Eugène Ionesco par sa fille
Marie-France Ionesco nous emmène sur les traces de son père au temps où il lui lisait Le Grand Meaulnes à la bougie. Le temps a passé et c’est vers les lettres que Marie-France s’est tournée. Entre regard touchant d’une fille sur son père et voyage dans l’univers si particulier d’Eugène Ionesco, Canal Académie vous propose le portrait d’un homme avant tout sensible.
Son parcours, à elle, a-t-il été inspiré de son père ? A cette question, Marie-France Ionesco répond en riant : «ce serait de bien mauvaise augure lorsqu'on pense à la dernière scène de la pièce de théâtre "La leçon" qui a été écrite par mon père ! En effet, cette scène se termine par le professeur qui tue son élève...» Plus sérieusement, tous les pères jouent-ils un rôle déterminant sur la pensée, la réflexion ou la vie de leurs enfants ? Ce fut le cas pour notre invitée qui explique combien la présence de son père fut forte, intense et attentive à ses côtés. Très proche de sa fille, il lui lisait le soir à la bougie des histoires ou des contes de sa propre plume (qui furent publiés chez Gallimard) pour qu'elle soit mieux pénétrée de l'histoire. Cette relation riche perdura par delà les années et la passion des lettres du père fut transmise à la fille.
Son éducation littéraire cotoya les livres fétiches d'Eugène Ionesco. Ce dernier avait pris l'habitude de faire lire à sa fille les écrivains qu'il admirait le plus, tous les livres qui l'avaient marqué. Ce furent La comtesse de Ségur, Les trois mousquetaires ou Le Grand Meaulnes dont il aimait l'histoire avec la quête de la jeune fille disparue et retrouvée. Il y voyait le domaine perdu, la lumière que l'on recherche tous...
Dans cette émission Marie-France Ionesco nous lit quelques passages tirés d'un livre d'entretiens Entre la vie et le rêve qu'Eugène Ionesco a accordés à Claude Bonnefoy. Voici ce qu'il dit à propos des lectures de son enfance :
- «Enfant, comme tous les enfants, je lisais des contes de fées, après je lisais la vie de Turenne, la vie de Condé. Après encore, je lisais des histoires qui venaient de très loin. A la Chapelle-Anthenaise, c'était toute la littérature populaire du XVIIIème siècle.»
Le livre qui le marqua le plus fut sans conteste Un coeur simple de Flaubert :
- «Je sais que j'ai découvert la littérature grâce à Flaubert, un peu plus tard vers 11 ou 12 ans. C'est en lisant Un coeur simple que j'ai eu tout d'un seul coup la révélation de ce qu'était la beauté littéraire, la qualité littéraire, le style. Certes, j'avais déjà lu Les misérables, mais je n'avais pas eu le même choc. Avant ce choc, je crois, je lisais tout : des choses écrites par les grands écrivains, j'avais lu un ou deux romans de Balzac, d'autres romans de Hugo, Les trois mousquetaires mais aussi Cricri, l'Epatant, des romans policiers. Mais après la découverte d'Un coeur simple, il m'a été impossible de continuer à lire les mauvais romans-feuilletons, les romans policiers de basse qualité. J'avais compris la littérature. Ce n'est pas l'histoire qui compte mais surtout comment elle est écrite, car n'importe quelle histoire doit révéler une signification plus profonde. Aimer davantage la manière dont une histoire est racontée plutôt que ce qu'elle raconte : c'est cela le signe de la vocation littéraire.»
Voilà par Ionesco une belle définition de la littérature !
En savoir plus :
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- Ionesco à l'Académie française
- Marie-France Ionesco est l'auteur du livre Portrait de l'écrivain dans le siècle.