L’émergence des Autorités Administratives Indépendantes
Roland Drago, après avoir donné la définition des Autorités Administratives Indépendantes et leur place dans l’Etat, développe le profil de la Haute Autorité de Santé puis s’interroge sur les avantages, difficultés et risques de ces organismes qui modifient notablement le pouvoir exécutif.
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Les Autorités Administratives Indépendantes, AAI, sont-elles réellement une "espèce dangereuse qui s'est développée au mépris de la Constitution", comme le laissent volontiers entendre certains juristes ?
Dans sa communication du lundi 29 octobre devant l'Académie des Sciences morales et politiques (dont il est membre siégeant dans la section Législation, droit public et jurisprudence), Roland Drago aborde un sujet d'actualité : on voit se développer ces institutions originales partout dans le monde, quel que soit le profil de l'Etat. Dans les pays britanniques, on les qualifie d'organismes "quasi autonomes non gouvernementaux". Mais les problèmes posés restent identiques.
Quelques mots de définition :
Les A.A.I. ont été crées par la loi ; elles sont dirigées par un conseil délibérant composé de personnalités indépendantes, souvent dotées de la personnalité juridique ; non soumises à la hiérarchie ministérielle ; elles agissent par avis, propositions, règlements, décisions, sanctions...
On en compte actuellement (2007) 55 en France, et une 56 ème sera bientôt crée relative aux OGM.
1 - vision d'ensemble et place dans l'Etat
Les AAI se trouvent en présence d'un système étatique en place et se positionnent donc "à côté".
On peut distinguer trois grandes catégories
Une première :
- le médiateur de la République, créé en 1953
- la CADA (commission d'accès aux documents administratifs)
- la CNIL (commission nationale Informatique et Liberté)
- le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel)
un autre groupe , plus récent, parmi lequel on peut citer entre autres :
- le Conseil de la Concurrence
- la Haute Autorité des marchés financiers
- la Haute Autorité de Santé (créée en 2005 et qui regroupe plusieurs anciennes agences)
et dans un groupe divers, on peut mentionner :
- la HALDE (contre les discriminations et pour l'Egalité)
- les organismes de régulation : de l'énergie, des télécommunications, des élections, des sondages, etc.
Roland Drago pose une première question : ces créations ont-elles alourdi le système administratif ?
Puis il évoque longuement dans cette communication les règles de droit administratif auxquelles sont soumises ces AAI, dont "l'indépendance" pose évidemment question.
2 - La Haute Autorité de Santé
en raison de l'importance des questions de santé, elle a été crée par la loi du 13 août 2004. Mais elle pose des problèmes majeurs juridiques, financiers et humains.
Le mot "Haute" d'ailleurs est lui-même sujet de réflexion... Certaines Autorités Administratives qui ont la personnalité juridique ne sont pas qualifiées de "Hautes"...
Elle est dirigée par un Collège de 8 membres selon le modèle du Conseil Constitutionnel. 2 membres sont nommés par le Président de la République ; 2 par le Président de l'Assemblée nationale ; 2 par le Président du Sénat ; 2 par le Conseil Economique et Social. Le fait que ces membres soient nommés et non élus autorisent à se poser la question de leur réelle indépendance.
350 personnes sont membres du personnel de la HAS qui s'entoure par ailleurs d'environ 3000 experts. "Un monde immense", comme le souligne Roland Drago.
3 - Questions ou remise en question ?
Roland Drago n'hésite pas à soulever des questions fondamentales dont celles-ci :
- pourquoi et comment a-t-on substitué à un certain nombre de décisions ministérielles les décisions des AAI ?
- ces organismes disposent-ils d'un pouvoir de règlementation ou de régulation ?
- ces AAI comportent des membres parlementaires ; qu'en est-il alors de la séparation des pouvoirs ?
- ce mécanisme ne génère-t-il pas une déviation profonde du système administratif français ?
- le principal risque n'est-il pas de voir les ministères dévorés ?
En conclusion
Roland Drago suggère d'envisager un statut unique des AAI. Cela serait au moins un début de clarté dans des situations diverses et confuses.
Reste le problème de leur existence même si elles prolifèrent : cela risque d'aboutir à un changement total de l'Etat où la séparation des pouvoirs serait abandonnée, où le pouvoir exécutif ne deviendrait alors qu'un coordinateur entre les nombreuses AAI...