Le manque d’eau et la planète
L’eau, sa distribution spatiale et la biodiversité sur terre : un problème non insurmontable selon l’académicien Ghislain de Marsily qui intervenait le 14 mai 2008 à l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm à Paris. Canal Académie vous propose d’écouter cette conférence.
_ «Est-ce que l'eau est le véritable problème sur terre ?». Question fondamentale que pose Ghislain de Marsily. Il y répond en nous sensibilisant sur divers points.
L'eau, un problème purement économique
Selon l'académicien, globalement, le problème de l’eau n’est pas un problème insurmontable. L’eau domestique ne manquera jamais. «On mourra peut-être de faim sur terre mais jamais de soif. Il y a de l’eau partout, vous pouvez aller dans les endroits les plus reculés où il n’y a aucune ressources, on pourra toujours dessaler un peu d’eau de mer et boire.» D’un autre côté, le problème réel de l’alimentation en eau potable est économique. Il est bien difficile de fournir de l'eau de bonne qualité aux populations qui n’en ont pas. Ce n’est pas un problème de quantité car, pour Ghislain de Marsily, « il y a toujours assez d’eau.» Le vrai souci reste que nous manquons de moyens financiers pour installer des stations d’épuration et des conduites et amener l’eau chez les gens. Au fond, le problème s'avère purement économique avec, en prime, la crise actuelle du prix du blé.
La migration des zones climatiques vers les pôles
Interrogeons-nous aussi sur les changements climatiques de la distribution spatiale à l’échelle très globale. Il faut garder en tête la dissymétrie colossale entre les pays en développement qui ont besoin d'avoir de l'eau stockée pour compenser les aléas du climat, et les pays développés qui en ont moins besoin. Le phénomène de migration des zones climatiques vers les pôles fait que par exemple : le sud Sahara sera plus arrosé qu’il ne l’est aujourd’hui et le nord Sahara le sera moins. Pour la zone tempérée : les précipitations en Europe du nord seront renforcées et celles en Europe du sud seront diminuées. Ceci nous mène au constat d'inégalités des ressources en eau dans le monde. Ces inégalités ne sont pas pour autant fatales. Selon l'académicien : «nous avons même l'espoir de voir augmenter les précipitations en Inde et en Chine du nord.»
Les infrastructures : une nécessité
Les ressources en eau sont abondantes mais mal réparties. Comment pallier cette mauvaise répartition ? La capacité financière en moyens d’équipements fait défaut : il manque de l’eau dans certaines régions parce que l’on n’a pas de barrage, que l'on n’a pas de canaux, ou que l'on n’a pas fait les travaux nécessaires. C'est bien souvent aux endroits où les infrastructures manquent que se trouvent les 850 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim. En outre, la surface du globe regroupe 13 milliards d’hectares de continents dont seulement 4 milliards sont cultivables. L’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique du nord ont déjà mis en culture tout ce qu’ils pouvaient cultiver. Ce qui nous amène à un constat : le problème de la nourriture mondiale ne s’exprime pas en manque d’eau ; il s’exprime en manque de terre. Les continents qui ont beaucoup de terres tels que l’Amérique du sud ou l’Afrique n'ont pas les moyens ni les équipements nécessaires pour cultiver leurs espaces et produire de la façon dont ils voudraient.
Au fond, le constat est simple : pour que tous les habitants de la planète mangent à leur faim, il faudrait que le monde se mette de façon solidaire à produire de la nourriture là où cela pourrait être possible. Il faudrait ensuite pouvoir la transporter vers les zones en demande ; le tout via un commerce équitable et politiquement acceptable. Ghislain de Marsily reste dubitatif : «est-ce que nous, français, allons accepter pour notre pain de tous les jours de dépendre de l’Amérique du sud ou de la Sibérie si un jour ces gens là ferment la vanne de la nourriture ?»
Pour l'académicien aucun doute : le problème du manque d'eau s'avère être un problème politique, d’échange et de coopération.
En savoir plus :
Professeur à l'université Pierre et Marie Curie et à l'École nationale supérieure des mines de Paris, Ghislain de Marsily, ingénieur civil des mines (Paris, 1963), docteur ès sciences (1978), est spécialisé en hydrologie. Il a principalement étudié les ressources en eau, les processus géologiques liés aux écoulements et le problème du stockage des déchets de l'industrie en liaison avec les écoulements souterrains. Il a mis en place et dirigé de 1989 à 1999 le programme du CNRS « PIREN-SEINE » qui étudie le comportement hydrologique de l'ensemble du bassin de la Seine, tant du point de vue quantitatif (débits, étiages…) que qualitatif (flux de polluants, biodégradation, équilibre écologique du milieu...).