L’architecte Roger Taillibert : franchise d’un solitaire

L’académicien des beaux-arts, du Parc des Princes au stade de Montréal
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

«Toute ma vie, j’ai dû lutter contre des cloisons », du Parc des Princes au stade de Montréal, la tension est permanente chez l’architecte Roger Taillibert. Adepte de la courbe, refusant l’angle droit pour libérer l’esprit, l’architecte, élu en 1983 au sein de l’Académie des beaux-arts aborde son parcours, son œuvre et ne mâche pas ses mots sur l’architecture de nos banlieues.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : hab614
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Roger Tailibert est l’architecte du Parc des Princes et du stade Olympique de Montréal. L’architecte élu en 1983 au sein de l’Académie des beaux-arts, cherche depuis toujours à créer au-delà de ce qu’il voit en deux ou trois dimensions. Lui qui dit ne s’exprimer vraiment qu’en dessinant est aussi peintre.



« La lumière est traversière » nous dit-il. Il cherche à ce qu’elle traverse son architecture, comme elle traverse ses toiles, car l'architecte est également peintre.



 

Stade olympique de Montréal conçu par Roger Taillibert

Dans cette émission, il aborde son parcours, ses grandes réalisations et livre sa vision architecturale. L'homme né en 1926, raconte ses études et ses combats mais parle d'abord de peinture qu'il a en égale passion avec l'architecture. Étudiant à l'École Supérieure Nationale des beaux-arts de Paris, ayant grandi dans un village et proche de la nature, il prit très vite conscience des besoins de la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. Chez son père ébéniste, qui travaillait pour les châteaux de la Loire, la présence de peintres, amis de la famille le convainquit de la profondeur de son engagement pour l'architecture. Il nous parle de la figure de Le Corbusier, qu'étudiant il a rencontré, séduit par son rejet du classicisme. Stagiaire chez Alvar Aalto, il comprend auprès de l'architecte finlandais la nécessité « d'une puissance continue de travail et d'avoir une main bien disciplinée au service de l'esprit. Il y apprit à voir l'urbanisme en grand : à composer des éléments de villes sans grand volume dominant mais avec des rythmes qu'on peut retrouver partout. Chacun de ses rythmes donnait lieu à une réflexion qui correspondait à la fonction. Donc, pour Roger Taillibert, Aalto faisait de l'architecture organique fonctionnelle. Il a lui-même suivi cette voie faisant en sorte que « la fonction » apparaisse toujours à travers ses bâtiments ».

 

L’architecte Roger Taillibert, 1er février 2011
© Canal Académie

Son confrère l'architecte Claude Parent, dans son livre Portraits (impressionnistes et véridiques) d'architectes (Edition Norma) écrit de lui : Roger Taillibert trace son chemin régulier en dehors de toute appartenance au moindre groupe ou groupuscule, hormis celui de l'Institut.



Immortel, la chevelure qu'on ne lui a connue que d'un blanc étincelant, le profil tourmenté d'un condottiere à la française, portant beau et capable de donner vie et éclat au triste uniforme des académiciens, Roger Taillibert a le verbe haut en toutes circonstances.




Il a beaucoup voyagé et voyage encore. Des nombreuses villes qu'il évoque, Singapour est à ses yeux celle qui offre une des meilleures qualités de vie. Pour lui, l'homme cherche toujours des fonctions.





Dans son livre Entrée principale , l'architecture est définie comme une source d'émotions et doit avoir une mission thérapeutique. L'architecture d'un lieu doit dire par sa structure l'avenir, l'apaisement. Elle doit permettre de côtoyer les autres, de découvrir des choses inattendues et de se découvrir soi-même. L'œuvre d'art est pour lui comme une fenêtre vers l'intérieur de soi.



 

Dessin de l’architecte Roger Taillibert, Le Parc des princes
© Roger Taillibert

Pour la première fois dans le monde, en 1972 avec son Parc des princes il permet qu'on franchisse des porte-à-faux de 50 mètres (aujourd'hui, il va jusqu'à 100 mètres) avec une technique bien française, qu'il a croisée avec la technique de la précontrainte qui permet de réduire la quantité de béton utilisée avec des câbles.





Son épée d’académicien reprend la forme du stade Olympique de Montréal dont la flèche en courbe de béton précontraint est l'emblème : la tour penchée du stade à 40 degrés se visite. Elle est le seul exemple de tour oblique au monde. On y accède en funiculaire pour admirer des hauteurs la ville entière.



Roger Taillibert réfléchit toujours en architecte quand il pose son regard sur le monde ou se lance encore dans de nouveaux projets avec son agence.



Trouver une solution aux 4 milliards d'êtres humains sans logement sur terre en ce moment, lui semble une priorité ainsi que de sortir d'une architecture de papier-peint, faite pour l'image et les médias. Dans les banlieues de France ou d'ailleurs, il pense que la famille devrait avoir sa place pour pouvoir se retrouver dans notre architecture contemporaine.



Il décrit dans cette émission son dernier chantier, à Doha, une tour de 300 mètres destinée au tourisme, un futur hôtel sur la mer, de 60 étages où travaillent 6000 ouvriers.





A plus de 84 ans, en 2010, Roger Taillibert ne renonce pas à faire entendre la voix de l'architecture, lui qui préfère les silences ou plutôt la réserve et la solitude.



 

Dessin de l’architecte Roger Taillibert, Le stade olympique de Montréal
© Roger Taillibert

 

 



Pour en savoir plus



- Roger Taillibert, Académie des Beaux-arts, section architecture

- Agence d'architecture Roger Taillibert





Parmi ses livres



- Roger Taillibert, Stade olympique de Montréal, mythes et scandales, Edition Grenier 2010

- Roger Taillibert, Entrée principale, entretien avec Philippe Ungar, Edition Dilecta, Paris 2010

- Roger Taillibert, Croquis, Somogy Editions d'Art

- Alin Orlandini en collaboration avec Georges Rabant, Le parc Olympique de Montréal, le béton sublimé, Somogy Editions d'Art, 2010

 

 

 

Croquis de la Tour de Doha conçue par Roger Taillibert
© Roger Taillibert

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