Philippe Muray : scrutateur inclassable
Philippe Muray, essayiste et romancier français, est mort trop tôt... Damien Le Guay se propose de lui rendre justice à travers cette chronique qui rappelle son parcours et les thèmes (à contrecourant du politiquement correct) qu’il a développés. Pour donner envie de lire la prose classique et mordante, acide et jubilatoire, de Philippe Muray.
Il est mort au moment même ou il commençait à être célèbre, le 2 mars 2006. Philippe Muray, scrutateur implacable et inclassable des travers de notre époque, est sorti, en 1999 et 2001, de l’anonymat dans lequel la bienpensance l’avait confiné, à l’occasion de la sortie de Après l’histoire I et II. Et, en 2002, les attaques violentes et incertaines de Daniel Lindenberg pour démonétiser tous ceux qu’il rangeait hâtivement sous le terme-étouffoir de « nouveaux réactionnaires », lui donnèrent une évidente consécration médiatique.
Il faut donc lire et relire Philippe Muray dans le prolongement du spectacle que Fabrice Lucchini vient de lui consacrer. « Il a une plume », il a un « coup d’œil » – comme on dit. Une plume effilée, acérée comme la rapière de Cyrano de Bergerac, qui s’en va jusqu’à la jointure de nos bizarreries festives. Un « coup d’œil » pour regarder à la loupe, dans le détail des situations, les inventions parfois hallucinantes du « parti festif » qui cherche à « gaver d’optimisme un monde désespéré » - comme le dénonçait déjà Bernanos.
Quels sont les thèmes mis en lumière par Philippe Muray ?
- La « fin de l’Histoire », d’une Histoire comme nous y étions habituée,
- la mise en place d’un « nouvel ordre moral » par la Loi,
- l’abolition forcenée de la « différence sexuelle » au profit des sexualités d’une incertitude nombreuse,
- la mise en place d’une « nouvelle police de la pensée », la multiplication des « mutins de Panurge » - ces rebelles bidons qui participent du système tout en faisant croire qu’ils le critiquent ?
Philippe Muray souhaite, à contre-courant d’une modernité toujours plus moderne, nous libérer de nos supposées libérations et déconstruire nos déconstructions. Il souhaite sortir du diktat du politiquement correct, (avec ses orgies d’euphémismes et de mots cache-misères) défini par lui comme le « désir de se venger sur les mots » quand « la réalité échappe de plus en plus. » Car, pour lui, la liberté accouche de nouvelles servitudes. Mais énoncer les thèmes de sa dénonciation ne suffit en rien à rendre compte du plaisir de lire Philippe Muray. Vient de paraître, en un seul volume, ses principales œuvres (Essais, les Belles lettres, 2010).