Touche pas à mon code civil !
La gauche ne l’avait pas vu venir. Ni l’ampleur du mouvement, ni ses ressorts. Et ce n’était qu’un ballon d’essai : la manifestation massive du 17 novembre contre le mariage gay n’a eu aucun soutien médiatique, aucune marque officielle, seulement un collectif, des réseaux, le moderne bouche à oreille. Sans doute aurait-on pu rêver d’un slogan plus puissant que « Touche pas à mon code civil ! » - c’est pourtant là que se trouvaient la vérité de cette manifestation, et la cause de son succès.
Pas la moindre hostilité au choix de vie des homosexuels, un total respect pour leur intimité, mais un formidable appel au droit, compris comme le socle d’une société que l’on ne veut voir ni décomposée ni déracinée quand ses familles sont déjà si secouées. Cette foule s’est soulevée à l’idée que l’on allait, par une simple loi votée à la majorité simple, dénaturer le code civil et priver l’enfant de sa filiation : père et mère remplacés par des parents indifférenciés (1 et 2), dans le seul document qui fasse foi, le certificat de naissance délivré par l’officier d’état civil.
Le grand rabbin Gilles Bernheim qui a su mettre l’accent sur le sujet était cité et repris partout dans les rangs des défilés. Son argument a donné une force inattendue au contenu de la campagne contre « le mariage pour tous ». Si l’égalité de traitement civil, social, fiscal, de tous les couples n’est pas contestée, c’est en revanche le droit de l’enfant (et non pas le droit à l’enfant) qui est le cœur : le droit de l’enfant à avoir une filiation, une généalogie, un cadre stable qui lui fournisse la liberté de se projeter dans la vie. Et lorsque l’opinion publique s’en est rendue compte, les courbes des sondages ont commencé à décliner, les bons sentiments cédant devant la réalité de la « supercherie » (Mgr André Vingt-Trois). Ce ne sont plus seulement le mariage ni même l’adoption qui sont en jeu, mais les repères fondamentaux de la nature humaine.
La manifestation du 17 novembre a placé la gauche sur la défensive. Celle-ci comptait sur une « réforme de progrès et d’égalité » qui ne coûte rien. Elle va en découvrir les dégâts. François Hollande serrait les freins sur la procréation médicale assistée, avec ses risques de marchandisation de l’enfant ; il devra aller plus loin et lui rendre son père et sa mère.
François d’Orcival
Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 24 novembre 2012. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.
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