Vacances et été
Jean Pruvost, lexicologue, nous livre l’étymologie des mots « vacances » et « été ». Mais il nous apprend que « vacancier » est un néologisme affreux, du moins quand il est apparu dans les années trente, et que, l’été brûlant est un pléonasme... qui reste tout de même préférable à été pourri !
Neuf mois de vacances ?
« Vacancier : néologisme affreux. » De quand date ce rude jugement à propos d’un mot qui venait de naître ? D’à peine un demi-siècle. C’est en effet à René Georgin, fin grammairien qui enseigna à Vesoul, que l’on doit cette condamnation extraite de Pour un meilleur français, paru en 1951. Il en va ainsi de la langue, nos sévérités à son égard sont parfois prises à contre-pied : le mot n’étonne évidemment plus personne aujourd’hui et on a même oublié qu’il n’est apparu que vers 1928.
Tu, cui vacas ! Toi, qui as du loisir, pouvait dire un Romain. C’est bien effectivement en partant du latin vacare, être vide, avoir du temps, et de son participe présent vacans, qu’on fit « vacant » d’où fut tiré le mot « vacance ». Ce dernier désigna d’abord, au singulier, l’interruption des travaux des tribunaux et par extension au XVIe siècle, au pluriel, les congés accordés aux élèves. Enfin, en 1936, les congés payés légitimèrent les « vacanciers ».
Alors oublions San-Antonio affirmant, tout dépité dans Je le jure, en 1975, que « les seules vacances de l’homme sont les neuf mois qu’il passe dans le sein maternel », et choisissons une belle définition de cruciverbiste : « Vacances : La fuite enchantée ».
Été brûlant ou frais mais en or
Étymologiquement parlant, que l’été soit brûlant confine au pléonasme… En effet, son ancêtre, le mot latin aestas qui désignait déjà cette saison, se rattache à une racine indoeuropéenne aidh, caractérisant le fait de brûler. Dans son Grand Dictionnaire universel, Pierre Larousse rappelle, non sans une poésie toute spontanée, que l’été « commence le 21 juin (quelquefois le 22), au moment où le soleil, quittant les Gémeaux, entre dans le signe du Cancer, et finit le 22 septembre (ou le 23), en même temps que le soleil sort de la Vierge ». On appréciera cette dernière précision, tout en goûtant une autre remarque quant à la durée de l’été, « environ 93 jours, 21 heures, 6/10 ». Cet « environ » nous réjouit : ainsi le chaud temps, comme disaient les Provençaux, est parfaitement délimité…
Si l’été doit être étymologiquement brûlant, force est de constater qu’il peut cependant être pourri. Et R. Castans de soulever dans son Dictionnaire des mots d’esprit (1991) une logique propre à la langue française, qui fait que l’été est déclaré « pourri » quand il est « frais ». Mais si l’été brille de tous ses feux et nécessite de l’ombre, J. Jouy, chansonnier du XIXe siècle, proposait une solution absurde et désobligeante : « Voici l’été ; épousez une femme ombrageuse. »
Il est vrai que dans le Dictionnaire de l’Académie de 1932, on rend compte de la muflerie de la langue à travers un sens figuré de l’été, désignant « chez un homme un Regain de jeunesse ou chez une femme un Dernier éclat de beauté ».
On choisira de retenir plutôt le calendrier républicain de Fabre d’Églantine, en usage de 1793 à 1806, assimilant l’été au mois en –or, du 19 juin au 18 septembre : messidor, thermidor et fructidor.
Ce qui nous entraîne, pour la rime, vers Jacques Dor définissant ainsi l’été dans le Dico de ma langue à moi (2000) : « Fantaisie d’herbes chaudes, de ciel outremer, de mer outre ciel et de coccinelles aux seins nus. » C’est tout de même plus parlant que la définition de Michel Leiris dans son Glossaire de 1935 : « Été : T étend ses bras, croix symétrique, entre les ais à sang aigu. » Un vrai casse-tête ! À résoudre pendant l’été, que je vous souhaite merveilleusement d’or.
Jean Pruvost est professeur des Universités à l’Université de Cergy-Pontoise, où il enseigne la linguistique et notamment la lexicologie et la lexicographie. Il y dirige aussi un laboratoire CNRS/Université de Cergy-Pontoise (Métadif, UMR 8127) consacré aux dictionnaires et à leur histoire.
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