Notice de Jean-David Levitte sur la vie et les travaux de Raymond Triboulet
Jean-David Levitte de l’Académie des sciences morales et politiques a été élu le 17 décembre 2007, dans la section générale, au fauteuil laissé vacant par le décès de Raymond Triboulet. Canal Académie vous propose d’écouter la retransmission de la séance de l’Académie qui s’est déroulée le 8 juin 2009, à l’Institut de France, au cours de laquelle le nouvel académicien, selon la tradition, lit la notice qu’il a rédigée sur le parcours et l’œuvre de son prédécesseur.
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En ouverture, Jean-Claude Casanova, président de l'Académie pour l'année 2009, rappelle que Raymond Triboulet élu en 1979 a été le doyen d'âge de la compagnie des sciences morales et politiques. Selon la tradition, il invite son successeur Jean-David Levitte, ambassadeur de France , au cours d'une séance solennelle, à lire la notice sur la vie et les travaux de son prédécesseur.
A l'Académie, la section générale
Auparavant, Jean-Claude Casanova membre de la section d'Économie, fait revivre les figures des ambassadeurs de France accueillis au sein de l'académie des sciences morales et politiques depuis sa création en 1795, en particulier, Talleyrand pour qui l'art de la diplomatie était un des plus élevés qui soit (1838). Le président Jean-Claude Casanova dresse ensuite l'historique de la section générale à laquelle appartient le nouvel élu : la seule qui ne soit pas liée à l'une des disciplines "indispensables à celui qui veut penser la politique, la philosophie, le droit, la morale, la sociologie, autant de disciplines, organisées en section au sein de la compagnie des sciences morales et politiques". L'Académie comptait autrefois dans ses rangs des académiciens qu'on nommait "membres libres". Jean-Claude Casanova retrace l'histoire et la particularité de leur ordre, disparu au profit de la section générale, créée en 1964.
Les membres libres jusqu'alors ne votaient que pour les élections de leur ordre, ne pouvaient être ni président de l'Académie ou de l'Institut, ni secrétaire perpétuel, distincts des académiciens titulaires, ayant droit de séance et de délibérations. Comparables à des docteurs honoris causa dans une université, cette distinction ne correspondant ni aux mœurs ni aux idées du XX e siècle, René Cassin l'a supprimée en 1964.
La section générale comprend une dizaine de fauteuils, actuellement occupés par :
- Renaud Denoix de Saint-Marc (fauteuil 1)
- fauteuil laissé vacant par le décès d'Édouard Bonnefous (24-02-2007)
(fauteuil 2)
- Jean-David Levitte (fauteuil 3)
- Christian Poncelet (fauteuil 4)
- Pierre Mazeaud (fauteuil 5)
- Gabriel de Broglie (fauteuil 6)
- Fauteuil laissé vacant par le décès de Pierre Messmer (29-08-2007)
(fauteuil 7)
- Thierry de Montbrial (fauteuil 8)
- Jacques de Larosière (fauteuil 9)
- Cardinal Roger Etchegaray (fauteuil 10)
Hommage à Raymond Triboulet
Jean-David Levitte a rendu hommage à Raymond Triboulet qui fut le premier sous-préfet de la première ville libérée, Bayeux. Il incarna donc, le rétablissement de la légalité républicaine. Ses essais, ses romans et ses mémoires reflètent sa vie d'homme politique et son goût pour l'histoire. Ses nombreuses publications parmi lesquelles 2 volumes consacrés à ses mémoires relatent sa vie d'homme politique. À 30 ans, jeune journaliste parisien, il s'enracina dans la terre de Bessin en Normandie. Il entre en politique en 1936 mais échoue aux législatives. Choqué par les accords de Munich, il rompt totalement avec ce milieu pour s'installer avec sa famille dans sa grande ferme de Sainte-Croix-Grand-Tonne. Enfin, il exerce dans sa chère Normandie la profession d’agriculteur.
Prisonnier en juin 1940, renvoyé en France en 1941 pour raison de santé, révolté par la collaboration, il entre très activement en résistance dans son département.
En novembre 1946, il est élu député du Calvados sous l’étiquette des Républicains indépendants. Il est réélu en 1951 puis en 1956 et prendra alors la présidence du groupe parlementaire des républicains sociaux.
En 1955, l’espace de quelques mois, Raymond Triboulet siège au gouvernement dans le second cabinet Edgar Faure comme ministre des Anciens combattants et des victimes de guerre. Mais l’expérience tourne court et Raymond Triboulet quitte le Ministère.
Il participe à la naissance de la Ve République en siégeant au Comité consultatif constitutionnel chargé de préparer la nouvelle loi fondamentale. Le 8 décembre 1958, dans la nouvelle Assemblée nationale, il est élu par acclamation président du groupe gaulliste, devenu le groupe le plus nombreux. Un mois plus tard, il entre dans le gouvernement dirigé par Michel Debré au ministère des Anciens combattants jusqu’en décembre 1962 : trois années politiques d’une singulière intensité.
En 1962, Raymond Triboulet est nommé ministre chargé de la Coopération. De Gaulle le convoque : « C’est une maison nouvelle qui n’a pas encore de structures fermes, lui dit-il : je vous demande d’en faire un grand ministère. »
Conseiller général du Calvados, réélu député à l’occasion des législatives de 1967, désigné à nouveau par ses pairs pour présider le groupe gaulliste à l’Assemblée, par ailleurs président de l’Association France-Israël, Raymond Triboulet mène une lutte sans concessions contre la loi d’Edgar Faure de réforme des universités.
Depuis la guerre, il n’a jamais cessé, de proclamer la compatibilité entre le gaullisme et le projet européen.
Après avoir vanté le fonctionnement de la CEE à six membres, Raymond Triboulet s'oppose à l’adhésion du Royaume Uni.
Il quitte l’Assemblée nationale en 1973, et le Conseil général du Calvados en 1976. Il se consacre alors à l'écriture de ses ouvrages d'histoire et participe à la Revue des deux Mondes.
Raymond Triboulet est élu le 17 décembre 1979, dans la section générale, au fauteuil laissé vacant par le décès de Wilfrid Baumgartner et fut Président de l'Académie et de l'Institut en 1991.
Citation de Raymond Triboulet : Pour moi, la beauté de la vie, le succès, le bonheur ne sont pas dans l'appétit dévorant du pouvoir. Ils sont dans la foi, selon cette devise que je donnais, prisonnier de guerre à trente-cinq ans, pour règle de vie à ma famille : Fide tribulatio levis. Seule la foi allège les inévitables tribulations de l'existence. C'est la flamme qui, pour un chrétien comme De Gaulle, s'élève de la France jusqu'à l'éternité. C'est la passion pour un idéal qui nous a illuminés si nous ne l'avons pas atteint. C'est la tâche assignée, l'honneur et la joie de la bien remplir. C'est toute la beauté bouleversante du monde créé.
En savoir plus
- Raymond Triboulet de l'Académie des sciences morales et politiques
- Ses livres et ses travaux académiques sur le site de l'Académie des sciences morales et politiques
- Jean-David Levitte de l'Académie des sciences morales et politiques
- Jean-David Levitte : Juriste, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’École nationale des langues orientales vivantes, il a appris le chinois, le malais et l’indonésien. Il est entré au ministère des Affaires étrangère en 1972.
Il a été conseiller à la mission permanente de la France auprès des Nations Unies de 1981 à 1984), puis ambassadeur représentant permanent de la France auprès de l’Office des Nations Unies à Genève de 1988 à 1991, représentant de la France au Conseil de sécurité et chef de la mission permanente française à l’ONU de 2000 à 2002 et, enfin, ambassadeur aux États-Unis de 2002 à 2007.
En 2006, il a été élevé à la dignité d’Ambassadeur de France. Jean-David Levitte connaît par ailleurs fort bien la présidence de la République puisqu’après avoir été chargé de mission au secrétariat général de la celle-ci, de 1975 à 1981, il a été appelé par Jacques Chirac en 1995 comme conseiller diplomatique et "sherpa", jusqu’à son départ pour New York en 2000. Il occupe actuellement les mêmes fonctions auprès du Président Nicolas Sarkozy.
- Sur Jean-David Levitte, vous pouvez aussi écouter : Jean-David Levitte, un diplomate à l’Elysée
- Sur Raymond Triboulet, vous pouvez aussi écouter son confrère Alain Plantey En hommage à Raymond Triboulet