La télémedecine : une solution pour la dépendance et les déserts médicaux ?
La télémédecine va devenir un outil permettant de résoudre en partie la problématique de pénurie de médecins spécialistes dans certains territoires, de favoriser au maximum l’hospitalisation à domicile et de réaliser des économies dans le domaine de la santé. Ghislaine Alajouanine experte reconnue dans ce domaine et Guy Vallancien membre de l’Académie de médecine, nous présentent les espoirs et les limites de la télémédecine.
Pour Ghislaine Alajouanine, la définition de la télémédecine est simple : « Il s’agit de faire voyager les données médicales plutôt que les patients. C’est un outil organisationnel d’amélioration de la qualité des soins par la mutualisation des connaissances ». Pour autant, comme le précise Guy Vallancien, la télémédecine ne remplacera jamais l’examen clinique.
Aujourd’hui, la télémédecine répond à trois enjeux
- une désertification sanitaire, conséquence non pas d’un manque de médecins généralistes (ils sont 210000 en France) mais d’une mauvaise répartition
- le vieillissement de la population : d’ici 2050, plus de 50% de la population aura plus de 50 ans. On estime qu’une personne sur 5 sera dépendante. Ces personnes auront de plus en plus besoin de soins à domicile.
- l’aspect financier : avec le vieillissement de la population le pourcentage des dépenses consacré à la santé dans le PIB ne fera qu’augmenter nous explique Guy Vallancien. Il faut donc penser à une organisation optimale de la prise en charge des patients sur le territoire.
La télémédecine regroupe la télé consultation, la télé expertise et la télé santé.
La télé expertise consiste à mettre en relation tous les professionnels de santé via une plateforme internet et téléphonique. Un généraliste, un infirmier libéral ou un médecin spécialiste peut ainsi solliciter l’avis d’un ou plusieurs confrères grâce à cet outil.
C’est déjà ce que fait l’urologue Guy Vallancien : « Il y a peu de temps, j’étais en visioconférence avec la maison de santé de Bletterans où un médecin avait deux patients présents à ses côtés et me demandait un deuxième avis. Efficace et pas onéreux ».
Avec la télémédecine de manière générale, reprend Ghislaine Alajouanine, « on peut répondre à la question du patient « qu’est-ce que j’ai ? » et répondre également à la question du praticien « qu’est-ce que je fais dans ce cas là ? ».
Mais si la télémédecine semble à ce point aussi révolutionnaire, pourquoi tarde-t-on à la mettre en place en France ?
Pour Guy Vallancien, la réponse est simple : « C’est parce que la consultation via la télémédecine n’est pas payée pour l’instant. Même quand un médecin demande l’avis d’un autre médecin, il doit y avoir une rétribution qui conditionne son engagement ». Il semble que l’Ordre des médecins émettent également des réserves quant à l'exploitation de la télémédecine. L’Ordre s’oppose pour l'instant à la prescription d’ordonnance médicale via la télé consultation. « Mais ça viendra » assure Guy Vallancien. Et il poursuit : « A terme je pense que nous aurons 25% de spécialistes pour 75% de généralistes. Les médecins généralistes prendront conseils auprès des spécialistes ».
Autre aspect de la télémédecine, la télésurveillance médicale. « Il s’agit d’un professionnel de santé qui va interpréter les données médicales et assurer le suivi d’un patient à distance. Cela existe déjà en Guyanne et sur l’île d’Hoedic dans le Morbihan. Ne préférez-vous pas disposer d’un tensiomètre à la maison et faire parvenir les résultats à un médecin pour qu’il les interprète plutôt que de faire attendre votre grand-mère 4 heures dans un couloir d’hôpital ? ».
La télémédecine et le plan dépendance
Depuis les premiers jours de janvier 2011, le Président de la République a mis sur pied un chantier qualifié de prioritaire : le « défi de la dépendance ». On estime qu’en 2050, les plus de 85 ans seront près de 5 millions en France. Se pose donc la question du financement de la protection sociale de cette population.
En matière de télémédecine, Ghislaine Alajouanine vante les mérites de l’hospitalisation à domicile : « Dans le bulletin 109 de l’IRDES Institut de recherche et documentation en économie de la santé, il est écrit qu’en ouvrant 500 places en hospitalisation à domicile par département, (soit 50 000 en France), on réaliserait une économie de 1,7 milliard d’euros. La dépendance chez soi coûte 1800 euros par mois actuellement alors qu’elle revient à 2300 euros par mois dans un établissement de santé. Dans ces 500 euros, il y a de la place pour du diagnostic à distance.
Les transports qui représentent actuellement 2% des 215 milliards d’euros dépensés en santé pourront en partie êtres économisés grâce à la télémédecine. D’une part, il faut que l’hôpital possède des plateaux de plus en plus techniques et que le personnel soit de mieux en mieux payé. D’autre part, il faut aider le nomade et l’ambulatoire, deux nouveaux outils dont les infirmiers sont très preneurs».
Ecoutez les arguments de nos deux invités, défenseurs de la mise en place de la télémédecine sur l'ensemble du territoire français.
Ghislaine Alajouanine est membre correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques, fondatrice de la FISSA, Force d'Intervention Sanitaire Satellitaire Autoportée, experte reconnue de la Télémedecine, présidente de la Commission Galien créée en 2008, Haut Conseil Français de la Télésanté.
Guy Vallancien est urologue à l'Institut Monsouris à Paris, professeur à l’Université Paris Descartes, membre de l’Académie nationale de chirurgie, correspondant de l’Académie nationale de médecine et secrétaire général du Conseil national de la chirurgie
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