Un livre envoûtant : Jeanne, de Jacqueline de Romilly
Membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
Emouvant, délicat, ce livre, publié à titre posthume, est un "monument érigé par une fille à la mémoire de sa mère" selon notre chroniqueur Jean Maudit qui nous fait pénétrer dans l’intimité de ces pages pleines de tendresse. L’été est propice à la lecture ou à la relecture : si vous ne l’avez pas encore lu, ouvrez-le sans plus tarder : dans Jeanne, Jacqueline de Romilly, confie ses souvenirs.
En 1977, Jeanne Malvoisin, la mère de Jacqueline de Romilly décède et c'est durant cette même année que l’académicienne commence à rédiger son livre Jeanne, qui sera publié après sa mort, le 18 décembre 2010.
Ayant perdu son père très jeune, Jacqueline de Romilly a entretenu avec sa mère, une relation très forte. Les batailles, les chagrins, les ruptures, les recommencements que cette mère a traversés sa vie durant, ne l’ont jamais écartée de son désir le plus profond : le bonheur de sa fille, Jacqueline. Un bonheur que l'académicienne exprime dans ce livre, à travers tous les souvenirs de sa mère. Jean Maudit salue la démarche de l'académicienne:
«Les Incas du Pérou enterraient avec le roi défunt toute la vaisselle d’or et d’argent qui avait été utilisée à son service, ainsi que ses bijoux et ses vêtements. Jacqueline de Romilly, par une démarche inverse, exhume les souvenirs qui lui restent de Jeanne, sa mère, et fracture sa propre mémoire pour bâtir cette stèle de l’amour filial. Démarche d’autant plus émouvante qu’elle est restée secrète.»
Mais alors qui était cette femme, Jeanne Malvoisin? Jacqueline de Romilly l'a décrite comme « beaucoup plus rebelle et audacieuse, que ne sont nos filles en blue-jeans. »
Cette veuve de guerre devenue femme de lettres, «possède une
personnalité flamboyante. C’est une femme de multiples talents, qui a failli connaître la grande réussite littéraire que lui promettaient tous les augures du moment dans les années 20, de Bernard Grasset à Pierre Descave. Car elle écrit. Beaucoup. Toute sa vie. Des pièces de théâtre comme l’Amitié imprévue représentée au théâtre de l’Athènes en 1932. Des romans dont l’un, Amélie, est salué par la critique comme une sorte de chef d’œuvre. Des adaptations pour la radio. Mais le destin se mettra en travers.»
Et ce destin, c'est bien sûr la guerre, qui va forcer Jacqueline et sa mère à se cacher pendant près de 5 ans. À son retour à Paris, Jeanne ne renouera jamais avec le succès. Mais pourtant, elle ne cessera jamais d'écrire, inlassablement ; Jacqueline de Romilly se souvient d'elle, quand elle avait 70 ans:« À cet âge taper à la machine est une fatigue. Mais elle décidait de le faire, et elle le faisait. Et je la trouvais à sa petite table, tapant et comptant ses pages, le dos endolori et les yeux fatigués.»
Jeanne raconte d’abord l'histoire de Jeanne Malvoisin, à travers les souvenirs de Jacqueline de Romilly, mais c'est aussi une oeuvre qui éclaire le lecteur sur la propre vie de l'académicienne, comme le remarque Jean Mauduit dans cette émission: « L’existence de la mère puis celle de la fille sont si intimement nouées l’une à l’autre qu’en racontant Jeanne, Jacqueline se raconte».
En-dehors des multiples souvenirs, anecdotes qui rendent cette oeuvre émouvante, Jean Mauduit souligne aussi l'écriture de Jacqueline de Romilly: « C’est un livre envoûtant, porté par une écriture classique et qui ne vieillira pas. »
Si vous êtes lecteur de Jacqueline de Romilly et que vous avez à cœur de découvrir ou de redécouvrir le parcours de cette grande dame, Jeanne
ne pourra que vous ravir!
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