La leçon du Pr Pompidou
Incorrigibles Français. « Il faut bien être conscient qu’en France, politique sociale et politique démagogique sont machinalement confondues. » Le propos ne date pas d’hier. Il est signé Georges Pompidou et figure dans une lettre que celui-ci adressait, comme premier ministre, au général de Gaulle (à paraître à la mi-octobre 2012 dans Lettres, notes et portraits , chez Robert Laffont).
Il précisait que les « mesures sociales prises en France ont été très nombreuses, dépassant de très loin tout ce qui se fait dans n’importe quel pays étranger » et prévenait : « Le simple jeu des mesures actuellement prises en région dépassera sans doute nos possibilités financières. » Cette lettre date du 15 novembre 1964 ! Nous n’avons jamais corrigé cette politique, nous n’avons cessé de l’amplifier.
Mais à l’époque, la croissance (5 à 6% de hausse du Pib par an !), nos excédents et la hausse des prix nous permettaient de la supporter. Pourtant le Général avait déjà du demander (en septembre 1963) un « plan de stabilisation » des prix, parce que, disait-il, « l’euphorie de la drogue ne fait que cacher pour un temps l’érosion de l’organisme ». L’avertissement de Pompidou qui suivit se révéla juste : à partir de 1965, le taux de croissance se divisa par deux et il dut lui-même remédier à la maladie qu’il dénonçait par une dévaluation brutale du franc dès son élection à l’Elysée en 1969. Mitterrand fit de même en 1981, 1982, avant la « rigueur » de 1983.
La crise est d’autant plus profonde aujourd’hui que l’on ne peut plus financer notre inflation sociale – le « modèle français » - ni par la croissance, proche de zéro, ni par une dévaluation monétaire nationale avec l’euro. Cela les gouvernements successifs le savaient et c’est même pour cela qu’ils ont « collé » à l’Europe afin qu’elle nous contraigne à tailler dans cette « politique démagogique »... Mais nous ne l’avons pas fait.
Après avoir nié la réalité, François Hollande s’enfonce dans ses propres contradictions en ne voulant ni restructurer nos dépenses (Etat, collectivités, sécurité sociale) ni procéder à une hausse de la TVA – seule dévaluation possible par rapport aux prix étrangers. Il réforme, certes, mais à contre sens. Or, affirmait déjà Pompidou dans sa lettre au Général, « l’expérience montre que les réformes qui vont contre la réalité économique échouent toujours ».
Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 28 septembre 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.
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