Comment Noël et Nouvel an sont-ils fêtés en Asie ?
Décembre en Asie du Sud-Est est toujours un moment de grande effervescence, de joie lumineuse et aussi - pour un européen - très paradoxal : on y prépare Noël ! Pas seulement par des achats frénétiques mais aussi par une ferveur religieuse authentique. Françoise Thibaut, correspondant de l’Institut, raconte et témoigne.
Que l’on soit à Singapour, à Hong Kong, à Kuala Lumpur, ou même à Jakarta, ou bien dans des villes plus modestes, voire dans un village, il y a d’abord, à partir de la mi-novembre et pour toute cette période de l’Avent, les illuminations de rues ou des maisons privées, les arbres chamarrés, les palmiers déguisés en sapins de Noël. Il y a aussi la frénésie des achats, laquelle peut atteindre la folie pure sur Orchard Road à Singapour, dans le superbe Mall commercial des tours Pétronas à Kuala Lumpur ; mais c’est peut-être sur Nathan Street à Hong Kong que le délire est le plus visible, ainsi que dans les petits marchés de rue : on trouve tout, sur le modèle clinquant, joyeux, surprenant de 1 dollar à des millions, dans des emballages chamarrés, rouges de préférence, à la mode japonaise…
Des crèches, des chorales, des prières...
Au delà de l’apparence et de ce matérialisme, c’est la ferveur religieuse et chrétienne qui laisse pantois: Noël - Christmas - est fêté avec foi et recueillement, allégresse et respect quelle que soit l’obédience chrétienne, protestante, catholique, orthodoxe: chaque église se pare de ses plus beaux atours, organise veillées et offices, propose sa crèche en plein air. Cela, mélangé au Bouddhisme, au Confusianisme, à l’Hindouisme, à l’Islam tolérant: en plein quartier indien à Singapour, à l’angle de Jalan Besar ou de Bencoolen, tous les week-ends, une crèche vivante invite le passant à chanter, réciter une courte prière, et, bien sur, faire l’aumone. Même chose à KL dans une Malaysie pourtant islamique à 95 %.
Quant à Hong Kong, encore si récemment britannique, ce sont les chorales d’écoliers sur toutes les esplanades, dans tous les Malls, qui enchantent par leurs hymnes à la gloire de l’enfant Jésus, mélangés d’ailleurs de quelques airs de comédies musicales… Singapour résonne des «Des Anges dans nos campagnes», l’embarcadère pour Macao diffuse à longueur de jour le «Minuit chrétien» révolutionnaire (peut être choisi pour cette raison): je ne l’ai jamais tant entendu qu’à Hong Kong.
Un héritage britannique
Ces métropoles de l’autre bout du monde sont restées très britanniques dans leur approche de la Nativité : les vœux, envoyés dès la fin novembre sur des cartes enneigées, les crackers, les bas pendus devant des cheminées en carton, le Père Noël, la dinde ou le chapon, l’étouffant pudding, et l’office de nuit où tout le monde chante.
Beaucoup de Chinois sont à la fois bouddhistes, ce qui est un mode de vie, et chrétiens, ce qui correspond à une croyance. Il n’est pas rare que dans un couple l’un soit catholique, l’autre protestant, le tout mêlé de références traditionnelles, qu’elles soient d’origine hindoues, chinoises ou japonaises. Cela rassure pour l’avenir, à moins que le démon de l’intolérance ne vienne s’en mêler…
Les Singapouriens ont la réputation d’être des travailleurs acharnés, ne s’arrêtant jamais ; mais est-ce vrai, au delà de leur réel talent ?
Le calendrier est révélateur : tout commence à l’automne avec les fêtes indiennes du Deepavali et de l’Ali Raya Hadji donnant lieu à congés et festivités splendides ; ensuite toutes les communautés préparent la Noël occidentale fêtée à l’anglaise, agrémentée des White Christmas et Let it snow nord américain: il y a 4 jours de congés, et l’on remet le couvert, une semaine plus tard pour le Nouvel An occidental, avec feux d’artifices, décompte de l’heure zéro à la Marina, gueuletons, le tout agrémenté de « soldes du Nouvel An ». A peine remis de ces agapes et de ces vacances festives, tout janvier partout en Asie est consacré à la préparation du Nouvel An chinois, situé à la seconde lune occidentale du calendrier lunaire, entre fin janvier et mi-février: les décors rouges et or inondent rues et foyers, les dragons peuplent les guirlandes accompagnés de l’animal - symbole de l’An nouveau… Feux d’artifices, spectacles, chorales, brass-bands se succèdent gaiement. Une semaine entière de congé est octroyée, ce qui donne du temps pour les « promotions de Nouvel An » à 80% des prix affichés. Tout cela dans des magasins, des marchés, des restaurants qui ne ferment pratiquement jamais grâce à un astucieux mélange des origines ethniques et religieuses des personnels, lesquels, nombreux, se relaient sans cesse en fonction de leur appartenance...
En 2010, le Nouvel An chinois a été particulièrement chargé de sens : on a abandonné l’apaisant Buffle pour l’offensif Tigre, mais surtout il y a eu lieu le 14 févier, un dimanche occidental, jour de la Saint Valentin, très fêtée en Asie, à l’américaine (une des rares incursions US dans l’imagerie asiatique) où garçons et filles, s’envoient vœux et présents de Valentin et Valentine…
Que de fêtes en perspective : il faudra le même jour, aller à la Messe, au Temple, communier, poser des bâtonnets d’encens, embrasser sa cavalière, son épouse, son amie de cœur, puis se préparer à l’interminable gueuleton aux 19 plats, faire kampé avec tous les voisins et aller au feu d’artifices... Cela malgré l’incertitude des temps et une crise dont on ne veut pas entendre parler…