Haïti : aider les professeurs des écoles à se former, grâce à une coopération franco-haïtienne
Quatre EFACAP (École Fondamentale d’Application-Centre d’Appui Pédagogique), équivalent de nos anciens IUFM, sont désormais équipées par satellite grâce à une coopération franco-haïtienne, soutenue par l’Académie des sciences, pour livrer une formation continue aux professeurs des écoles sur place. Comment s’élaborent les modules pédagogiques destinés aux professeurs ? Comment se les approprient-ils pour les exploiter pendant leurs cours ? Et comment s’organise toute la partie logistique dans un pays en reconstruction depuis 2 ans ? Réponses en compagnie de nos trois invités Rénold Telfort, David Lasserre et Sylvain Taussac.
Suite au violent séisme de 2010 à Haïti qui a fait plus de 220 000 morts, 300 000 blessés, 1 million de sans-abri et 85% des écoles de la capitale détruites, le CNES, l’université numérique francophone mondiale, les IUFM et l’Académie des sciences, ont mis en place en 2011 un système de formation par satellite pour des professeurs des écoles haïtiens.
Ainsi, depuis un an, des équipes basées en France créent des contenus pédagogiques et des modules de formation pour permettre aux enseignants et aux conseillers pédagogiques sur place d’acquérir de nouvelles méthodes. « Après plusieurs allers-retours entre les équipes françaises et haïtiennes pour adapter les contenus, les formations peuvent avoir lieu dans les EFACAP, École Fondamentale d’Application-Centre d’Appui Pédagogique mis en place à Haïti » précise David Lasserre, conseiller technique pour le français et la formation.
Les EFACAP sont un réseau d’écoles mettant en commun leurs ressources pour un renouveau pédagogique. Les enseignants viennent en formation un jour par semaine et repartent avec des modules à expérimenter directement dans leurs classes. La semaine suivante « on demande aux enseignants de nous faire part du comportement des élèves, de ce qui a été compris ou pas par les élèves » ajoute Renold Telfort, directeur de la DEF (Direction de l’Enseignement Fondamental) à Haïti.
Ces modules portent sur 6 matières distinctes :
- les mathématiques,
- le français
- les TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement)
- l’inclusion scolaire
- la santé
- les sciences expérimentales
L’inclusion scolaire est un domaine cher à nos invités. Dans ce module particulier « nous souhaitons amener les enseignants stagiaires à réfléchir à la manière d’intéresser une classe complète de 50 parfois 60 élèves, comment les faire participer sans laisser de côté ceux qui sont en difficulté » précise David Lasserre. Dans ces classes surchargées, les professeurs sont également confrontés à des écarts d’âge importants qui sont autant de disparités supplémentaires. Pour Renold Telfort, « Après 6 années de scolarité, 80% des élèves ont deux années de retard. Or vous n’intéressez pas de la même manière un enfant de 6 ans et un autre de 9 ans. Et puis après le séisme de janvier 2010, il était également d’important d’intégrer les enfants handicapés ».
Autre enjeu important : celui des nouvelles technologies. Ainsi l’explique Sylvain Taussac : « Nous sommes vraiment axés sur la communication et la mise en lien des personnes des deux côtés de l’Atlantique, dans une logique de transfert de compétences ». Parmi les EFACAP qui sont à la pointe, certaines écoles vont pouvoir s’approprier ces nouvelles technologies avant d'en faire profiter petit à petit le plus grand nombre.
« Nous travaillons au niveau des élèves en leur fournissant directement des contenus. En TICE par exemple nous fournissons directement des petits logiciels éducatifs pour les élèves.
Nous travaillons au niveau des enseignants en élaborant des contenus de formation pour eux.
Enfin, nous travaillons au niveau des conseillers pédagogiques en leur communiquant nos pratiques ».
La formation proposée dans les quatre EFACAP actuellement équipés est basée à la fois sur un contrat de partenariat avec les écoles et le volontariat des professeurs. « A terme, nous souhaitons nous tourner vers les 37 EFACAP qui réunissent pas moins de 16 000 écoles en Haïti, écoles publiques et privées » nous dit Sylvain Taussac.
Quant à l’autonomie du système ? « Il faut se donner du temps. Nous sommes en train de mettre en place une culture. Notre objectif est d’avoir d’ici 10 ans, des Haïtiens compétitifs par rapport aux jeunes étrangers de leurs âges » ajoute Renold Telfort.
La coordination bi-nationale du programme se fait en binôme entre la Direction de l’Enseignement Fondamental du Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelles d'Haïti (Rénold Telfort) et l’Académie des Sciences via sa Délégation à l'Éducation et à la Formation (Mme Élodie Bouchot, sous la responsabilité de Christian Amatore, DEF). Sylvain Taussac, Conseiller TICE au sein du Département de l’Hérault assure quant à lui uniquement la production des séances de formation en TICE, ainsi que le suivi des jumelages numériques impliquant plusieurs professeurs de cette Académie.
Rénold Telfort est Directeur de la DEF (Direction de l’Enseignement Fondamental), au sein du Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle Haïtien.
David Lasserre est le conseiller technique pour le français et la formation missionné auprès de la DEF par le ministère des Affaires étrangères et participe plus particulièrement à la mise en place des fiches de français destinées aux professeurs.
Sylvain Taussac est Conseiller TICE (Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Enseignement) à l'Académie de l'Hérault et coordonne le programme de formation à distance des maîtres haïtiens.
En savoir plus :
Ecoutez également :
- Une formation par satellite pour les enseignants d’Haïti
- Le Ministre de l’Education nationale en Haïti soutenu par l’Académie des sciences