Augures, espoirs et conjectures

Faut-il le dire ? la chronique de Pierre Bénard
Avec Pierre BENARD
journaliste

Il est des heures douteuses où chacun voudrait lire dans les ombres de l’avenir. La France retentit aujourd’hui de prédictions, présages, prévisions, pronostics ... et de fautes de français que dénombre Pierre Bénard.

Émission proposée par : Pierre BENARD
Référence : mots661
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Nous sommes tous, ces temps-ci, à consulter le ciel pour y saisir au vol des indications de ce qui se prépare. Nous sommes tous, ces jours-ci, à quêter des augures. Chez les Anciens, les augures étaient des prêtres qui, du mouvement des oiseaux, de leur chant, du tonnerre, des éclairs, du spectacle du ciel, tiraient des présages que l’on nomme également augures. Présages bons ou sinistres, heureux ou malheureux. C’est du latin augurium que vient le français heur d’où procèdent bonheur et malheur, heureux et malheureux. Nous sommes tous à scruter l’horizon pour y cueillir des signes de bonheur ou malheur.



Les indications favorables sont de bon augure, les autres de mauvais augure. Bon augure et mauvais augure, dis-je, et l’on ne perçoit pas si je mets l’adjectif au masculin ou au féminin. Qu’il désigne le devin ou sa divination, augure est un mot masculin, mais ce que l’on entend mène souvent à l’erreur. On lit à tout bout de champ « bonne » et « mauvaise augure ». J’y distingue, quant à moi, un augure inquiétant en ce qui concerne l’usage de notre langue.

Il ne faut pas désespérer, ni en cette matière ni en d’autres.

Précisément, la période actuelle, où tout le monde se demande ce que les destins nous mitonnent, est propice à l’emploi de ce beau verbe : espérer.


Espérer, ce n’est pas souhaiter, c’est mieux que souhaiter. C’est faire preuve de confiance, c’est attendre le mieux comme s’il devait venir, c’est le prévoir, ce mieux, le dire et l’annoncer comme une chose certaine. Aussi est-il normal que dans la conjonctive qui suit le verbe espérer, le mode soit l’indicatif. « J’espère que vous viendrez », « J’espère qu’il fera beau », « J’espère que tout s’arrangera »... Ou bien, avec un autre temps que le futur, avec d’autres temps de l’indicatif ! : « J’espère qu’il a compris », « J’espère que vous vous portez mieux », « J’espère que vous ne m’en tenez pas rigueur ».


On lit et l’on entend trop souvent des horreurs telles que « J’espère que tout soit terminé demain » ou « Nous espérons vivement que la croissance reprenne » ou « que la croissance redémarre », expression dans laquelle « redémarre » est un présent du subjonctif fautif.




Rappelons que c’est après une forme négative que le verbe qui suit espérer, très logiquement, se met au subjonctif, puisqu’on entre, cette fois, dans un cas d’irréel : « Elle n’espère pas qu’il y parvienne ». Les puristes, dont je ne suis pas, diront : « Elle n’espérait pas qu’il y parvînt ».
Il y aurait, là-dessus, mille autres choses à dire. Mais je reviens sur mon histoire de prédictions, de prophéties, de plans tirés sur la comète.


A propos, ne la trouvez-vous pas charmante, cette image des plans tirés sur la comète ? Faire des projets, entreprendre de fonder quelque chose sur l’astre errant et incertain, symbole de ce qui nous échappe, défi, raillerie du vaste monde promenant cette traînée de lumière devant nos yeux d’humains inquiets ?


Les comètes, comme tous ces faits d’actualité que les journaux épluchent, décortiquent et « décryptent », donnaient lieu à des suppositions, à des prévisions : quelle guerre, quel fléau le ciel annonçait-il, par ce signe, à la terre ? On se perdait, comme aujourd’hui devant les indices et les indicateurs, en conjectures.


En conjectures, pas en conjonctures, même si c’est bien de la conjoncture qu’il s’agit.


Pierre Bénard.

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