Baragouiner et Kompoder
La première langue de Gaïd Evenou est le breton. C’est à l’école qu’elle a appris le français. Cette étudiante évoque, dans ce "Dictionnaire subjectif", les emprunts du français au breton et quelques expressions typiquement bretonnes.
_
Si les mots potes et baragouiner sont très courants en français, leur origine bretonne est mal connue. Selon le Trésor de la Langue Française, pote est issu par apocope de poteau. Mais pour Gaïd Evenou, étudiante, il vient du breton paotr (gars).
De même, le mot français baragouiner est une construction à partir de deux mots bretons : bara (pain) et gwin (vin). Avant la venue de nombreux bretons à Paris au 20è siècle, on trouve une occurrence du mot baragouineur chez Molière et, déjà au 16è, baragouinage dans l’œuvre de Rabelais. Preuve que le mot, s’il était sûrement déjà un sobriquet formé sur l’expression favorite des Bretons « pain, vin », visait déjà les pèlerins qui sortaient de Bretagne dès le 16è siècle.
Dans le Dictionnaire de l’Académie : baragouiner est identifié comme « dérivé de baragouin » et signifie : « S’exprimer d’une façon incompréhensible ou incorrecte ». Baragouiner peut alors faire penser au mot barbare qui désigne justement quelqu’un dont on ne comprend pas ce qu’il dit. Plus déroutante, mais aussi moins satisfaisante, l’hypothèse de l’étymologiste Pierre Guiraud prête une valeur encore plus xénophobe au mot baragouiner, le tenant pour un composé tautologique de barater (s’agiter) et gouiner (variante de couiner).
S’il y a des mots français en fait empruntés au breton, il y a aussi des mots bretons qui se forment sur l’anglais, comme s’ils ne voulaient pas emprunter au français. C'est le cas du mot kompoder, qui désigne l'ordinateur en breton. De même, au lieu de téléphone, certains bretons disent pellgomz en traduisant mot à mot l'étymologie grecque du mot français : télé (loin) - phone (parler). Le mot "pellgomz" a une construction étonnamment similaire.
Gaïd Evenou explique enfin que les expressions bretonnes révèlent une sensibilité à la nature. Elle évoque les locutions glepoc'h evit ar glav ("plus mouillé que la pluie") et cheñch park d'ar saout ("changer le champ au troupeau").
Retrouvez l'intégralité du "dictionnaire subjectif", proposé par David Christoffel, en cliquant ici !