Jean-Loup Puget, Monsieur Big Bang
Jean-Loup Puget revient sur son parcours qui l’a mené jusqu’à l’astronomie observationnelle et la construction des instruments comme celui qui réside sur le satellite Planck. De ses rencontres avec Evry Schatzman et Pierre Léna, en passant par ses découvertes scientifiques et son intérêt pour l’interdisciplinarité en physique, Jean-Loup Puget nous donne à rêver en nous promenant aux confins de l’univers.
Deux personnes ont considérablement modifié le parcours de Jean-Loup Puget.
La première c’est Evry Schatzman.
Etudiant en physique théorique, Jean-Loup Puget se destine au départ à la physique des particules et fondamentale. Mais au même moment se développe un nouveau modèle de cosmologie, celui du modèle symétrique matière antimatière de Roland Omnès, professeur de physique à Orsay. « A cette époque, on avait beaucoup de mal à comprendre pourquoi en produisant des particules dans les accélérateurs, elles étaient toujours produites chacune en quantité égale. Dans son modèle Roland Omnès introduit une séparation précoce dans l’univers avec des régions ayant un peu plus de matière et d’autres avec un peu plus d’antimatière. Les deux s’annihilent, laissant juste les petits excès. J’ai trouvé l’idée de Roland Omnès très intéressante. Alors lorsqu’ Evry Schatzman m’a proposé un sujet de thèse sur ce modèle, je me suis précipité ».
En 1973, année de thèse de Jean-Loup Puget, Evry Schatzman part faire une année sabbatique au CERN [[Le CERN est l’Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire. Installée entre la frontière suisse et française, il y repose notamment sous terre un gigantesque collisionneur de particules dont le but est de reconstituer les premiers moments de l’univers]] en Suisse. Jean-Loup Puget le suit comme stagiaire « C’est le début d’une longue collaboration et amitié avec Evry Schatzman » raconte-t-il. « C’est aussi aussi au CERN que j’ai découvert l’interdisciplinarité entre la physique des particules, la physique théorique et la cosmologie ».
Autre nom qui marque le parcours de Jean Loup Puget, celui de Pierre Léna. En travaillant sur la modélisation matière/antimatière, Evry Schatzman envoie Jean-Loup Puget aux Etats-Unis au centre spatial près de Washington. Là sont décortiqués les données des premiers satellites analysant les rayons gamma. « C’était très important pour nous. C’était un des moyens de démontrer la présence d’antimatière à grande échelle. (Lorsque l’antimatière s’annihile, elle produit des rayons gamma qui peuvent être détectés). C’est à cette période que j’ai commencé à m’approcher de l’observation astronomique spatiale » poursuit-il. C’est à ce moment là que Jean-Loup Puget s’aperçoit que le modèle symétrique matière antimatière de Roland Omnès n’est pas le bon.
« Je suis alors parti vers l’utilisation des mêmes types de données pour entamer des recherches dans la physique des hautes énergies. J’ai commencé à faire de l’interprétation de ces données, des rayons gamma, les rayons infrarouges. Nous avons même développé une petite expérience ballon pour faire des observations. C’est ainsi que j’ai commencé à travailler dans le laboratoire de Pierre Léna [[Pierre Léna est astrophysicien, membre de l’Académie des sciences ]] et c’est avec lui que j’ai découvert l’astronomie observationnelle et la construction des instruments ». Dès lors, Jean-Loup Puget ne cessera de travailler au développement des outils d’observation des satellites. C’est ainsi qu’il a été amené sur le satellite Planck avec une équipe internationale.
Les rayons gamma et microondes extragalactiques
Jean-Loup Puget a travaillé sur l’origine du rayon gamma extragalactique. Le rayonnement gamma est lié dans la voie lactée à l’interaction du rayonnement cosmique avec la matière. A cela s’ajoute le rayonnement des galaxies actives qui ont des trous massifs en leur centre. « Ce n’est pas un vrai fond diffus comme on le pensait à l’époque, c’est la somme de sources qu’on n’était pas capable de déceler individuellement. Ce rayonnement qui vient de tout l’univers nous raconte l’histoire de l’univers » précise l’astrophysicien.
Par ailleurs, l’espace entre les étoiles n'est pas vide. Il contient du gaz et des poussières qui forment une fraction substantielle de la masse de notre galaxie et d'une partie des autres galaxies. Cette structure du milieu interstellaire va former les étoiles. Par ailleurs, les étoiles rejettent une grande partie de leur matière soit sous forme d’explosion, (c’est le cas des supernovæ) soit en éjectant des bouffées de gaz qui se mêlent au gaz interstellaire et reforment des étoiles. Tous ces gaz émettent des rayonnements infrarouges des ondes radios et microondes.
Jean-Loup Puget a aussi cherché à comprendre pourquoi la température du rayonnement des poussières interstellaires ne diminuait pas au fur et à mesure lorsqu’on s’éloigne des étoiles. « On s’est appuyé sur l’idée suivante : si les grains de poussières sont très petits et qu’ils reçoivent un grain quantique de lumière, ils peuvent être chauffés, émettre un rayonnement lorsque la température est élevée, refroidir et ne plus émettre quoi que ce soit, et être de nouveau chauffé par un nouveau grain de lumière.
C’est ce mécanisme qui nous a fait dire qu’il existait des grains nanométriques assez solides pour être chauffés. On en a déduit que ce devait être des molécules carbonées ». Et le résultat a corroboré l’hypothèse : il s’agit de molécules hydrocarbonées aromatiques. Il existe donc dans l’univers de petites molécules et de grosses molécules organiques.
Le fond cosmologique microonde
Le fond cosmologique fossile microonde a été prédit en 1949. On cherchait à l’époque à savoir pourquoi il y avait autant d’hélium dans les étoiles. A l'époque on sait déjà que l’univers est en expansion. On sait qu'en remontant le temps, le gaz est de plus en plus dense, qu’il fait de plus en plus chaud. Pour qu’il y ait 25% d’hélium, les chercheurs ont déduit qu’il fallait une température de 1 milliard de degrés pour former de l'hélium. Plus tard, on a découvert lors d’expériences de télécommunications hautes fréquences qu’il existait un bruit parasite, venant du ciel. Les chercheurs ont immédiatement compris qu’il s’agissait de la prédiction de George Gamow. On percevait le rayonnement micro-onde. Près de 95% de l’énergie de ce rayonnement remplit l’univers. Les étoiles émettent les 5% restant. « Si on avait des yeux capables de voir les micro-ondes, on verrait un ciel extrêmement brillant ».
Planck : le travail d’une carrière
C’est en 1994 qu’est lancé le projet du satellite Planck. Dans les équipes internationales, on retrouve en chef de file Jean-Loup Puget, responsable scientifique du principal instrument du satellite Planck, le HFI (High Frequency Instrument). C’est cet instrument qui est chargé de scruter le ciel jusqu’au plus près des débuts de l’univers.
Planck commence à livrer une partie des secrets de l’univers Mission Planck : premiers résultats en avant-première pour percer les secrets de l’univers. Mais les résultats tant attendus tomberont à partir de 2013. C'est certainement la plus belle mission sur laquelle Jean-Loup Puget a travaillé.
Au cours de cette émission Jean-Loup Puget revient également sur ses différentes fonctions d’encadrement dans la recherche. Il commence comme « Mission scientist » à l'Observatoire spatial infrarouge (ISO) de l'ESA (Agence spatiale européenne). L’ISO est l'une des missions à avoir conduit au plus grand nombre de résultats scientifiques de l'histoire spatiale bien que son exploitation opérationnelle ait cessé en 1998.
A 31 ans seulement, il devient Directeur adjoint de l’Institut d’Astrophysique de Paris (1978-1982) puis Directeur de l'Institut d'astrophysique spatiale (IAS) à Orsay (1998-2005). Parmi ses fonctions, il devient également membre, puis président de la commission interdisciplinaire Cosmologie-Astroparticules du CNRS.
Jean-Loup Puget est astrophysicien, directeur de recherche au CNRS, directeur d’un groupe d’intérêt scientifique sur la physique des deux infinis, ancien directeur de l’Institut d’astrophysique spatiale d’Orsay et membre de l’Académie des sciences.
Jean-Loup Puget est responsable scientifique du principal instrument du satellite Planck, dont la mission consiste à comprendre les origines de l'univers.
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