Dégrisement à Berlin
Angela Merkel l’attendait bras ouverts. La chancelière allemande a été la première à appeler François Hollande pour le féliciter dès son élection. Belle victoire, Monsieur le Président, on va bien travailler ensemble, l’amitié franco-allemande, l’avenir de l’Europe…
Et le lendemain de cet appel si encourageant, une dépêche de Berlin datée du lundi 7 à 12 h 21 rappelait de source officielle que pour la chancelière « il n’est pas possible de renégocier le pacte budgétaire » déjà signé par 25 des 27 membres de l’Union. « Renégocier », c’était pourtant ce que François Hollande avait annoncé qu’il ferait. Il allait donc s’envoler pour Berlin aussitôt après s’être installé à l’Élysée, en sachant à quoi s’en tenir, mais décidé à faire part de sa détermination.
Lui qui accusait Nicolas Sarkozy de s’être incliné sur tous les sujets devant Angela Merkel, on verrait ce qu’il rapporterait de son escale allemande. Il y a peu de chances que François Hollande puisse se dresser très longtemps sur ses ergots. Et pour plusieurs raisons : d’abord parce qu’il doit retrouver la chancelière aux sommets du G 8 et de l’Otan, aux Etats-Unis, et qu’il veillera à créer un bon climat ; ensuite parce qu’il devait lever dès le 16 mai 10 milliards d’euros sur les marchés et qu’il ne faudrait pas éveiller leur mauvaise humeur qui se traduirait par une hausse des taux ; et enfin parce que la crise grecque s’est rallumée à la suite des élections, celles-ci créant un vrai chaos politique.
Après l’euphorie des premiers jours, l’étape de Berlin devait agir comme une cellule de dégrisement. La croissance, certes, allait lui dire la chancelière, il en faut, mais avec des finances publiques en ordre ; la crise n’est que la conséquence d’un surendettement insupportable – voyez les Grecs ! – nous ne pouvons plus nous permettre de faire de la relance par les déficits, Monsieur le Président, il faut procéder à des réformes structurelles ; et d’ailleurs c’est un chancelier socialiste (Schroeder) qui a réformé chez nous le marché du travail… Mais les peuples rejettent l’austérité, se défendrait le président français (j’en suis la preuve vivante). Cela est vrai, devait dire la chancelière, aussi ne parlez pas d’austérité, appelez cela autrement ; puisque vous héritez d’une dette énorme et de gros déficits, dites que le « changement » consiste justement à les dégonfler. François Hollande rentrerait de Berlin convaincu et transformé.
Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 12 mai 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.
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