L’Union européenne doit-elle abandonner le nucléaire ?
Quel avenir pour l’énergie nucléaire dans l’Union européenne ? Le président de la fondation Robert Schuman aborde les enjeux concernant le secteur au lendemain de la catastrophe à Fukushima.
La hausse des prix du pétrole en 2008 avait provoqué une relance du nucléaire dans le monde.
L’Europe n’y avait pas échappé, alors qu’elle est le continent qui compte le plus grand nombre de réacteurs (146 sur 437) et de centrales (79). Plusieurs pays ont entrepris d’en construire de nouveaux et 6 sont actuellement en chantier.
15 Etats membres de l’Union européenne tirent en moyenne 40% de leur électricité de cette source d’énergie qui représente les deux tiers de l’énergie non carbonée sur un continent exemplaire en matière de réduction des gaz à effet de serre. 30% de l’électricité européenne et 17% de son énergie totale viennent du nucléaire.
L’accident de Fukushima, au Japon, a montré la vulnérabilité des centrales aux risques naturels et réveillé dans l’opinion européenne une réelle inquiétude. Au point que la Chancelière allemande annonçait en pleine campagne électorale qu’elle renonçait au prolongement de la vie de ses centrales, qu’elle avait décidée en octobre 2010. En 2021, il ne devrait plus y avoir de centrales nucléaires allemandes. L’Italie, qui avait abandonné le nucléaire en 1987 renonçait à le relancer ; l’Autriche qui, depuis 1978, le refuse, alimentait une campagne anti-nucléaire qui a trouvé de l’écho partout sur le continent. Les Ecologistes en font leurs choux gras, comme aux élections régionales du Bade-Wurtemberg, désormais gouverné par un Ministre-Président Vert.
Le débat s’invite partout, y compris en France, 2ème producteur mondial d’une énergie qui lui fournit 78% de son électricité et l’on peut penser qu’il sera présent dans la campagne présidentielle de 2012. L’opinion publique exige une transparence que les urgences énergétiques avaient négligée et manifeste une forte émotion en célébrant le 25ème anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl. Aura-t-elle raison d’une source d’énergie dont l’Europe ne peut se passer ? Et les peurs l’emporteront-elles sur le progrès scientifique ?
Le président français a décidé de proposer au G20 la fixation de normes internationales, tant il est vrai que les accidents nucléaires ne connaissent pas les frontières, mais il aura du mal à convaincre.
L’Europe avait voulu le faire dès 1957 avec le Traité Euratom, signé en même temps que celui du marché commun. Mais les projets nationaux l’ont emporté et, aujourd’hui, il se limite à coordonner les recherches, l’approvisionnement en combustible et les règles sanitaires des travailleurs du nucléaire. La Commission européenne va procéder à des contrôles stricts de toutes les centrales européennes et vraisemblablement relancer son projet de directive sur la sûreté nucléaire. On peut aller plus loin.
Signer un nouveau Traité européen sur la sécurité de l’exploitation des centrales nucléaires, sur la gestion de leurs déchets et sur la protection des populations concernées, ne serait-ce pas pour l’Union européenne une opportunité formidable de démontrer, une fois encore, son pouvoir par la norme ? Elle prendrait la tête d’un combat pour la transparence et la sécurité, qui pourrait être partagé par les Américains inquiets, certainement par des Japonais sous le choc et pourquoi pas par des Chinois et des Indiens qui ont de gros besoins énergétiques ?
C’est peut-être à ce prix que le nucléaire a encore un avenir.
Texte de Jean-Dominique Giuliani
Jean-Dominique Giuliani préside la fondation Robert Schuman, centre français de recherches sur l’Europe. Il est l'auteur d'un livre sur la présidence française de l’Union européenne : Un Européen très pressé, paru aux éditions du Moment.
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