Les mots des religions : la Pentecôte

avec Sylvie Barnay, maître de conférences à l’Université de Metz
Avec Sylvie Barnay
journaliste

Dans le mot Pentecôte, on retrouve la racine grecque du chiffre cinq. C’est pourquoi cette fête chrétienne est célébrée cinquante jours après celle de Pâques. Sylvie Barnay en rappelle l’origine et les traditions qui y sont attachées, abordant l’épineuse question du lundi jour férié et des nouvelles églises qualifiées de néo-pentecôtistes.

Émission proposée par : Sylvie Barnay
Référence : tor516
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Cinquante jours après Pâques (du grec Pentekostê, cinquantième), dix jours après l’Ascension, la Pentecôte fait mémoire du don aux apôtres de l’Esprit Saint descendu du ciel sous la forme de langues de feu le jour de la fête juive de Chavouot. Ce sont les Actes des apôtres qui contiennent le récit : Le jour de la Pentecôte étant arrivé, (les apôtres) se trouvaient tous ensemble dans un même lieu, quand, tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d’un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient. Ils virent apparaître des langues qu’on eût dites de feu ; elles se partageaient et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint et commencèrent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donner de s’exprimer (Ac 2, 1-4).

Parler en langues ou parler comme à Babel ?


Au Moyen Age, la tradition compare cet épisode de parler en langues (également appelé « glossolalie ») avec l’épisode biblique où la confusion des langues arrête la construction de la tour de Babel. Cette comparaison typologique consistant à comparer un récit de l’Ancien Testament avec un récit du nouveau Testament permet d’exprimer l’idée que toute entreprise fondée sur une langue unique (un regard unique, un langage unique) conduit à une forme de totalitarisme. Au contraire, à la Pentecôte, la parole circule sous une forme diversifiée et multiple, permettant de rejoindre chacun dans sa langue.

Faience arménienne représentant les apôtres entourant la Vierge recevant l’Esprit Saint sous la forme de langues de feu (quartier arménien de Jérusalem)



Des festivités rituelles pour la Pentecôte

Comme Pâques, la Pentecôte est une fête mobile, qui varie chaque année en fonction de la fixation du calendrier liturgique. En 2009, elle tombe le 31 mai. Dès le Moyen Age, elle donne lieu à de nombreuses festivités. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les fêtes de la Pentecôte duraient trois jours. Le dimanche de Pentecôte voyait la traditionnelle sortie des dragons terrassés, symbole du mal maîtrisé, en processions : le Graouli de Metz, le Dragon doré de Douai, la Chair-salée de Troyes, le Dragon de Provins, la Tarasque de Tarascon etc.

À Poitiers, les « pentecousteaux » faisaient le bonheur des petits et des grands. On mangeait ces petites galettes qu’on plaçait dans la gueule du méchant « grand’goule » pour la lui refermer ! Dans le nord de la France, des nieulles (ou langues de pâte !) ainsi que des petits morceaux d’étoffes enflammées - destinées à évoquer les langues de feu du récit évangélique - étaient lancées depuis le clocher de l’Église etc. La Bible ne mentionne cependant aucune prescription alimentaire ce jour là : il n’est pas d’usage de manger un mets traditionnel, même si les opérations commerciales ne se privent pas de mener des campagnes de promotion en ce sens (par exemple, « veau de la Pentecôte »).

Et le lundi ? férié ou pas ?

La semaine qui suivait Pâques était une semaine fériale. Le lundi de la Pentecôte, l’Eglise s’adressait notamment aux nouveaux baptisés et aux nouveaux convertis. Aujourd’hui, en France, seul le lundi qui suit le dimanche de la Pentecôte est férié. Mais dans de nombreux pays à forte tradition catholique, comme par exemple en Espagne ou en Italie, le lundi de Pentecôte n’est pas un jour férié. Entre 2004 et 2007, le lundi de Pentecôte – férié depuis la loi du 8 mars 1886 – a été supprimé de la liste des jours fériés pour devenir « une journée de solidarité » décidée à la suite de la grande canicule de 2003. Mais ses mesures d’application ayant été jugées trop problématiques, il est redevenu jour férié…

Des néopentecôtistes

Aujourd’hui, de nombreux mouvements religieux catholiques se réfèrent à la descente de l’Esprit Saint sous la forme de langues de feu pour relire le moment fondateur de leur création. Par exemple, les communautés charismatiques nées dans les années 70 font souvent référence aux expériences de glossolalie vécues par leurs différents groupes de prière.

Tout autres, sont les mouvements définis comme « néopentecôtistes ». Ces mouvements, d’origine protestante, sont très nombreux en Amérique du Sud et en Afrique notamment : mais leur référence à la Pentecôte leur sert à justifier une forme de protestantisme très radical.

Texte de Sylvie Barnay
Maître de conférences à l’Université de Metz
Chargée de cours à l’Institut catholique de Paris




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