Mélenchon en grec
On va peut-être avoir une expérience Mélenchon grandeur nature : en Grèce ! Le chaos politique né des élections du 6 mai dernier débouche sur un nouveau scrutin, le 17 juin (même jour qu’en France). Les sondages donnent largement en tête la coalition de la gauche radicale Syriza, autrement dit le Front de gauche. Son leader, Alexis Tsipras, 37 ans, ingénieur de formation et ancien militant communiste, était lundi à Paris pour y rencontrer son homologue Jean-Luc Mélenchon ; il avait rendez-vous le lendemain à Berlin avec les dirigeants de la gauche radicale allemande, Die Linke.
Tsipras a déjà atteint, le 6 mai, le résultat dont rêvait Mélenchon : 17% des voix ; on lui prévoit 28% le 17 juin (contre 24% à la droite et 15% aux socialistes pro-européens). Si ce score se confirmait, Tsipras pourrait former le gouvernement. Cela provoquerait une onde de choc. « Je ne suis pas là pour faire chanter les Européens, dit-il, mais pour les secouer ». Il veut rester dans l’euro, mais sans contrepartie : la monnaie oui, l’austérité non. Du pur Mélenchon de campagne : la dette, on ne la rembourse pas. Tsipras demanderait trois ans de moratoire sur les remboursements de la dette. Ce serait un saut dans l’inconnu.
Les Grecs rêvent d’une issue « raisonnable » tout en retirant leur argent des banques. Depuis le début de la crise en 2009, 4 milliards d’euros ont quitté le pays chaque mois ; depuis les récentes élections, c’est 4 milliards par semaine. Rien ne peut s’y opposer : la libre circulation des capitaux est un principe européen, et la queue au guichet est remplacée par un clic sur un écran.
Les Européens et le FMI ont accordé à la Grèce, en mars dernier, un plan d’aide de 170 milliards d’euros. Si dans un mois la Grèce refuse de faire face à ses obligations, que se passera-t-il ? « Ce n’est pas notre problème, c’est celui de l’Europe », dit le Mélenchon grec avec cynisme.
«Quand le membre d’un club ne respecte plus les règles, il quitte le club», lui a répliqué le ministre allemand des Finances.
La sortie de la Grèce de l’euro n’est plus une hypothèse d’école. Les Européens veulent l’éviter tout en s’y préparant. Depuis l’été 2011, les brèches ont été colmatées ; le Portugal et l’Irlande ne sont plus menacés de contagion. Et les Allemands si hostiles, en octobre, à un référendum en Grèce, se font à l’idée de voir les élections du 17 juin en devenir un. Chacun a pris ses précautions.
Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 26 mai 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.
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