L’Egalité, selon Bertrand Saint-Sernin et Roland Drago
L’Egalité, tel était le thème du colloque organisé conjointement par l’Académie des sciences morales et politiques, le Centre de Recherches en Théorie général du Droit et l’Association française de Philosophie du Droit, qui s’est tenu, à l’Institut de France, les 16 et 17 octobre 2007. Une vingtaine d’intervenants ont pris la parole. Voici deux des interventions, celle de Bertrand Saint-Sernin et celle de Roland Drago, tous deux membres de l’Académie des sciences morales et politiques.
Ce colloque fut introduit et présidé par M. Jean Foyer, ancien garde des sceaux et ministre de la justice, de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur émérite de l'Université Paris II (Panthéon-Assas).
Il a souligné combien l'exercice de réflexion autour du sens d'un mot, en l'occurence celui d'Egalité, peut se réclamer d'une haute et illustre antiquité tant ce mot est utilisé à la fois par les philosophes et les juristes.
Egalité est un mot emprunté au latin, aux Romains, mais qui a porté des sens différents dans le Droit au fil des siècles. Il a été également employé, précisa Jean Foyer, dans un sens religieux. St Athanase avait appliqué le mot Egalité aux personnes de la Sainte Trinité...
En parfait latiniste qu'il est, Jean Foyer a rappelé qu'Egalité est issu d'Equalitas, et qu'on utilisait d'ailleurs le mot Equalité avant Egalité (jusqu'au XVI ème siècle). Puis le terme s'est laïcisé et la philosophie des Lumières le place dans le droit public puisqu'on le rencontre dans la Déclaration des Droits de l'Homme et dans la devise de la République.
Ce colloque montre qu'il est question d'Egalité dans de très nombreux domaines et qu'il a, en quelque sorte, "rayonné" : droit public, droit privé, droit pénal, droit international, communautaire, etc...
l'Egalité valait donc bien un colloque entier...
Dans cette émission, vous entendez d'abord le philosophe, ancien recteur d'académie Bertrand Saint-Sernin traiter des "inégalités scientifiques et technologiques entre les nations". En professeur de philosophie des sciences et théorie de la connaissance qu'il fut, M. Saint-Sernin s'interroge sur les disparités entre les pays en s'appuyant sur deux éléments pour lesquels les statistiques sont fiables : le nombre de chercheurs ayant reçu un Prix Nobel ou la médaille Fields et le nombre de publications scientifiques citées. Pourquoi existe-t-il des inégalités scientifiques entre les pays ? Et pourrait-on réduire ces inégalités ? Ces questions le conduisent à aborder des notions philosophiques comme la liberté individuelle, la sagesse, la créativité, le talent et le rationalisme.
Le travail scientifique aujourd'hui ne s'opère plus uniquement de manière individuelle mais tend à devenir l'oeuvre d'un groupe ou d'une collectivité. Il y a interconnexion entre les différentes disciplines. La science est devenue intercollective. La recherche scientifique ne se présente donc plus comme elle l'était au moment de sa naissance, au XVII ème siècle. Comment favoriser la créativité quand les problèmes à résoudre relèvent d'une pluralité de disciplines ? Comment discerner ce qui pourrait être un centre de recherche créative ? Vers quel modèle s'orienter ?
La réflexion de Bertrand Saint-Sernin s'avère essentielle au moment où l'on parle en France de réorganisation de la recherche.
Seconde intervention que vous pouvez écouter ici, celle du professeur Roland Drago, professeur émérite de l'Université Panthéon-Assas (Paris II) qui a choisi de traiter des deux mots Egalité et Liberté.
Après avoir évoqué le contexte historique dans lequel ces mots apparaissent, de la Révolution à la Constitution de 1958, Roland Drago s'interroge sur les relations, hiérarchie ou absorption, entre ces deux notions dans le Droit public et dans la vie politique.
Il évoque longuement Chateaubriand qui écrit dans ses Réflexions politiques : "l'amour de l'égalité est la passion dominante en France", et aussi "les Français n'aiment point la liberté ; l'égalité est leur seule idole" ou encore "l'égalité et le despotisme ont des liaisons secrètes"... Mais ce ne sont là que quelques unes des phrases que cite Roland Drago dont l'analyse des deux mots chez Chateaubriand va bien au-delà.