Terrorisme : de toutes couleurs, de terreur en terreurs

Mot pour mot, la rubrique de Jean Pruvost
Avec Jean Pruvost
journaliste

Les mots terrorisme et terroristes sont toujours de mise, hélas. Ils découlent directement, on s’en doute, du mot terreur, qui a pour origine le latin terror, désignant l’effroi, l’épouvante. Et dans l’histoire des mots, c’est assez rare mais en l’occurrence, on en connaît l’année précise de naissance : 1794. Et la définition du terroriste nous fait découvrir un autre mot peu usité : misologue.

Émission proposée par : Jean Pruvost
Référence : mots646
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On l’a compris, ils sont nés en pleine Révolution française en une période terrifiante qu’on a justement appelée la Terreur. Souvenons-nous que les historiens ont coutume de distinguer deux moments, la première Terreur en 1792, marquée par l’arrestation du roi et les massacres de septembre, l’exécution sommaire de plus d’un millier de personnes dans les prisons, et la seconde Terreur, la Grande Terreur, instaurée par Robespierre, en juin-juillet 1794, au cours de laquelle on guillotina de manière expéditive des milliers de personnes, au mépris de toutes garanties judiciaires.


Le premier dictionnaire à enregistrer les mots terrorisme et terroriste sera, en 1798, le Dictionnaire de l’Académie française. Échappant alors à l’Académie qui avait été supprimée, il fut néanmoins édité mais avec un Supplément des mots de la Révolution. Voici donc la toute première définition du Terroriste : « Agent ou partisan du régime de la Terreur qui avoit lieu par l’abus des mesures révolutionnaires. » Abus reste évidemment un mot faible. Terroriste avait alors un synonyme, robespierriste, mais comme on le sait Robespierre fut lui-même détruit par son système effroyable, guillotiné le 28 juillet 1794.


C’est en août 1794 dans le Journal de la Liberté de la Presse, par Babeuf, que semble être attestée pour la première fois une formule qui fait aujourd’hui frémir : « les patriotes terroristes de l’an II de la République ». Tout recours impitoyable à la violence pour atteindre un but politique sera ensuite spontanément appelé terrorisme. Victor Hugo, en exagérant, évoquera par exemple le « terrorisme bonapartiste », et au XXe siècle, les terroristes eux-mêmes avanceront comme alibi une lutte contre le supposé « terrorisme d’État ».


La terreur n’est pas sans couleur. Ainsi, y-a-t-il eu d’abord la terreur rouge de Robespierre, sanguinaire, puis la terreur blanche, celle des royalistes dans le Sud-Est au cours de l’été 1795, on appellera aussi terreur rouge celle ayant régné en URSS dans les années staliniennes. « Quel sigle terroriste va dominer la scène italienne ? lit-on encore dans un hebdomadaire de 1980, les rouges ou les noirs ? », et voilà évoqués les anarchistes. En fait quelle que soit la couleur, elle est sinistre : le terrorisme n’a qu’une couleur, celle de la mort aveugle et injuste. »
À l’écrivain Jean Paulhan (1884-1968), éditeur critique qui dirigea la NRF, revient une bonne définition donnée en 1941 : « La définition la plus simple que l’on puisse donner du terroriste, c’est qu’il est misologue. » (Fleurs de Tarbes, 1941). Oui, je suis comme vous, j’ai dû chercher le mot « misologue »…
C’est un mot qui date de 1803, et qui désigne la haine (miso en grec) du raisonnement, de l’argumentation, de la méthode scientifique.

En vérité, il existe une seule terreur qui nous fasse sourire, après coup, c’est celle associée à nos enfants turbulents, les fameuses « petites terreurs », de La Guerre des boutons par exemple. « Petite terreur » à surveiller tout de même. Surtout si lesdites « petites terreurs » s’attaquent à mes dictionnaires !




Jean Pruvost est professeur des Universités à l’Université de Cergy-Pontoise et où il enseigne la linguistique et notamment la lexicologie et la lexicographie. Il y dirige aussi un laboratoire CNRS/Université de Cergy-Pontoise (Métadif, UMR 8127) consacré aux dictionnaires et à leur histoire.

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