation de gamètes du même sexe : une nouvelle étape de procréation assistée ?

Demain une nouvelle forme d’homoparentalité pourrait voir le jour : la fécondation de deux gamètes du même sexe.
Ce procédé n'est pas encore possible à l'heure actuelle chez l’homme, mais il a déjà été expérimenté avec succès sur la souris. Les scientifiques ont prélevé une cellule immature femelle pour le féconder avec un ovule. Outre les questions éthiques que cette méthode suscite, elle pose des difficultés physiques : les chromosomes fonctionnent en effet par deux, et certains d'entre eux ont la nécessité de faire la paire avec un chromosome mâle et un chromosome femelle.


En savoir plus sur :

- Axel Kahn membre de l'Académie des sciences
Docteur en médecine et docteur ès sciences, ancien interne des Hôpitaux de Paris, Axel Kahn devient chercheur à l'INSERM avec une spécialisation en biochimie. Ses travaux portent sur les maladies génétiques, la thérapie génique, les cancers, la régulation de l'expression des gènes par les sucres, et plus récemment le foie et le métabolisme du fer. À la fin des années 1980, il se fait le porte-parole en France de la thérapie génique. Il a présidé la Commission du génie biomoléculaire de 1988 à 1997. Nommé directeur scientifique adjoint pour les sciences de la vie de la société Rhône-Poulenc de 1997 à 1999, il fut également membre du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) de 1992 à 2004. Directeur d'une unité de recherche Inserm depuis 1984, il est actuellement directeur de l'Institut Cochin.
Il est président de l'université Paris Descartes depuis le 20 décembre 2007.

Bibliographie :
- Axel Kahn, Et l'homme dans tout ça, éditions Nil, 2000

Ecoutez notre émission en compagnie d'Axel Kahn à partir de sa trilogie : Nature et humanité, qui contrôle qui ?

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