Une nouvelle technique d’imagerie révolutionnaire appliquée à l’homme
L’imagerie biophotonique par fluorescence est une nouvelle technique d’imagerie révolutionnaire à double titre : utilisée au départ sur les animaux de laboratoire, elle permet de travailler sur de nouveaux médicaments sans nécessiter pour autant de sacrifices. Développée aujourd’hui pour l’être humain, elle permettra prochainement de visualiser parfaitement une tumeur maligne dans les tissus mous.
Explications en compagnie d’Alain Le Pape, directeur scientifique au Centre d’imagerie du petit animal à Orléans qui évoquait ses travaux devant l’Académie de pharmacie en mai 2011.
_ L’imagerie dans le milieu médical existe depuis de nombreuses années : Radiographie, IRM, scintigraphie, sont devenus des outils médicaux courants.
Mais d’ici 2014, grâce à de nouvelles techniques d’imagerie biophotonique par fluorescence, les médecins et chirurgiens pourront visualiser très précisément sur leur écran une tumeur dans un tissu mou par le biais du marquage fluorescent. On imagine déjà utiliser cette technique dans le cancer du sein et du colon pour une exérèse épousant parfaitement les contours de la tumeur.
L’imagerie par bioluminescence permettra également de tracer le chemin d’un médicament dans l’organisme humain. Cette application supplémentaire risque de provoquer des remous dans l’industrie pharmaceutique car l’outil démontrera l’efficacité ou pas d’un médicament. Cet outil se révélera aussi être source d’amélioration des traitements à venir, où de nouvelles molécules à visée thérapeutique seront développées.
Une technique vouée initialement aux animaux de laboratoire
L’imagerie biophotonique par fluorescence a été initialement mise sur pied pour explorer les petits animaux de laboratoire, en particulier les souris modèles de maladies humaines, indispensables à la recherche biomédicale et au développement de nouveaux médicaments.
Cette technique est strictement non invasive pour l’animal. Elle permet d’obtenir des images moléculaires ou fonctionnelles sans aucune intervention sur l’animal lui-même, préservant ainsi des vies et tout acte potentiellement douloureux.
Des souris et des hommes ...
La méthode est si intéressante que rapidement la recherche s'est mise à développer des outils d’imagerie biophotonique par fluorescence à taille humaine. « Passer de l’échelle de la souris à l’homme n’est pas évident » nous dit Alain Le Pape. Cela nécessite de grosses évolutions technologiques pendant dix années pour préserver la sensibilité et la résolution des techniques d’imageries médicales.
Ce nouveau type d’imagerie permet de traverser des tissus jusqu’à 10 cm maximum. « Ceci explique qu’une souris peut être investie entièrement alors que cette technologie transférée à l’homme aboutit à des explorations locorégionales minimalement invasives » précise notre invité. L’imagerie biophotonique par fluorescence permettra de déceler des tumeurs peu profondes ou des tumeurs plus éloignées, visibles par fibroscopie et cœlioscopie.
Quelle est la différence entre la scintigraphie et l’imagerie biophotonique par fluorescence ?
« La scintigraphie s’applique sur le corps entier. On peut ainsi faire un bilan de dissémination en cancérologie » nous répond Alain Le Pape. « C’est une ressource incontournable pour le bilan et le suivi thérapeutique d’un patient ».
Quant aux techniques de biophotonique et en particulier la fluorescence infrarouge, elles vont s’appliquer dans un territoire bien défini pour contribuer à un diagnostic différentiel. On distingue ainsi le micro kyste calcifié d’une micro tumeur, véritable alternative à la biopsie. Elle guide également le chirurgien au cours de son intervention.
« Mais dans le cadre du dépistage du cancer du sein, cette technique ne remplacera pas la mammographie en première intention » précise Alain Le Pape.
C’est justement dans le domaine du cancer du sein et du côlon que ce nouvel outil pourrait être prochainement mis à disposition des médecins et des chirurgiens. « Nous en sommes au stade d’études cliniques avec trois machines dans le monde pour détecter les cancers du sein. Plusieurs centaines de patientes ont pu les tester. Mais il nous faudra encore trois ans avant de passer au stade supérieur » explique-t-il.
Si le délai semble encore long, il s’explique par la nécessité d’étudier les agents d’imagerie injectés dans le corps. « Différentes molécules sont actuellement étudiées pour des questions de sécurité avant une autorisation de mise sur le marché ».
Autre domaine où l’imagerie biophotonique par fluorescence apportera sa contribution : le traçage du cheminement d’un médicament. « Nous pourrons démontrer si la cible pathologique est atteinte ou pas ». Des surprises sont à venir pour l’industrie pharmaceutique… « C’est le risque, mais c’est nécessaire pour mieux faire ».
Alain Le Pape est directeur de recherche au CNRS, directeur scientifique au centre d’imagerie du petit animal à Orléans, coordinateur des plateformes d’imagerie préclinique du canceropôle Grand Ouest.
En savoir plus :
Méthodes actuelles d’investigation en imagerie sur
l’animal de laboratoire : diaporama d'Alain Le Pape présenté lors de la séance de l'Académie de pharmacie du 18 mai 2011.