Ce que je sais de Vera Candida, de Véronique Ovaldé
Ce que je sais de Vera Candida, de Véronique Ovaldé, est le roman auquel a été décerné le Grand Prix des lectrices de Elle 2010. Notre chroniqueur Jean Mauduit, qui a contribué à la fondation de ce prix dans les années 1970, constate avec plaisir que les femmes continuent à choisir des œuvres d’excellente qualité.
Jean Mauduit a choisi ce livre d'abord parce qu’il s’agit d’un livre parfaitement réussi. Ensuite parce qu'il attache personnellement beaucoup de prix… au Grand Prix des lectrices de Elle, qu'il a contribué à organiser au début des années 1970. En effet, Jean Denys, le rédacteur en chef de l’époque, a eu cette idée : inverser la relation entre l’auteur et son public, en substituant aux jurys professionnels des prix littéraires… les lecteurs eux-mêmes, ou plutôt, au cas présent, les lectrices. Jean Mauduit raconte :
«J’étais à l’époque Secrétaire Général de Elle et la charge m’est revenue de mettre sur pieds le protocole de cette nouvelle façon de faire pour récompenser l’excellence. Je m’y suis prêté d’autant plus volontiers que cela répondait à un de mes concepts de base en matière de communication et d’information : associer le public aux messages, bref lui donner la parole. C’est ce qui a été fait avec les premiers États Généraux de la Femme que Elle vient de perpétuer avec beaucoup d’éclat, 40 ans après, mais aussi avec le Grand Prix de la Publicité qui, lui, n’a vécu que quelques années. J’ai été profondément heureux de constater que mes jeunes consœurs de Elle avaient su, brillamment, s’inscrire dans ce courant de pensée.»
Ce prix couronne un ouvrage qui parle au cœur des femmes, à leur sensibilité, à leur intelligence. Ce que je sais de Vera Candida - quel beau titre, soit dit en passant – est un livre très fort. Il raconte, dans une Amérique du Sud dont la 4ème de couverture nous précise qu’elle est imaginaire, l’histoire de trois femmes de la même famille, la grand’mère, la fille, la petite-fille qui accomplissent le même destin : mettre au monde très jeune un enfant de père inconnu.
Bâtir un roman sur un tel thème exige beaucoup de talent. Véronique Ovaldé en est amplement pourvue. Elle a cette qualité de ton, cette force de conviction dans le récit, sans parler d’une écriture semblable à un feu d’artifice, qui lui permettent non seulement d’enchanter l’histoire qu’elle raconte mais de lui donner une dimension considérable. Par le fait, c’est le malheur universel des femmes qui est ici retranscrit, leur servitude face à l’homme, leur impuissance devant le sort qui leur est imposé par une antique tradition, dans cette Amérique du Sud mythique mais quelque part réelle… et universelle. Seule la petite-fille, Vera Candida, tente de se révolter. Elle s’en va. Elle franchit l’océan à la recherche d’une autre vie. Elle y parviendra, provisoirement.