La biodiversité expliquée aux lycéens par Christian Dumas, membre de l’Académie des sciences
Chaque année, on découvre en moyenne 15000 nouvelles espèces, qu’il s’agisse des bactéries vivant sans oxygène ou d’une nouvelle plante. Mais combien disparaissent parallèlement ? L’homme est-il uniquement destructeur de biodiversité ? Réponses en compagnie du biologiste et botaniste Christian Dumas, qui nous donne à réfléchir à travers son tour d’horizon de la biodiversité et des interactions parfois extraordinaires entre les espèces.
On estime que 35 % des espèces pourraient avoir disparu dès 2050, et cela, malgré les découvertes régulières de nouveaux êtres vivants.
« Vue la complexité d’un écosystème, on ne sait pas vraiment aujourd'hui ce qui se passe lorsqu'une espèce est retirée du maillage. C'est la raison pour laquelle les chercheurs se penchent sur la modélisation des écosystèmes : pour essayer de prévenir les risques de disparitions en chaîne » précise Christian Dumas..
Sur les 1,7 million d’eucaryotes connus (on estime qu'il en existe entre 2 et 100 millions !), les insectes représentent jusqu’à 50% de la biodiversité aujourd’hui. Les plantes occupent une tranche de 20% et les 30% restant sont alloués à la vie animale.
La protéine : clé de la diversité
Lorsque l'on découvre que l’homme a moins d’ADN qu’un triton et qu'il a moins de gènes que la luzerne, il y a de quoi se poser des questions ! « C'est parce que notre diversité n'est pas une question de gène ni d'ADN, mais une question de protéines » corrige Christian Dumas.
Il existe une incroyable diversité des écosystèmes. « En Europe, nous vivons dans un agro-écosystème : la nature est changée par l’homme pour l’agriculture » précise le biologiste.
D'autres sont beaucoup plus fragiles. C'est le cas des récifs coralliens qui sont sensibles à l'augmentation de la température et l'acidification des océans. « Les crèmes solaires aussi participent au blanchiment des coraux » précise Christian Dumas.
Les zones humides comme les mares et les mangroves sont également très perturbées par l'impact des activités de l'homme.
La biodiversité : s'émerveiller devant la magie de la nature
Au cours de cette conférence donnée aux lycéens, Christian Dumas nous donne à nous émerveiller face aux ressources de la nature.
La graine de palétuvier par exemple ressemble à une lance. Lorsqu’elle se détache de l’arbre, elle se fiche directement dans la vase. « La plante ne pourrait pas de reproduire si tel n'était pas le cas » précise le botaniste.
Autre exemple, tout aussi intéressant : les bactéries intestinales. "Elles sont si nombreuses dans notre organisme qu'elles représentent 3% de notre poids ! On pensait en avoir énormément. Finalement on s'est aperçu récemment qu'elles n'étaient que 1000 espèces environ. Ce sont elles qui permettent aux Japonais de digérer les sushis. "Plus exactement, les Japonais ont des gènes qui codent pour une enzyme bactérienne détruisant l’algue rouge. Ces gènes n’existent pas dans la population nord américaine" nous explique-t-il.
Christian Dumas s'attarde sur les plantes, qu'il connaît particulièrement. Comment ne pas s'émerveiller devant les lithops, ces "fleurs-cailloux" que l'on remarque à peine sur le sol de l'Afrique du sud.
Même chose avec les "fire trees" en Australie : des arbres adaptés au passage du feu, et dont les graines n'éclatent pour libérer le fruit qu'après le passage des flammes de 400 à 1000°C.
Interactions plantes / insectes
L'exemple de l'interaction entre le maïs, la chenille et la guêpe est sans doute un des plus orignaux.
« La chenille broute les feuilles de maïs et provoque un bouquet de molécules parfumées. Ce signal attire une guêpe qui va pondre sur le dos de la chenille, ce qui va finir par la tuer ». Voilà un insecticide naturel tout trouvé sur lequel travaillent les scientifiques !
L'interaction entre l’orchidée appelée Etoile de Madagascar et le papillon sphinx de Darwin est pour sa part l'un des plus majestueux. L'orchidée de Darwin possède un éperon très long où est niché le nectar. Pour être polonisée, la fleur a besoin d’un insecte avec une trompe de 35cm de long ! Vint-cinq ans après la découverte de l'orchidée, on a découvert le Sphinx, le seul insecte capable de prélever le nectar de ladite plante.
Aussi variée soit-elle, la biodiversité masque cependant une grande unité de développement. « L’écrivain Goethe avait fait la remarque sur les roses cent feuilles. Il avait élaboré la théorie d’une unité de vie végétale et animale. Sa théorie s'est révélée exacte beaucoup plus tard. On s'est aperçu en effet que les gènes responsables de la mutation des pétales étaient les mêmes pour constituer une patte chez un insecte : le même gène pour les mêmes organes »..
La place de l'homme dans la biodiversité
L’homme n'est pas uniquement destructeur de biodiversité. Il créé aussi des espèces. « Toutes celles que nous voyons actuellement portent l’empreinte de l’homme, qu'il s'agisse de la rose ou de l'animal domestique » assure Christian Dumas. «Mais il faut garder en tête que nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres nous l’empruntons à nos enfants » termine-t-il.
Christian Dumas est biologiste et botaniste. Il dirige l’Unité mixte de recherche « Reproduction et Développement des Plantes », associée à l’INRA, au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l’École normale supérieure de Lyon. Ancien directeur scientifique du jardin botanique du parc de la Tête d’Or de Lyon, il vient d’accepter le poste de président de la Société botanique de France.
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