Bruno Cotte : notice sur la vie et les travaux de son prédécesseur Roland Drago
Elu le 6 décembre 2010, à l’Académie des sciences morales et politiques dans la section Législation, droit public et jurisprudence, Bruno Cotte a lu, en séance solennelle, la notice qu’il a consacrée à la vie et aux travaux de son prédécesseur le juriste Roland Drago. Il a, selon l’usage, retracé les étapes essentielles de sa carrière, mais a surtout dressé le portrait moral de celui-ci, son intelligence, sa droiture et sa générosité.
Comme le rappelle d'emblée Bruno Cotte, en tant que membre de l'Académie des sciences morales et politiques, Roland Drago, a été, pendant près de vingt ans, parmi les plus assidus. "Ses interventions et ses communications se signalaient par la science et l'appropriation. Il a lancé, conduit et fait aboutir plusieurs travaux collectifs de notre académie. Il en a assuré la présidence avec autorité et compétence, et s'est dévoué à des tâches administratives intéressant l'Institut. J'ai moi-même été introduit sous sa présidence en l'an 2000. Aussi bien, ai-je eu l'occasion et le loisir, pendant près de dix ans, de découvrir et d'apprécier une intelligence supérieure, une science inexpugnable, une culture profonde et un cœur généreux".
Voici un extrait de cet éloge. Lisez l'intégralité sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques
"Fils et neveu de magistrat, Roland Drago est né à Alger le 22 juin 1923. Les différentes affectations de son père, juge de paix à compétence étendue, le conduiront à découvrir Blida, où il fera ses études primaires, Constantine, où il suivra les classes du cycle secondaire, enfin Alger et son université où il découvrira le droit au contact de maîtres qui compteront pour lui.
Mobilisé à l’âge de 20 ans, en janvier 1943, il rejoint le 65e régiment d’artillerie algérienne avec lequel il gagnera successivement la Tunisie, l’Italie, enfin la France, où il débarque à Saint Tropez le 20 août 1944. Commencent alors pour lui la campagne de France puis celle d’Allemagne, où il sera démobilisé, en août 1945, dans le Wurtemberg.
Ces deux années de guerre marqueront profondément Roland Drago et il fera preuve, tout au long de son existence, d’un très grand intérêt pour les questions militaires. Sans doute cet attachement s’expliquait-il en partie par son goût prononcé pour l’histoire mais il était d’évidence profondément enraciné et il suffit de rappeler, pour s’en convaincre, qu’il a enseigné à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, qu’il fut auditeur de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale et, durant de longues années, membre du jury du concours d’accès aux fonctions de contrôleur général des armées, ce qui lui permettait de concilier, le temps des épreuves, sa passion pour l’armée et pour le droit public.
Revenu à la vie civile à la fin de la guerre, il dira souvent « Je suis né en 1945 ». Cette courte phrase, que m’ont confiée ses fils, dépeint parfaitement l’homme d’action qu’il sera. Il est inutile de se retourner sur le passé. C’est devant soi que l’on porte son regard. C’est ainsi que se comportera Roland Drago et il avancera vite.
Élève de René Capitant et de Marcel Waline, c’est sous la direction de ce dernier qu’il soutient brillamment sa thèse en 1948 ; nous y reviendrons. Il est reçu au concours d’agrégation de droit public des facultés de droit en 1950 et il rejoint alors Tunis où il enseignera notamment aux côtés de Jacques Flour, de Roger Jambu-Merlin, de Raymond Barre et de Philippe Malaurie avec lesquels il nouera des liens de solide et profonde amitié.
Il se marie en 1951 et il aura trois fils qu’avec leur famille nous saluons très chaleureusement et qu’à titre personnel je remercie pour l’accueil, si simple et si immédiat, qu’ils m’ont réservé afin de m’apprendre à découvrir puis à mieux connaître leur père.
En 1954, il cingle plein nord et, quittant Tunis, il gagne Lille où il restera jusqu’en 1965. Il y côtoiera Jean Foyer dont il demeurera proche et il y dispensera un enseignement remarqué préfigurant celui qu’il donnera à Paris où il sera, quelques années plus tard, le premier titulaire d’une chaire de Science administrative.
Universitaire, Roland Drago le fut certes : il enseigna bien sûr, exerça aussi des responsabilités administratives, en particulier au sein du Comité consultatif des universités ; il conseillera même un ministre des Universités.
Mais Roland Drago ne fut pas seulement un enseignant exceptionnel. Ce serait réduire l’homme et son existence car il eut, en réalité, plusieurs vies.
Voici pourquoi, opérant un choix au sein de ce que fut son existence, aussi variée que dense, vous parlerai-je, bien sûr, du professeur d’université : l’enseignant, le maître et l’auteur, qui sut transmettre son savoir et de quelle manière !
Mais je vous entretiendrai aussi de Roland Drago, comparatiste passionné, du juge également car il le fut, de l’académicien enfin, assidu et engagé.
Et l’homme que fut Roland Drago nous accompagnera dans le rappel de ce que furent ses diverses vies, différentes mais tellement complémentaires.
Et, vous l’avez compris, au-delà de leur apparente diversité, je souhaite, ardemment, parvenir à vous en montrer la richesse et, plus encore, l’unité"...
En savoir plus :
- Consultez la fiche de Bruno Cotte sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques
- Consultez la fiche de Roland Drago (1923- 2009) sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques
- Lisez l'intégralité du discours de Bruno Cotte sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques