Rémi Brague : Du Dieu des chrétiens et d’un ou deux autres

Regard sur la philosophie, la chronique de Damien Le Guay
Avec Damien Le Guay
journaliste

Le philosophe Rémi Brague, trilingue religieux, nous fait mieux comprendre l’importance des religions. Il bat en brèche certaines « évidences » qui n’en sont pas à faire œuvre d’intelligence religieuse.

Émission proposée par : Damien Le Guay
Référence : chr372
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Rémi Brague trace son sillon et ce faisant, élargit notre horizon. De livres en livres il éclaire, mieux que d’autres, le « fait religieux » qui est détesté par certains, comme Michel Onfray, ou ignoré, voire caricaturé par la plupart. Pourquoi ? Comment se comprendre soi-même ainsi que nos sociétés, sans comprendre sa composante religieuse – ô combien constitutive de notre humanité ? Il devrait exister une « chaire de philosophie des religions européennes ». Parfait ! Elle existe déjà… à l’Université de Munich et est occupée par Rémi Brague, en plus de celle qu’il occupe à la Sorbonne en « philosophie arabe et médiévale ».


Rémi Brague, professeur de philosophie à la Sorbonne et à Munich

Qui est Rémi Brague ?

Rémi Brague, qui maîtrise suffisamment son savoir pour ne pas en faire étalage, est comme un poisson dans l’eau des trois religions dites monothéistes. Après avoir étudié Aristote, il a publié, en 1992, un remarqué Europe, la voie romaine qui restitue aux racines de l’Europe toute leur originalité dans son souci de s’approprier ce qui les est étranger. Puis nous avons eu les deux premiers opus d’un triptyque : La sagesse du monde (Fayard, 1999 – désormais en livre de poche), sur notre manière de comprendre l’univers que nous habitons, puis, en 2005 La loi de Dieu (Gallimard) sur l’évolution de la loi quand elle vient de Dieu (celui des juifs, des chrétiens et des musulmans). Reste un troisième volet, à venir, sur l’époque moderne qui tente de se doter d’une loi sans foi.


Du Dieu des chrétiens et d’un ou deux autres

Dans ce dernier livre, il y reprend, après les avoir retravaillés, des articles publiés dans diverses revues – dont Communio dont il est un des fondateurs - et qui porte tous sur non pas le « Dieu chrétien » mais sur celui des chrétiens pour mieux le présenter, l’interroger et en voir les traits essentiels. Il fait là œuvre salutaire de clarification. Avant tout, explicite-il avec brio, il faut sortir de l’ambiguïté de certaines expressions toutes faites comme : « les trois monothéismes », les « trois religions d’Abraham » ou « les trois religions du livre ». Pourquoi ? Elles proviennent toutes de bons sentiments et d’une mauvaise connaissance religieuse. Tous les monothéismes ne sont pas religieux. Ils ne sont pas que trois. Et les « trois Dieu x» ne sont pas les mêmes. Car si le christianisme reconnaît les deux monothéismes et si le judaïsme reconnaît le Dieu des musulmans, inversement, l’islam a plus de mal à reconnaître les deux autres monothéismes. Abraham est-il un ancêtre commun ? Rien n’est moins sûr. L’islam se considère être la seule « religion d’Abraham ». Quant au « livre » il n’est pas le même pour les uns et les autres. Remi Brague nous dit, avec son délicieux sens des formules : « La religion d’Israël est une histoire qui aboutit à un livre, le christianisme est une histoire racontée dans un livre, l’islam est un livre qui aboutit à une histoire ».

Quant au seul «Dieu des chrétiens», Remi Brague montre bien que son unité est liée par la charité et que sa trinité tient à la logique de cette même charité : nous ne possédons qu’en donnant. La «Trinité est la manière même dont Dieu est un» dans une invitation au partage et au don. Au sujet du «silence de Dieu» il faut considérer que le Verbe, une fois qu’il s’est donné, n’a plus rien à dire et donne la parole aux hommes. Il se donne et ne nous demande rien.


Remi Brague, Du Dieu des chrétiens et d’un ou deux autres, éditions Flammarion

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