Nicolas Baudin : le difficile retour du Géographe et du Naturaliste (2/2)
Nicolas Baudin (1754-1803) emmène nombre de savants en expédition en Australie et en Tasmanie. Mais son mauvais caractère le fâche avec tout le monde. La "moisson" scientifique est riche mais la mort rôde... Après avoir raconté, dans un premier volet, les préparatifs de cette exceptionnelle expédition scientifique approuvée par Bonaparte, Françoise Thibaut, globetrotteuse et correspondant de l’Institut, nous conte dans ce second volet les péripéties du retour !
Le 24 avril 1801 les terres australes sont enfin en vue : le vrai travail peut commencer : Timor est une première étape où la moisson de plantes est abondante ; mais les 24 premiers kangourous capturés meurent rapidement. Cinq marins meurent du scorbut ainsi qu’ Anselme Riedlé (inhumé auprès du botaniste britannique du Bounty). En novembre on appareille pour la Tasmanie que l‘on met 60 jours à atteindre, en longeant la côte ouest de l’Australie, baptisant au passage quelques ilots, golfes et caps. Les premières récoltes importantes commencent ; on reste là jusqu’en avril 1802, faisant aussi de nombreux relevés géographiques et géologiques. Le zoologue Maugé décède, et seuls deux botanistes sont en état de travailler. Lors de la remontée vers Sydney, les deux navires sont séparés par une tempête, mais Le Géographe croise l’expédition de Flinders et Bass en train de faire le relevé complet des côtes de ce qui sera nommé « Australie » à son retour, quelques mois plus tard. Les navires français se retrouvent à Sydney le 27 juin 1802, où on relâche jusqu’en novembre, rejoints par une troisième unité, la Casuariana, commandée par Louis de Freycinet.
Pendant ce long séjour, on met en ordre notes, dessins et collections, mais Baudin constate avec amertume qu’il est partout précédé de peu -quelques mois, voire quelques jours - par Flinders et Grant. Les britanniques surveillent de très près l’expédition française craignant l’établissement d’une colonie ou d’un comptoir.
Baudin est très fatigué ; il envoie Le Naturaliste en avant, tout chargé de collections, et qui arrive au Havre, sans problème notable, le 7 juin 1803. Par contre, maladies, vents turbulents et tempêtes rendent le retour du Géographe laborieux et l’on s’arrête souvent pour recueillir plantes et animaux, notamment des eux noirs, des kangourous, des wombats, de petits marsupiaux inconnus. Le relevé des côtes nord et nord-ouest de l’Australie est interrompu par de violents vents contraires. Après une brève escale à Timor pour faire de l’eau et des fruits frais, Baudin rallie l’Ile de France le 7 août et y meurt le 16 septembre. Son second, Milius, prend le commandement et arrive à Lorient le 25 mars 1804 au terme de 37 mois de navigation. Pendant cette absence, Bonaparte est devenu Empereur et a bien autre chose à penser que la botanique.
Quel est le bilan de cette odyssée naturaliste ?
- Pour le prestige et la politique : absolument nul : les britanniques tiennent déjà presque toute la région australe et la surveillent âprement.
- Au plan ethnologique et humain, c’est décevant : les escales ont été trop courtes pour s’imprégner des mœurs ; néanmoins 206 objets sont rapportés et des dessins de Lesueur produisent scènes de groupes, costumes et physionomies.
- Mais la moisson de plantes et de végétaux dépasse l’imagination : dès Ténériffe, Riedlé et ses aides descendaient à terre, herborisant sans relâche en compagnie du botaniste Leschenault et du jardinier Guichenot. Les dessins, descriptions, mesures, étiquetages des spécimens occupent les longues semaines de traversées : plus de 2500 espèces nouvelles sont répertoriées (10 fois plus que Cook), jetant les bases de l’inégalée collection du Muséum de Paris. Environ 300 arriveront en bon état. Leur entretien à bord a posé de nombreux problèmes, dus notamment au manque d’eau douce. Baudin cèdera sa propre cabine pour en faire une serre.
- Les minéraux attirent aussi l’attention, bien que seul Bailly, sur les trois minéralogistes prévus, ait fait la campagne dans son entier.
- La capture d’animaux : poissons, mollusques, oiseaux et surtout insectes a occupé la plus grande partie des escales ; presque tous meurent avant l’arrivée en France, mais ils sont empaillés, conservés dans des bocaux ou desséchés selon des méthodes nouvelles, plus ou moins expérimentales. Le Géographe rapporte toutefois 2 émeus vivants, ainsi que 3 kangourous malades. En tout 56 mammifères, 334 oiseaux et plus de 4000 insectes sont répertoriés. Le Naturaliste dont le retour est plus rapide sera plus chanceux, ramenant 23 animaux vivants dont plusieurs magnifiques perroquets, des porcs épics et des wombats.
Joséphine aura, selon les instructions reçues, sa part de plantes, d’oiseaux, ainsi que 2 autruches et 2 singes capturés en Afrique. Elle recevra aussi des graines de diverses plantes, dont une partie sera envoyée à la tsarine douairière de Russie.
Cuvier fera un rapport élogieux de la mission et la mise en ordre de toutes ces merveilles sera dirigée par Jauffret et Geoffroy Saint Hilaire.
Baudin fut qualifié par ses pairs d’ »un des plus grands ramasseur de végétaux de tous les temps ». Il repose à l’île Maurice, oublié, sauf peut être de nos amis australiens qui le respectent et lui ont dédié plusieurs avenues et parcs en souvenir du travail accompli.
- Ecouter le premier volet de l'émission : Nicolas Baudin : explorateur de l’Australie et de la Tasmanie (1/2)
En savoir plus :
- Références de l'émission : Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, Archives de la Malmaison (une grande partie des collections sera pillée par les troupes d’occupation de 1814), Musée maritime de Sydney, Bibliothèque de la Corderie Royale de Rochefort.