Des timbres et des papes

La chronique philatélique d’Alain Laugier
Avec Alain Laugier
journaliste

A l’occasion de la visite du pape Benoît XVI à Paris en septembre 2008, cette rubrique s’appuie sur des timbres émis par la poste de France et, bien évidemment celle du Vatican. Sachant que beaucoup de pays à majorité catholique, notamment en Amérique Latine et en Afrique ont profité des nombreux voyages du pape Jean-Paul II pour émettre des timbres commémoratifs de l’évènement.

Émission proposée par : Alain Laugier
Référence : chr385
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_ Le Saint-Père à Paris et la philatélie religieuse en France

La loi de séparation des Eglises et de l'Etat, commémorée pour son centenaire en 2005, semble avoir amené l'administration des Postes, administration d'Etat, à faire attention à ce qu'elle illustrait dans le domaine religieux.
Les cathédrales, abbayes, églises et cloîtres ont été montrées des dizaines de fois sur des timbres de séries touristiques mais cela n'est pas le propos de ce jour.

De nombreux saints, religieux et hommes d'Eglise ont été représentés par la Poste française plutôt pour leur qualité de personnages historiques que pour leurs vertus chrétiennes. On se tourne donc d'abord vers la poste vaticane pour montrer deux timbres récents de Benoît XVI, l'un bénissant de la main, l'autre tenant l'ostensoir.


Restant au Vatican, je signale le sourire malicieux de Jean XXIII, ancien nonce apostolique à Paris, annonçant le concile de Vatican II et, parmi bien d'autres, quatre timbres de Jean-Paul II, notamment un feuillet contenant deux timbres se-tenant, l'un montrant son visage et l'autre ses armoiries.


A l'occasion de ses voyages en Europe, il y a eu deux séries de timbres :
- celle de 1989 dont le timbre montre la carte de France (du 8 au 11 octobre 1988)
- celle de 1997 : la France est symbolisée par le baptême de Clovis et Saint-Martin à cheval (du 19 au 22 septembre 1996).

Le cardinal Joseph Ratzinger (né en 1927) a été élu membre associé étranger de l'Académie des Sciences Morales et Politiques le 13 janvier 1992 au fauteuil d'Andrei Sakharov.
Il est élu 265e pape de l'Eglise catholique le 19 avril 2005 et a choisi le nom de Benoît XVI.
En 2000, il est nommé académicien honoraire de l'Académie pontificale des sciences, célébrée par deux timbres du Vatican (1986), tandis que la basilique Saint-Pierre est montrée dans une série française consacrée aux capitales européennes (2000).

Il vient à Paris du 13 au 17 septembre 2008 et il dévoile une plaque à son nom à l'Institut de France, ce qui sera une grande première. On se souvient de la visite récente d'une délégation de l'Institut de France menée par son Chancelier Gabriel de Broglie à cette Académie pontificale, le pape étant membre correspondant de l'Académie des sciences morales et politiques. Il est commandeur de la Légion d'honneur, laquelle fut célébrée en 1954 et 2004 pour l'anniversaire de la création de l'Ordre en 1804.

On connaît le timbre du palais de l'Institut en vue plongeante (1995) et le tableau de Bernard Buffet, membre de l'Académie des Beaux Arts montré sur un timbre en 1974.

Le pape se rendra bien évidemment à Notre-Dame de Paris représentée sur plusieurs timbres de vue aérienne de la Cité et, plus précisément sa façade, en 2004 et son chevet en 1947. Il verra le beau vitrail de sa rosace Ouest (1964).
Il inaugurera le Collège des Bernardins construit de 1270 à 1275 et récemment rénové et aménagé somptueusement pour être l'école doctorale du diocèse de Paris. Saint-Bernard a été célébré en 1953 pour le 8ème centenaire de sa mort.

Puis le pape se rendra à Lourdes. La vue de la basilique et du gave de Pau est montrée sur le timbre de 1954 repris en 1958 et la grotte de Massabielle avec la statue de Bernadette Soubirous dans la série de "la France à voir" en 2006.


Il n'y a eu jusqu'à présent qu'un seul pape français, Gerbert (938-1003) qui régna sous le nom de Sylvestre II de 999 à 1001.

Mais la papauté a vécu en Avignon : timbre du palais des Papes en 1938 tandis que l'enclave papale de Valréas célèbre son 650ème anniversaire en 1968.

Le pape Pie VII est présent sur le tableau de David, membre de l'Académie des beaux-arts. Mais sur le timbre de 1973 du couronnement de Joséphine par Napoléon, on ne rencontre que l'archevêque de Paris entre les deux personnages impériaux, le pape Pie VII placé sur la droite étant "oublié".

La Poste française a célébré des saints et des religieux célèbres plutôt pour leur rôle historique que pour leurs vertus propres encore que les deux soient souvent associées.

Jeanne d'Arc tout d'abord timbrifiée dès 1929 sur son cheval, position reprise en 1968. Son monument national de Rouen est inauguré en 1979 et sa maison de Domrémy-la-Pucelle montrée en 1996. En tout, six timbres Jeanne d'Arc.

Vient ensuite Saint-Louis en 1954, avec sa couronne royale et, en 1967, rendant la justice sous son chêne.

On voit trois saintes :
- Sainte-Thérèse d'Avilla (1982), pour le 4ème centenaire de sa mort ;
- Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus de Lisieux (1973), pour le centenaire de sa naissance ;
- Sainte-Barbe (1976) sur une sculpture de l'Eglise de Brou.

Puis de nombreux saints, certains en tant que tels comme Saint-François d'Assise en 1972, pour le 800ème anniversaire de sa naissance, ou Saint-François de Salles (1567-1622) pour le 4ème centenaire de sa naissance.
D'autres sont représentés à l'occasion, presque accidentelle, d'une autre opportunité postale :
- Saint-Martin (1997) pour le passage de la Gaule à la France en 397dans une série historique qui se poursuit avec Saint-Rémy baptisant Clovis en 496 ;
- Saint-Nicolas (1951) pour l'imagerie d'Epinal en son musée ;
- Saint-Patrick (1996) lors d'une émission conjointe avec l'Irlande ;
- Saint-Paul sur le chemin de Damas (1964) sur un vitrail de la cathédrale de Sens dans la série annuelle des œuvres d'art ;
- Saint-Pierre (1972) sur un tableau du Maître de Moulins ;
- Saint-Thomas (1993) sur le tableau de Georges de la Tour pour le 4ème centenaire de la naissance du peintre ;
- Saint-Vincent de Paul (1958) dans la série annuelle de la Croix Rouge ;
- Saint-Yves de Tréguier (1956) sur une sculpture bretonne où il règne entre le pauvre et le riche en tant que patron des hommes de loi.

Parmi les prélats de la religion catholique, on trouve des personnalités fort variées.
A tout seigneur, tout honneur, le Cardinal de Richelieu (1575-1642) pour le tricentenaire de l'Académie Française (1935) puis au siège de la Rochelle en 1970, en son évêché de Luçon (2004) devant la ville qui porte son nom (2008) et surtout sur le célèbre tableau en pied de Philippe de Champaigne (1974). Il est donc célébré plutôt pour sa carrière politique et cela à cinq reprises.
Il en est de même pour Talleyrand (1754-1838) qui fut un temps évêque d'Autun (1951).
Un archevêque de Paris est célèbre pour avoir tenté de s'interposer entre les révolutionnaires de 1848 et est mort d'une balle perdue sur les barricades : monseigneur Denys Affre (1793-1848) à l'occasion du centenaire de ces évènements.


Les dignitaires catholiques prédicateurs et écrivains ont été célèbres :
- Bossuet (1627-1704), évêque de Meaux (1954) ;
- Fénelon (1651-1715), membre de l'Académie française (1947) ;
- Lacordaire (1802-1861), libéral dominicain, portraituré par Chassériau (1961).

Un cas singulier est celui de deux frères prêtres qui rejoignent les fratries des de Broglie, des Debré et des Arago évoqués dans une autre rubrique, à savoir :
- Le cadet Félicité Lamennais (1782-1854), écrivain et politique (1957) ;
- L'aîné Jean-Marie de La Mennais (1780-1860), créateur, à partir de Saint-Brieuc d'un réseau mondial d'enseignement catholique (1980).

Il y a d'autres grandes figures catholiques :
- Jean-Marie Vianney (1786-1859), curé d'Ars (1986) ;
- Anne-Marie Javouhey (1779-1851), fondatrice de la congrégation de Saint-Joseph de Cluny (1981) ;
- Le père Charles de Foucauld (1858-1916), l'ermite de Tamanrasset (1959) ;
- La mère Elisabeth (1890-1945) héroïne de la résistance (1961) ainsi que le père René Bonpain (1908-1943), en 1960 ;
- L'abbé Franz Stock (1904-1948) aumônier des prisons auprès des résistants (1998) ;
- L'abbé Alfred Stanke (1904-1975) montré à côté de la cathédrale de Bourges en 2000.

Sont célébrés pour des activités assez distinctes de leur engagement religieux :
- L'abbé Breuil (1877-1961), connu comme préhistorien, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres (1977) ;
- Le père Teilhard de Chardin (1881-1955), jésuite et préhistorien, célébré en France en 1981 et en Belgique en 2006.

Parmi les écrivains catholiques, on trouve :
- Frédéric Ozanam (1813-1853) associé à Lacordaire et fondateur de la Société de Saint-Vincent de Paul (1999) ;
- Charles Péguy (1871-1914) devant la cathédrale de Chartres (1950) ;
- Georges Bernanos (1888-1948) en 1978.

L'Académie française s'honore de voir siéger de nombreux cardinaux et prélats qui n'ont pas encore eu les honneurs de la commémoration philatélique vraisemblablement pour les raisons politico-administratives de la loi de séparation de 1901. On peut imaginer en symétrie d'Edouard Herriot (1872-1957), célébré maire de Lyon (1977) un timbre du cardinal Gerlier primat des Gaules dont l'attitude pendant la guerre a été remarquable et mériterait d'être honorée.

Les autres religions du Livre ont été célébrées non seulement par de grands anciens tels :
- Avicenne (980-1037) en 2005 ;
- Rachi (1043-1105) en 2005 ;
- Luther (1483-1546) en 1983 ;
- Calvin (1509-1564) en 1964 ;
mais aussi par des contemporains :
- le pasteur Marc Boegner (1881-1970) en 1981 ;
- et le rabbin Jacob Kaplan (1895-1994) en 2005.


On voit donc que le Saint-Père se trouvera en pays de chrétienté philatélique, surtout s'il regarde les timbres des 26 abbayes, des 12 églises, des 32 cathédrales et des 9 basiliques émis par les postes françaises.

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