Le logement d’étudiant avec Claude Parent : retour sur le Grand prix d’architecture de l’Académie

Le Grand prix d’architecture de l’Académie des beaux-arts 2011
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

A chaque rentrée universitaire, se profile la question du logement des étudiants, avivée par un contexte de crise du logement en France. Insuffisant, le logement reste ainsi le principal souci des jeunes, toujours plus nombreux à vouloir intégrer l’enseignement supérieur. Un problème de société majeur que le jury du Grand Prix d’architecture de l’Académie des beaux-arts a choisi en 2011 pour son concours, ouvert justement aux jeunes.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : foc681
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Le concours est ouvert aux étudiants ou architectes de moins de 35 ans, une génération directement concernée par le problème.


Claude Parent, et les lauréats, vernissage de l’exposition du Grand Prix d’Architecture 2011
© Brigitte Eymann\/Académie des beaux-arts



C’est avec Claude Parent, président du jury, que nous découvrons les projets des lauréats, choisis non sans difficultés parmi une soixantaine de candidats. Connu pour être l’architecte de la fonction oblique, ayant goûté le sel de la provocation durant toute sa carrière par l’originalité de ses constructions, dont la plus célèbre est l’église Sainte-Bernadette du Banlay à Nevers, et par sa vision de l’architecture, Claude Parent connaît ces dernières années une nouvelle reconnaissance de la part de la jeune génération d'architecte. Son œuvre incarne l’architecture utopique qui lui vaut d’être considéré comme une référence.


Florian Dhormes, " A la conquête des toits", Deuxième Prix ex æquo du Prix d’architecture de l’Académie des beaux-arts 2011
© Florian DHORMES Architecte



Du haut de ses 88 ans, il a été choisi pour présider le Grand Prix d’architecture en 2011, et ce n’est pas sans humour qu’il a reçu les lauréats et finalistes, à l’occasion du vernissage de l’exposition de leurs projets à l’Institut de France, le 14 décembre 2011. Jugement sévère comme il le dit, mais bon jugement, Claude Parent avait souhaité un œil nouveau, audacieux, inventif de la part de ces étudiants en architecture sur un thème qu’il avait voulu plus « quotidien » qu’auparavant. On se souvient que lui-même avait su donner un œil nouveau à l’architecture en créant la « maison de l’Iran », un bâtiment suspendu sur le campus de la cité universitaire internationale de Paris, sur trois portiques parallèles de 38 mètres de long, capables de supporter un immeuble de huit étages en deux blocs de quatre avec entre les deux, un vide "structurant".





Animé du désir d’entendre des candidats libres d’exprimer ce qu’ils voulaient vraiment, sur un sujet qui les concernait tout particulièrement, Claude Parent a avoué une petite déception, somme toute personnelle, quant au rendu des projets, raison pour laquelle le jury n’a attribué aucun premier prix, lui préférant deux seconds prix ex aequo. Il attendait des candidats une réflexion multiple sur la manière d’aborder le logement étudiant (organisation architecturale de la « chambre étudiante », terrain, structures isolées ou communautaires…), mais la plupart des candidats se sont essentiellement focalisés sur la localisation de ces logements étudiants. La situation géographie constitue ainsi un aspect primordial pour les étudiants, quête d’un gain de temps : le lieu de vie devant être le plus proche du lieu d’étude.


A la surprise de Claude Parent, les candidats ont à l’unanimité établi des projets de logements d'étudiants localisés en ville. Beaucoup préconisent l’utilisation des toits parisiens, des berges de la Seine et parfois même des ronds-points ! Mais pas un n’a considéré l’éventualité de recourir à des campus universitaires, tant les modèles anglo-saxons nous paraissent inégalables.



N’ayant plus les moyens de construction en terrain et en argent de réaliser des bâtiments comme ceux de la « maison de l’Iran » en plein cœur de Paris, les candidats ont dû faire appel à leur inventivité pour exploiter des espaces existants inutilisés. Les étudiants Florian Dhormes et Simon Moisière ont su séduire le jury avec deux projets pourtant très différents, obtenant ainsi un second prix ex aequo.


Simon Moisière, "3SRC", Deuxième Prix ex æquo du Prix d’architecture de l’Académie des beaux-arts 2011
© Simon Moisière




Florian Dhormes est parti de l’existant et du parc immobilier inexploité, considérant que 10% des immeubles parisiens pourraient fournir une capacité potentielle de 14 000 chambres d'étudiantes. Sans rien toucher à l’existant, le lauréat a proposé de revisiter intelligemment les toits parisiens inutilisés en les aménageant en logements d'étudiants. En créant une vie au milieu de ces toits reliés entre eux par des ponts, il offrirait ainsi aux étudiants un double spectacle : celui de l’horizon et de la ville.

Le jeune lauréat a su conquérir le jury et notamment son président, grâce à la réalisation de dessins « ambitieux, marrants, qui font penser à un petit village champêtre avec des arbres sur les toitures des immeubles ».


Simon Moisière a également obtenu le deuxième Prix du concours. Son projet consiste à utiliser les espaces inexploités des multiples sens giratoires et des nombreux échangeurs présents à proximité. Il imagine des tours rondes, tournées à la fois vers l’intérieur et vers l’extérieur où les espaces de vie sociale prennent corps, protégés de l’environnement extérieur et propices aux échanges par des vis-à-vis astucieux. Le projet a été retenu car s’y développait une « typologie très particulière, avec une densité de raccordement des chambres d’étudiants mais également des espaces dilatés, chahutés ».


Emmanuel Manger, "Sur un arbre perché", Troisième Prix, du Prix d’architecture de l’Académie des beaux-arts 2011
© Emmanuel Manger




Le troisième prix est attribué à Emmanuel Manger dont le projet était de créer un bâtiment dans la cité affirmant une identité forte, voulant mettre l’accent sur les relations sociales, un support indispensable à la vie étudiante. Le projet montre ainsi que « l’architecture peut permettre une façon de vivre différente, le développement de relations entre les habitants ». Pour Emmanuel Manger, la chambre est un lieu de repli, un nid. Il peut contempler la ville, la parcourir, la vivre. La construction d’une rampe extérieure apporte une touche poétique qui conduit à un jardin suspendu en toiture.


Alexandre Cianco, "Estudianstère", mention du Prix d’architecture de l’Académie des beaux-arts 2011
© Love is More - Alexandre Ciancio




D’autres projets, ont également retenu l’attention du jury, notamment celui d’Hugo Badia Berger et d’Alexandre Cianco.

Intitulé « la malle », le projet d’Hugo Badia Berger jouait, non sans un brin de provocation et d’humour, sur le manque d’espace qui caractérise tous les logements d’étudiants. Dans cette « malle », l’étudiant pouvait satisfaire les quatre activités qui rythment sa vie : le travail, la cuisine, la toilette et le sommeil. Il y construit les moyens d’une autonomie qui a séduit le jury car il est l’un des rares candidats à s’être prioritairement penché sur la « chambre d’étudiant » elle-même. Il jouait sur le plus petit possible, sur le plus économique possible…


Alexandre Cianco, "Estudianstère", mention du Prix d’architecture de l’Académie des beaux-arts 2011
© Hugo Badia Berger - Statues Maillol




Pour en savoir plus


Liste des 11 autres finalistes du Grand Prix d'architecture 2011

- Arthur Boidin, Le nuage communautaire, architecte, École Nationale Supérieure d'Architecture et de Paysage de Lille
- Jovénil Dos Reis, La Cuvée des étudiants, architecte, École Nationale Supérieure d'Architecture de Paris Val de Seine
- Thomas Etesse, Les étudiants sur le toit des villes, étudiant, École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles
- Martin Lefevre, Logement étudiant… rayonnement, influences et stratégies, architecte, École Nationale Supérieure d'Architecture de Paris Val de Seine
- Etienne Mares, Etudiant, mais pas seulement, architecte, École Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles
- Nicolas Maugery, HYGGELIG / KøBENHAVN, étudiant, École Nationale Supérieure d'Architecture de Paris-Malaquais
- Kieu An Nguyen Duong, Projet O, architecte, École Nationale Supérieure d'Architecture de Versailles
- Benoît Quagliozzi, Mixité, Densité, Liberté… « Des étudiants sur les toits », architecte, École Nationale Supérieure d'Architecture de Paris Val de Seine
- Laura Rosenbaum, 33 logements au dessus des rails, architecte, École Nationale Supérieure d'Architecture et de Paysage de Bordeaux
- Damien Tavares, Résidence du Mont Blanc, architecte, École d'Architecture de la Ville et des Territoires de Marne-la-Vallée
- Matthieu Wotling, De l'interface urbaine à l'unité de vie, architecte, École Nationale des Arts et Industries de Strasbourg


- Pour tout savoir de l'inscription et des conditions du concours du Grand Prix d'architecture de l'Académie des beaux-arts, consultez le site de l'Académie des beaux-arts


Composition du jury

- Présidé par M. Claude Parent, membre de la section d'architecture de l'Académie des beaux-arts
- Roger Taillibert, membre de la section d’architecture.
- Paul Andreu, membre de la section d’architecture.
- Yves Boiret, membre de la section d’architecture.
- Aymeric Zublena, membre de la section d’architecture.
- Jacques Rougerie, membre de la section d’architecture.
- André Dunoyer de Segonzac, correspondant de la section d’architecture.
- Robert Chauvin, correspondant de la section d’architecture.
- Jean-François Collignon, correspondant de la section d’architecture.
- Gilles de Bure, correspondant de la section d’architecture.
- Frédéric Migayrou, correspondant de la section d’architecture.
- François Chaslin, correspondant de la section d’architecture.
- Philippe Tretiack, correspondant de la section d’architecture.

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