Connaissez-vous le Chinglish ?
Le Chinglish, c’est l’anglais chinois. Cela parait simple mais en fait il en existe deux, celui de Pékin et celui de Shangaï et peut-être même trois ou quatre ! Françoise Thibaut voyageant en Asie, nous aide à débrouiller l’affaire...
L'adoption du pinyin datant de 1979 a désormais 40 ans.
Un petit livre amusant, trouvé à l’aéroport de Shanghai : « le chinglish » écrit (et photographié) par un sinologue allemand, Olivier Lutz Rathke, également producteur pour la télévision de Singapour : le Chinglish, c’est « l’anglais chinois », avec ses expressions particulières, souvent déroutantes, de traductions littérales, d’approximations imagées, d’inventions pures et simples.
En fait il signale qu’il y a deux chinglish : celui de Beijin, développé de manière fulgurante avec les J.O., et celui du sud, de la région de Shanghaï/ Canton ; il y a aussi celui de Hong Kong, et bientôt celui de l’intérieur, au fur et à mesure du développement des contacts avec les occidentaux . Ce Chinglish fait pendant au « Singlish » de Singapour, avec ses mots, ses images si particulières, où les filles sont des « kakis » !
Ce livre nous signale fort à propos l’extraordinaire aptitude du langage à la mixité, au métissage, à l’invention, vis à vis d’une langue-véhicule, l’anglais basique, si élémentaire dans l’urgence des rapports touristiques, commerciaux et de courtoisie. Les frontières linguistiques sont poreuses, même si le chinois (il faudrait dire « les » chinois ) est une langue réputée difficile ; le mouvement de romanisation du chinois, dont la formule moderne, l’adoption du « pinyin » a été décrétée par le gouvernement en 1979 , connaît une accélération fulgurante avec la généralisation de l’ordinateur, dont les capacités à aller du chinois à l’anglais (ou l’inverse) sont rapides et illimitées .
Cela laisse rêveur et devrait alerter les adeptes du français . Combien seront nous en 2050 à continuer à parler le « vrai » français ? Les 70 millions de Français de France, un peu de Suisses, de Belges, de Luxembourgeois, les Québécois. Et puis ? Disons 100 millions peut-être . Comme nous n’y avons pas pris garde, bientôt le français risque de suivre le sort de l’italien devenu « petite langue » en moins de 40 ans et de rejoindre les opaques langues nordiques. Reste, bien sûr, l’Afrique, mais nous n’en avons pas suffisamment pris soin. Il y a quelques années, un autre merveilleux petit livre « tu fais l’avion par terre » (tu vas vite) répertoriait les jubilatoires créations linguistiques des Africains et des Antillais ; et puis, cela a été oublié, sans doute pas assez intellectuel pour les rives de Seine .
Le livre rappelle que l’anglais simplifié, ce pidgin universel, survivance flamboyante de l’Empire britannique, est simple, utile, technique : outil bancaire, commercial, financier, véhiculé justement par les véhicules, tous les véhicules, y compris l’argent ; les marins, les aviateurs, se guident en anglais pour arriver à bon port, tout comme les internautes : Exit est plus clair que sortie ; zip et zap plus radicaux que fermeture à crémaillère et effacement…Les chinois jonglent donc avec les mots, sport où ils excellent ; ainsi trouvent-on à l’entrée de trottoirs roulants : « empêchez vos jambes de courir » et dans un hall fraîchement lavé : « glissez et tombez avec soin » (keep your legs no running - slip and fall with care) !
CHINGLISH par olivier Lutz Radtke
publié par Gibbs Smith, USA, 2007
ISBN13978 1 4236 0335 1