Le commencement d’un monde de Jean-Claude Guillebaud
Dans son livre Le commencement d’un monde, Jean-Claude Guillebaud éclaire notre époque au travers d’une analyse anthropologique, de la foi et même de la mondialisation.
Une chronique littéraire proposée par Damien Le Guay.
_ Depuis quinze ans, Jean-Claude Guillebaud explore notre époque. Il l’ausculte, la sonde de part en part, cherche à la comprendre. Pour lui, un monde se termine, un autre débute. Nous sommes à un tournant qu’il nomme une «bifurcation anthropologique». L’homme change, sa nature pourrait en être modifiée radicalement. Trois «révolutions» sont à l’œuvre. Une mondialisation économique mais aussi l’interaction constante et continue d’Internet (sorte de «sixième continent») et la révolution du génétique qui fait de l’homme un «matériel» manipulable à l’infini.
De fil en aiguille, dans l’analyse de cette apocalypse (au sens d’une révélation, d’un surgissement des temps nouveaux), Jean-Claude Guillebaud s’est rendu compte que si le monde tenait encore, s’il n’explosait pas, il le devait à son ciment spirituel chrétien. Et, à titre personnel, l’année dernière, dans Comment je suis redevenu chrétien (Albin Michel) il reconnaissait sa foi. Monseigneur Dagens fait même de lui «un prophète de l’extérieur».
Le voici arrivé au terme de son enquête. Quinze ans. Sept livres, depuis la Trahison des Lumières (1995) jusqu’à, aujourd’hui en 2008, Le commencement d'un monde. Guillebaud souhaite savoir si avec la disparition du Centre (l’Occident) est le signe annonciateur d’une nouvelle barbarie ou, au contraire, d’un nouvel équilibre ? Et si «oui» lequel ? D’entrée de jeu, il analyse cette disparition et critique la sous-culture aux injonctions de consommation qui en émane. Ces bouleversements fragmentent notre espace et notre Histoire. Ils mondialisent le religieux, bouleversent les identités. Les individus sont tiraillés entre le local et le mondial, le singulier et l’universel.
Qu’en conclut Guillebaud ? Selon lui, nous nous dirigeons vers un métissage des cultures mondiales qui, plutôt que de mettre le feu au poudre, va au contraire nous apporter la paix. L’ancienne prédominance culturelle aurait été un vecteur de violence alors que la mixité culturelle ne le serait pas. Mais, si son enquête est passionnante, ses conclusions iréniques laissent perplexes. Cet horizon d’une culture-monde, qui conjuguerait harmonieusement le singulier et l’universel, semble un vœu pieux.
En savoir plus :
Le Commencement d'un monde, éditions du Seuil, 2008.
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