La montée du populisme, nouveau défi européen
L’Union Européenne face aux national-populismes. Tel est le sujet de cette nouvelle chronique de Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, qui s’inquiète de la recrudescence des partis nationalistes et populistes en Europe, et notamment en Finlande où le parti des "Vrais Finlandais" ne cesse de progresser.
Cette chronique a été enregistrée le lundi 18 avril 2011.
- La Finlande nouvelle victime des populismes
Le succès des « Vrais Finlandais », le seul parti qui progresse aux élections législatives du 17 avril dernier, marque une nouvelle avancée des partis populistes en Europe.
Venant après une poussée populiste qui a frappé tous les pays de l’Union européenne, à l’exception, pour l’instant de l’Allemagne, de l’Espagne et du Portugal, cette montée des extrêmes interpelle à la fois les Etats membres et la construction européenne elle-même.
La crise économique serait-elle la vraie raison de cette flambée que certains n’ont pas hésité à qualifier de national-populiste ? Ou alors l’immigration, dont l’Europe est devenue désormais le premier continent d’accueil ?
Ces faits ont certes alimenté un phénomène pourtant plus large, qui doit être analysé comme un repli identitaire au moment où la globalisation produit tous ses effets.
La liberté des échanges et la libre circulation, l’augmentation de la compétition économique internationale, la redistribution des rapports de forces dans le monde, l’ouverture et donc la vulnérabilité, aux produits, idées et technologies, le vieillissement de la population européenne et les nouveaux équilibres démographiques qui font pencher le curseur vers de nouveaux continents, inquiètent les vieilles démocraties à qui on ne cesse de ressasser par ailleurs qu’elles sont en « déclin ».
Depuis le tournant du siècle, les partis extrémistes européens n’ont pas cessé d’enregistrer des succès : de la Suisse de l’Union démocratique du centre en 2007, jusqu’à la Pologne des frères Kaczinzcki, de l’Italie de Berlusconi aux Pays-Bas de Gert Wilders en passant par la Hongrie ou le Front national français, les sociétés européennes expriment leur désarroi en confiant aux partis extrêmes de plus en plus de suffrages.
L’analyse de leurs programmes met en évidence des caractéristiques communes. Sur le plan social et économique interne, ces partis se situeraient plutôt à gauche par leurs propositions, dans un rejet fort des élites, du capitalisme et des « banquiers et des patrons », accusées d’être les artisans d’une mondialisation qui détruit les emplois traditionnels et expose leur pays à des périls qui pourraient être évitées par des politiques de fermeture des frontières.
En ce sens ils sont tous nationalistes, au sens le plus exact du terme, magnifiant l’Etat-nation comme le seul véritable rempart contre un prétendu « complot mondialiste », qui vise à l’enrichissement de quelques uns sur le dos des peuples en niant leurs racines et leurs spécificités.
Ils manifestent donc un euroscepticisme violent, accusant la construction européenne d’être le « cheval de Troie » de la mondialisation et l’élément le plus destructeur des consciences et des réalités nationales.
Ce repli égoïste, largement irréaliste au regard de ce que sont devenus les échanges et l’économie mondiale, plaide pour une fermeture des frontières, l’instauration de droits de douane et souvent la fin de l’Euro.
Les « Vrais Finlandais » entendent ainsi remettre en cause l’engagement de leur pays dans le Mécanisme européen de Stabilité et aux côtés de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal, au motif qu’il n’est « pas normal que ceux qui ont mal géré et qui créent des problèmes …fassent payer leurs dettes par les contribuables finlandais ».
- L'immigration mise en cause
Enfin l’immigration est accusée d’être la raison du chômage, alors que les experts s’accordent pour dire qu’il n’y a pas de liens entre celui-ci et l’arrivée sur les marchés du travail de travailleurs souvent peu qualifiés. La querelle franco-italienne sur les réfugiés tunisiens en est un exemple.
Faisant fi de l’effondrement démographique en Europe, qui ne peut être compensé que par l’immigration, mais prospérant sur l’échec réel de l’intégration dans la plupart des Etats membres, le discours populiste est aussi un discours anti-immigrés et d’exclusion, particulièrement dangereux pour une Europe ouverte et qui veut se donner l’image de la générosité. Il est même totalement contraire à ses intérêts. Un étude américaine explique ainsi que pour garder la même force de travail dans les dix ans à venir, l’Europe devrait tripler son immigration, aujourd’hui limitée à moins de 30 millions sur 501 millions d’habitants.
- Quid de l'Union Européenne ?
Pour l’extrême-droite, mais aussi pour certains extrémistes de gauche, l’Europe ne protège pas, elle dilue les identités, est contraire aux intérêts des peuples et affaiblit les capacités de réaction que seul les Etats peuvent mobiliser. Il y a là un défi que tous les responsables politiques européens doivent relever et qui est difficile à affronter. Leur première réaction est de « tenir compte » de ces nouveaux réflexes identitaires et d’entamer avec les extrêmes une « course à l’échalote » pour savoir qui sera le mieux-disant. Les partis traditionnels européens sont ainsi frappés d’une « prégnance » certaine des idées de l’extrême-droite et de nombreux exemples attestent qu’ils ont choisi de durcir leurs programmes dans cette direction. Cette manœuvre désespérée évitera-t-elle les progrès des populistes ou renforcera-t-elle encore les extrêmes ? Les scrutins à venir pourraient, de ce point de vue, réserver certaines surprises !
Enfin l’Union européenne elle-même ne fait pas suffisamment la preuve d’une prise de conscience de ce phénomène. Elle ne peut plus se contenter de gérer l’ouverture du continent, elle doit être le moteur de sa promotion dans un monde en pleine accélération. Pour rester crédible, sa piètre communication, ses divisions à l’international et ses disciplines doivent au plus vite être corrigées, ou plus exactement mieux assumées et davantage expliquées.
Par exemple, elle ne saurait, sans danger, continuer à n’envoyer aux Européens perturbés et inquiets, qu’un seul message « punitif », celui de la rigueur, des économies, de la baisse des salaires et des garanties sociales. Elle doit être le cadre de solidarités plus démonstratives autour d’objectifs ambitieux et réalistes de croissance et de redressement économique. Elle pourrait ainsi adresser un message d’espoir, justifié par les atouts d’une Europe qui garde de puissants leviers d’action sur la scène mondiale, une économie forte, un niveau et une qualité de vie sans équivalent dans le monde développé.
texte de Jean-Dominique Giuliani
Jean-Dominique Giuliani préside la fondation Robert Schuman, centre français de recherches sur l’Europe. Il est l'auteur d'un livre sur la présidence française de l’Union européenne : Un Européen très pressé, paru aux éditions du Moment.
En savoir plus :
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