Jean Bernard : propos sur l’éthique, souvenirs de mai-juin 40 et de la Résistance
Écoutez Jean Bernard, de l’Académie française, définir l’éthique en médecine et partagez aussi quelques uns de ses souvenirs personnels de la « drôle de guerre ». Le célèbre hématologue a été l’un des cinq cents titulaires de la carte de résistants de 1940. Ces extraits sont tirés du DVD du réalisateur Ron Lévy qui relate ici sa rencontre avec Jean Bernard.
Le DVD consacré à Jean Bernard (1907-2006) lui permet de définir l’éthique et la bioéthique et d’évoquer plusieurs volets de sa vie personnelle. Le réalisateur Ron Lévy explique comment il a effectué ce tournage et deux extraits choisis permettent d’écouter le professeur Jean Bernard rappeler la définition de l’éthique, et raconter la manière dont il a vécu la guerre et la résistance. Jean Bernard était membre de l’Académie des sciences, de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie française.
Né en 1907, le professeur Jean Bernard a quasiment traversé tout le XXesiècle puisqu’il est mort le 17 avril 2006. Il avait été élu à l’Académie des sciences en 1972, à l’Académie nationale de médecine en 1973 et enfin, à l’Académie française en 1975 où il succédait à Marcel Pagnol au 25efauteuil.
La révision des lois bioéthiques en ce début d’année 2010 donne l’occasion d’écouter ce que le grand savant hématologue - qui fut président du Comité consultatif national d’éthique des sciences de la vie et de la santé dès 1983 - a trouvé nécessaire de préciser, lui qui avait vécu deux révolutions majeures, celle de la thérapeutique et celle de la biologie.
Le DVD de Ron Lévy propose deux films sur le professeur Jean Bernard :
- Éthique, bioéthique…état des lieux
- Témoin d’un siècle…le professeur Jean Bernard
Dans le premier documentaire, le professeur Jean Bernard expose, avec la clairvoyance et la passion qui lui étaient familières, le rôle primordial que joue l’éthique dans la médecine.
« Les révolutions thérapeutiques et biologiques ont transformé le destin des hommes mais posés des problèmes moraux tout à fait inconnus de nos prédécesseurs ».
Par le biais de différents exemples puisés dans ses expériences personnelles, il nous fait part de ses réflexions sur la question éthique. Lors d’une greffe, lors d’une fécondation in vitro, ou encore lors de tests médicamenteux, jusqu’où peut aller la médecine ? Quand commence l’éthique ? Celui qui avait l’habitude de dire que « ce qui n’est pas scientifique, n’est pas éthique », évoque les différents questionnements et problématiques auxquels il fut confronté durant toute sa carrière et auxquels il essaya d’apporter des réponses par sa fonction de premier président du Comité consultatif national d’éthique des sciences de la vie et de la santé (CCNE).
En guise d’introduction, Jean Bernard soumet plusieurs définitions du mot « éthique», une notion qui selon lui a détrôné celle de morale : "Depuis vingt ou trente ans, dit-il, le mot morale paraît désuet, suranné, poussiéreux. Cependant que s’assoupit la morale, l’éthique naît ou plutôt renaît. Elle nous vient du grec par un détour américain. Retrouvant ses origines, renouvelée par la biologie, l’éthique est différente de la morale traditionnelle. Elle implique une réflexion critique sur les comportements et commence à exister avec Aristote".
- L’entretien du professeur Jean Bernard que nous vous proposons, s’articule autour de ce plan :
I]Les conséquences éthiques de la révolution thérapeutique
1/ les volontaires sains
2/ L’essai comparé
3/ La greffe d’organes
4/ Épidémiologie
5/ Euthanasie
II]Les conséquences éthiques de la révolution biologique
1/ Maîtrise de la reproduction
2/ Maîtrise de l’hérédité
3/ Maîtrise du système nerveux
III]Les solutions envisagées
1 / A quel avis de fier ?
2/ Les principes des Comités d’Éthique
3/ Les frontières avec les autres disciplines
- Jean Bernard nous raconte sa "drôle de guerre"
Dans ce DVD de Ron Levy, vous retrouverez le film « Témoins d’un siècle…le professeur Jean Bernard ». L’académicien y livre quelques souvenirs sur son enfance, sur ses fauteuils à l’Académie des Sciences, de Médecine et à l’Académie française. Nous vous proposons un bref résumé de son implication dans la résistance française durant la seconde guerre mondiale.
Jean Bernard n’a de souvenirs de la guerre 1914-1918 que ces quelques moments passés en Bretagne avec sa famille. Quand arrive la Seconde Guerre Mondiale, il est âgé de 33 ans. Cette fois-ci, il va vivre cette guerre de l’intérieur, avec un engagement dans la résistance qui ne s’altéra qu’à la libération de Paris.
Les débuts en médecine
En 1940, il est affecté à deux ambulances chirurgicales à la frontière belge et franco-britannique en tant que médecin. « Pendant cette période, seuls comptaient les chirurgiens, les médecins jouaient un rôle secondaire » précise Jean Bernard. Près de la frontière sarroise, il assiste aux premiers combats, aux premières opérations chirurgicales. Un jour, il voit le chirurgien opérer un soldat souffrant de graves blessures abdominales. La péritonite menace. L'idée lui vient alors de tenter un traitement local par sulfamides. Mais au lieu de les utiliser en comprimés ou en injections, il décide de saupoudrer de sulfamides l'abdomen ouvert du soldat. Le résultat est remarquable. La guérison survient au bout de quelques jours et la même méthode sera utilisée avec succès pendant plusieurs années.
Le réseau de résistance « Action »
En octobre de cette même année, un ami magistrat, René Parodi, confie à Jean Bernard son idée de créer un mouvement de résistance. Jean le rejoint et ce sera le début de son entrée dans la Résistance. Il sera l’un des cinq cents titulaires de la carte de résistants de 1940. « Nous étions très maladroits, ignorants à l’époque… […] tout cela n’allait pas très loin. » Le réseau fut démantelé par les Allemands et Jean Bernard se réfugia en Touraine. C’est durant cette époque qu’il écrivit son premier traité d’hématologie.
En 1942, il rejoint Marseille et décide de continuer la Résistance en zone libre. Il rejoindra le réseau de Résistance franco-britannique, le plus important et le mieux organisé de la France méridionale du nom de Carte et Frager. Dans ce groupe, se trouve également Germaine Sablon, Claude Dauphin, Joseph Kessel… Leur tâche principale est de réceptionner des armes qui arrivent soit par parachutage, soit par bateau.
Arrestation et réseau de Résistance « Renseignement »
Mais en 1943, le réseau se retrouve en danger à cause d’un carnet oublié dans un train, sur lequel figurent les noms et les pseudonymes des membres du réseau. Jean Bernard se sent alors menacé et décide de quitter Marseille pour rejoindre la zone occupée. Tous ces allers-retours sont rendus possibles grâce aux cheminots comme le souligne Jean Bernard : « Nous avions des liens très étroits avec le personnel des chemins de fer, qui a été d’un admirable courage durant cette période. »
A Paris, Jean Bernard redoute d’être poursuivi, il se cache chez le père Avril dans un couvent de dominicains à Etiolles. « J’ai été bibliothécaire adjoint du couvent pendant un mois et demi jusqu’au jour où je me suis aperçu que deux aviateurs anglais tombés du ciel étaient cachés, cela m’a paru alors un endroit pas très rassurant, j’ai alors quitté le couvent ».
Retrouvant sa profession de médecin, Jean Bernard s’expose aux Allemands qui ne tarderont pas à l’arrêter. Après une centaine de jours passée dans une cellule infestée de poux et de puces, Jean Bernard est envoyé devant le tribunal allemand. Il trouve sur le bureau des magistrats allemands, une ordonnance qu’il avait rédigée lors de son passage à Marseille pour le réseau de résistance Action. Il ne nie pas son déplacement à Marseille, mais prétexte qu’il recherchait des revues médicales spécialisées introuvables à Paris. Soulagé, il comprendra cette phrase prononcée par un officier allemand : « Avec la police, c'est toujours pareil, ils ne font qu'arrêter des innocents... »
« Les groupes de résistance Action, c’était du travail à plein temps, les renseignements, c’était le contraire, il fallait avoir une profession et recueillir beaucoup d’informations. » Par exemple, il communiquera aux avions alliés les positions des batteries de défense antiaériennes allemandes installées autour du Sénat où loge Goering.
Enfin, une fois la guerre terminée, Jean Bernard s’engagea dans l’armée et intégra la division de l’Atlantique pour continuer la guerre jusqu’à la paix totale. Sa dernière mission dans un service de santé se déroule à l’île d’Oléron. Dès lors, le médecin ira livrer d’autres combats contre la maladie avec comme nouvelle arme qui lui est propre, une vision plus humaniste de la médecine.
En savoir plus:
Consulter la fiche sur Jean Bernard sur le site de l'Académie française (ainsi que la liste de ses nombreux ouvrages parus) : http://www.academie-francaise.fr/immortels/index.html
Pour acheter ce DVD : www.dorianefilms.com rubrique Documentaire.