Michel Zink, un moment essentiel de ma vie
Michel Zink, grand universitaire philologue et médiéviste, spécialiste éminent de la littérature du Moyen Age, a été élu le 28 octobre 2011 Secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres dont il était membre depuis le 3 juin 2000. Il répond à la première question de la série "l’Essentiel avec..." posée par Jacques Paugam : quel a été, à vos yeux, dans votre parcours, votre carrière, votre vie, le moment essentiel ? Écoutez la réponse de ce professeur au Collège de France qui évoque pour nous son parcours, ses responsabilités et ses nombreux souvenirs.
1- Dans votre itinéraire professionnel, dans votre carrière, quel a été jusqu’à présent le moment essentiel ?
Michel Zink : A n’en pas douter ma nomination comme professeur au Collège de France. C’était inattendu car au Collège de France->http://www.canalacademie.com/idm1036-+-College-de-France-+.html?var_recherche=coll%E8ge%20de%20france] on ne se porte pas candidat, vos pairs viennent vous chercher. Il n’y avait pas, à mes yeux, de raisons particulières de me distinguer mais ils l’ont fait. Une nomination que je dois à [Marc Fumaroli, à Yves Bonnefoy, à mon regretté maître Felix Lecoin. C’était en 1994. Le Collège de France est un monde en soi, magnifique, chaleureux, stimulant. Nous sommes constamment confrontés à la fusion de la recherche et de l’enseignement.
Jacques Paugam : Pourquoi est-ce différent ? Vous avez été aussi un grand professeur à la Sorbonne...
M.Z. : A la Sorbonne, les cours correspondent à des niveaux universitaires : vous choisissez un texte et vous faites le cours, première année, deuxième année… Et ça recommence. En outre, il faut assumer la machinerie universitaire, faire passer des examens. Au Collège de France, nous nous consacrons à notre recherche et nous enseignons cette recherche. Nous parlons de ce que nous voulons à la seule condition d’apporter à notre sujet un éclairage nouveau. Nous n’avons jamais le droit de nous répéter. L’exercice est difficile au bout de 18 ans !
Quand je suis arrivé, j’ai dit à un collègue physicien spécialisé en physique statistiques : « Vous, vous êtes dans la science en marche. » Il m’a répondu « Mon pauvre, croyez-vous que ça change tous les ans la physique statistiques ? » Nous sommes angoissés à la veille nos cours d’autant qu’ils sont publiques. Tout le monde peut y assister, on y vient comme on irait au cinéma sauf que c’est gratuit ! Maintenant ils sont sur le web, sur France Culture, si nous disons des bêtises ça s’entend.
En même temps, comme nous sommes dépositaires de savoirs très différents, nous découvrons des aspects que nous ignorions jusqu’alors. Il n’y a pas de continuité des chaires, nous cherchons constamment de nouveaux chercheurs à accueillir, de nouvelles disciplines à mettre à l’honneur. Nous débattons vraiment de questions intellectuelles, pas seulement de nos carrières comme souvent dans les universités. C’est un aspect particulièrement noble. C’est une position honorable, flatteuse et cela entraîne un "enchaînement" d’honneurs...
J.P : Vous êtes également sollicité par des pays étrangers.
M.Z. : D’autant plus que nous pouvons, chaque année, donner un tiers de notre cours à l’étranger.
J.P : Vous avez été invité partout dans le monde.
M.Z. : Mais maintenant que je suis Secrétaire Perpétuel, j’ai peur d’avoir un peu plus un fil à la patte !
J.P : Vous répétez souvent que le Collège de France est une institution sans équivalent, il n’y a vraiment rien au monde qui s’en s’approche ?
M.Z. : Qui s’en rapproche peut-être... mais pas d’équivalent. Par exemple, l’Institute for advanced studies de Princetown, maintenant imitée en France, a été créée sur le modèle du Collège de France. La différence, c’est que les fellows de cet institut ne sont pas obligés d’enseigner.
J.P : En 2009, vous publiez un livre, charmant et iconoclaste, aux éditions Tallandier : Seuls les enfants savent lire. Votre Académie n’a-t-elle pas été choquée ?
M.Z. : Ils ne sont pas comme cela !
J.P : Vous révéliez que vous étiez un élève paresseux, retardant le plus possible le moment de vous mettre au travail. Quand avez-vous pris conscience qu’il fallait que ça change ?
M.Z. : J’étais paresseux mais je travaillais quand même ! J’ai travaillé, malheureux, toute ma vie. Je n’aimais pas cela du tout mais j’ai beaucoup travaillé toute ma vie. Ce n’est pas que je n’aimais pas le travail mais j’étais angoissé, j’avais peur de me faire gronder, j’avais peur d’avoir une mauvaise note. Du coup je reculais le moment de commencer à étudier, et c’était encore pire.
J.P : Agissez-vous toujours ainsi ?
M.Z. : J’ai toujours peur. J’ai toujours l’impression lancinante de ne pas réussir à m’y mettre.
Dans l’intégrale de l’émission notre invité répond aux 6 autres questions de Jacques Paugam :
o Qu’est-ce qui est essentiel dans votre domaine d’activité ?
o Qu’est-ce qui est essentiel à dire aujourd’hui sur l’état de la société ?
o Quelle est selon vous la plus grande hypocrisie de notre temps ?
o Quel est l’événement de ces dernières années ou la tendance de ces dernières années qui vous laisse le plus d’espoir ?
o Quel a été le plus grand échec de votre vie ?
o Aujourd’hui quelle est votre motivation essentielle dans la vie ?
En savoir plus :
- Pour découvrir les réponses aux 6 autres questions essentielles, lisez l’intégralité du texte et écoutez en entier l’émission "L’essentiel avec...Michel Zink, de l’Académie des inscriptions et belles-lettres."
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