Les mots des religions : "Liberté" 2/2

avec Laurent Schlumberger, président de l’Eglise réformée de France
Avec Virginia Crespeau
journaliste

La liberté nait de la vérité. Tel est le point de vue de Laurent Schlumberger, président de l’Eglise réformée de France : "Le tête à tête avec Dieu auquel nous sommes tous appelés, rend libres et responsables"

Émission proposée par : Virginia Crespeau
Référence : tor541
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Laurent Schlumberger est théologien, auteur, formateur, pasteur de l’Eglise Réformée de France dont il est actuellement (en 2010) le

Président. Il a été détaché pendant plusieurs années auprès de la Mission Populaire Evangélique de France.

Dans ce second entretien autour du mot Liberté, il répond notamment à la question suivante :

Jean Calvin


Q : «Vous avez écrit que la Réforme, fut un bouleversement libérateur avec des conséquences concrètes, pas de dogme, pas de hiérarchie, pas de morale révélée, un attachement religieux à la laïcité etc… Selon vous, aujourd’hui, le message de la Réforme conserve-t-il sa pertinence libératrice profonde, pourriez-vous étayer cette opinion ? »

R : « Nous sommes dans une époque qui renforce la compétition entre les personnes, la compétition dans tous les domaines ; nous sommes dans un monde où il faut faire sans cesse et toujours plus ses preuves, non plus face à Dieu comme au XVIème siècle -parce que Dieu a été mis de côté largement de nos sociétés-, mais il faut faire ses preuves face au patron, aux autres, à l’image de soi-même ; sans arrêt il faut se justifier d’exister, d’avoir sa place, d’être là… C’est dans cette compétition permanente -que chacun de nous intériorise plus ou moins- que se trouve l'une des sources principales de notre épuisement, et de l’épuisement de nos sociétés aujourd’hui…



Et là encore le message de l’Evangile me semble puissamment libérateur : si ce qui compte est que Dieu nous connaisse comme nous sommes, non pas comme nous voulons être, non pas dans nos idéaux, non pas dans ce que nous essayons d’atteindre, mais comme nous sommes profondément, si c’est comme cela qu’Il nous accepte là nous où nous sommes et là où nous en sommes, alors je peux renoncer à me mettre en compétition avec moi-même, je peux apprendre à renoncer à ce qui m’essouffle, ce qui m’épuise…

Et alors tous les pouvoirs, les pouvoirs visibles mais aussi les pouvoirs intériorisés, les culpabilités, les insatisfactions, les injonctions identitaires, les assignations à tel ou tel rôle ou tel ou tel idéal, tout cela, au fur et à mesure, disparait, se désagrège car je peux sans cesse reprendre position et force dans cette reconnaissance de Dieu qui me rejoint là où je suis, et me dit : je te connais par ton nom c'est-à-dire comme tu es.

Aujourd’hui comme au XVIème siècle, même dans un contexte différent, nous sommes « revendiqués » et éclatés sans cesse ; la Parole de Dieu rend libre en ceci qu’elle nous appelle et que tout autre pouvoir est mis sur la touche.

Dans le Protestantisme, en effet, il y a des conséquences concrètes à

Croix huguenote, avec la colombe, symbole de l’Esprit Saint.

cet attachement à la liberté de l’Evangile : bien sûr, il ya des réflexions et des théologies, mais il n’y a pas de dogme auquel on est prié de souscrire, il n’y a pas de hiérarchie sacrée même s’il y a des personnes qui ont des responsabilités dans l’Eglise pour un temps, et toujours par élection.

Il n’y a pas de morale révélée à laquelle il suffirait de dire Amen, mais au contraire chacun est requis dans une morale vivante, dans des engagements éthiques singuliers, dont il doit pouvoir rendre compte ; tout cela ce sont les fruits et le prix de cette liberté qui n’est donc pas une facilité...

Mais dans la foi, on est toujours appelé au tête à tête avec Dieu qui n’est jamais dans le registre de l’exigence écrasante, mais toujours dans la rencontre, dans la proximité, dans le nom qu’Il murmure à notre oreille et qui nous rend capable d’être sujet et responsable. »

Assemblée au désert

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