La vieille Europe et "le dilemme du gangrené"

La chronique économie et finances de Jean-Louis Chambon
Avec Jean-Louis Chambon
journaliste

Le "dilemme du gangrené", expliqué ici par Jean-Louis Chambon, constitue à bien des égards le véritable défi de la vieille Europe rongée par des pathologies au premier rang desquelles se placent la dette des états et les dépenses publiques. Ecoutez, à ce propos, la chronique de notre journaliste.

Émission proposée par : Jean-Louis Chambon
Référence : chr615
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Cette émission a été enregistrée en octobre 2010.


Pour illustrer cette chronique sur les défis de la vieille Europe, reprenons en tout début une petite histoire de Paul N. Goldschmidt, ancien directeur de la Commission européenne, intitulée «La parabole des gangrenés» :

- «Trois personnes se faisaient soigner pour une gangrène à une jambe. La première, sur les conseils de son médecin, opta pour une solution radicale avec une amputation immédiate de la jambe. Après une convalescence pénible et une réforme de son mode de vie, il retrouva une existence épanouie. La seconde fut priée de s'armer de patience car une conférence sur sa pathologie devait se dérouler l'année suivante dans le cadre des organisations internationales et l'OMS. Il prit des anti douleurs pour passer le cap mais souffrit d'insomnie et son angoisse paralysa toute velléité d'activité, le rendit agressif et intolérant avec son entourage. Deux ans plus tard, on lui amputa les deux jambes. Le troisième fut reçu à la hâte et s'entendit dire de ne pas se faire de souci et de continuer comme avant. L'année suivante ses amis l'amputèrent et le portèrent en terre.»

Conclusion : Décider à froid d'une amputation nécessite du courage. mais c'est souvent la seule solution de survie.

Ce dilemme du gangrené constitue à bien des égards le véritable défi de la vieille Europe rongée par des pathologies au premier rang desquelles se placent la dette des états et les dépenses publiques. En fait, les deux jambes sont déjà atteintes. En effet, l'inquiétude grandit pour la dette européenne tandis que les écarts se creusent entre les pays de la zone euro sur le prix à payer aux marchés financiers pour renouveler leur endettement lorsqu'ils arrivent à maturité, environ tous les 7 ans. Tandis que l'Allemagne et la France n'ont jamais emprunté à des taux aussi bas, respectivement 2,36 et 2,60 pour les obligations à 10 ans, l'Irlande, de son côté, s'acquitte de ses intérêts à des niveaux deux fois plus élevés pour un refinancement qui se réalise toutefois légèrement plus bas que lors de la précédente opération. Ce signe de relative détente ne saurait faire oublier que les instruments de couverture des risques évoluent toujours à un niveau reccord entre ceux de la Grèce et du Portugal attestant en cela de la grande défiance de l'aversion au risque des marchés.

Peu à peu émerge une Europe à deux vitesses, ce qui, rapprochée d'une monnaie qui reste unique dans les deux sens du mot, invite à ne pas sous-estimer la gravité de la situation. Globalement, les marchés financiers doutent de la capacité de certains états à honorer leurs engagements, ce qui révolutionne le concept solidement ancré dans la culture bancaire qui campait sur la certitude d'un risque souverain nul. Aussi faut-il bien admettre que le niveau endettement de la zone euro qui atteint plus de 80% du niveau du PIB est alarmant. Non seulement pour son niveau en valeur absolu mais pour sa nature et son évolution. La dette des états européens résulte en effet pour une large part des dépenses de fonctionnement et non d'investissement et ce sont les dépenses d'investissement qui seules permettent d'espérer un retour bénéfique pour la croissance future. De même, les prévisions sont "gravissimes" et le FMI tire la sonnette d'alarme : il prévoit 110% du PIB en 2015 (115% pour les pays du G20), ce qui veut dire qu'aujourd'hui en Europe, chaque nouveau-né doit déjà 22000 euros avant même d'avoir respiré sa première bouffée d'oxygène ou de CO2 ! C'est donc bien cette addiction à la dépense publique de la société européenne (55% du PIB contre 45% aux Etats-unis) qui constitue la cause première de notre endettement.

Texte de Jean-Louis Chambon.

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