Billet d’Asie : Quand le pyjama était signe de richesse à Shanghai !

Par Françoise Thibaut, correspondant de l’Institut
Avec Françoise THIBAUT
Correspondant

Shanghai est une ville déroutante où les immeubles extravagants côtoient les quartiers fleuris et illuminés. Mais pourquoi donc les Shangaïens se promènent-ils volontiers en pyjama ? Françoise Thibaut, professeur de droit international, correspondant de l’Institut, nous révèle cet amusant secret dans un billet qu’elle nous envoie de Chine.

Émission proposée par : Françoise THIBAUT
Référence : chr789
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Shanghaï est sans doute la ville la plus déroutante de l’Asie du Sud : sa résurrection si rapide, violente et exponentielle, en a fait une sorte de monstre mouvant, dragon doré, incertain et dévorateur d’énergies. Le Bund, autrefois centre de tout, semble minuscule, noyé de buildings extravagants, de quartiers neufs interminables, alimentés par une population avide de progrès et de réussite, venue de tous les coins de la Chine. On marche énormément à Shanghai ; le Bund est fleuri de magnolias blancs, fleur emblématique de la cité ; en prenant Fuxing Lu (ex rue La Fayette) on se retrouve dans une allée à dimension humaine, sous des platanes importés de France. Le soir, le quartier de Pudong, de l’autre côté du fleuve, brille comme une fête foraine : ici, les économies d’énergie n’ont pas encore gagné la partie : il faut montrer l’opulence.

La tour de la Perle de l’Orient et la tour Jinmao dans le district de Pudong




Le Shanghaïen ne fait pas un pas sans son téléphone portable, ne dort pas assez, distribue sans se lasser ses cartes de visite qu’il stocke dans la poche de poitrine de son costume. Il mange trop, mais cela aussi est un signe de libération : on ne dit pas « comment allez vous ? » mais plutot « Ni chi le ma ? » (as-tu mangé ?) car engloutir de la nourriture est une activité primordiale.

Les autorités de Shanghaï ont fort à faire : il y a une quinzaine d’années, au début de « la grande opulence » (comme on dit), elles ont encouragé les shanghaïens à porter des pyjamas pour dormir : c’était un signe de réussite que de pouvoir changer de vêtements pour dormir : on ne dormait ni avec ses vêtements de jour, ni avec de vieilles loques. Peu à peu ces pyjamas ont envahi la rue, souvent jolis, décontractés, dans cette « finette » suave qui fait la joie du dormeur, parfois en soie, l'hiver laineux. De plus en plus de shanghaïens, notamment les enfants, les retraités, les femmes au foyer, les commerçants, ont tendance à se trimballer partout et tout le temps en pyjama. Les jours de congés le pyjama est roi, notamment chez les yuppies saturés du strict costume occidental. Désormais, les autorités font campagne, tout comme la presse, la télévision, les instituteurs et les services sociaux pour que ce souple compagnon vestimentaire retourne au lit, ou du moins dans la sphère privée et ne déambule plus dans le métro…mais il y aura fort à faire!

On lira avec amusement et intérêt un des rares livres français consacré à Shanghai de Serge Bramly Le voyage de Shanghai chez Grasset ; et, pour l’aspect historique et sentimental, le si bouleversant Empire du soleil de J.G. Ballard (Folio).

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