Les mots des religions : « Shabbat »
Le shabbat, c’est-à-dire le jour d’« abstinence » qui correspond au samedi, est un des fondements les mieux ancrés de la religion judaïque. Haïm Korsia, aumônier général israélite des Armées, nous explique ce que signifie ce partage du repos pour la communauté juive, effectuant un parallèle avec la polémique sur le travail dominical.
« Dieu acheva au septième jour son œuvre, qu’il avait faite ; et il se reposa au septième jour de toute son œuvre, qu’il avait faite.
Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son œuvre, qu’il avait créée en la faisant. »
Genèse, 2 : 2-3
Comme chacun sait, le shabbat est le jour de repos assigné au dernier jour de la semaine, c’est-à-dire le samedi dans la conception juive. Le « jour » au sens hébraïque débutant non pas au lever du soleil mais à la tombée de la nuit, il s’étend en fait du vendredi soir au samedi soir : ainsi en hiver, le shabbat commence et se termine en fin d’après-midi, alors qu’il n’est pas observé avant 21 heures autour du solstice d’été.
« Avec 3500 ans d’avance sur les grands acquis sociaux qui ont permis de définir un jour d’arrêt de travail », note Haïm Korsia, le shabbat, quatrième des dix commandements (Exode 20 et Deutéronome 5), a dès les origines du judaïsme imposé l’idée que « le rythme humain c’est : six jours de travail, un jour de repos ».
Un temps pour soi, un temps pour tous
Un jour de repos, mais pas un jour de paresse. Le shabbat est avant tout réservé à l’étude, à la vie de famille et au partage, dans l’idée que le temps pour soi est aussi un temps pour Dieu. Le shabbat, par ses trente-neuf prohibitions que recense le Talmud, « ramène l’homme à sa dimension réelle », analyse le Grand Rabbin.
N’ayant pas le droit d’utiliser l’électricité, d’emprunter un véhicule motorisé ou de se servir des technologies modernes, il ne lui reste en effet que ses pieds pour se déplacer et sa bouche pour communiquer : si l’on veut voir quelqu’un, on fait l’effort d’aller à lui, de le regarder et de lui parler en face-à-face, à l’opposé des rapports virtuels et distants du reste de la semaine. Mais ce qu’apprécie le plus Haïm Korsia, « un avantage extraordinaire aujourd’hui », c’est peut-être encore l’éphémère bannissement de la télévision et surtout du téléphone…
Auditionné à l’Assemblée nationale en 2008, Haïm Korsia avait à l’époque pris position sur la question du travail le dimanche. Parallèle du shabbat puisque le jour du Seigneur chez les chrétiens, le dimanche, a en effet conservé une certaine sacralité républicaine. Pour Korsia, « il est important d’avoir un temps qui soit un temps pour tous ». Le rythme de la création suppose, au bout d’un certain intervalle, à l’instar du Dieu de la Genèse, de s’arrêter et de regarder son œuvre.
Il est essentiel de reconnaître aux hommes une identité autre que celle de travailleurs et de producteurs, et de leur permettre de cultiver cette identité en leur offrant cette « respiration commune ». « Quand les hommes partagent le temps », explique Korsia, « ils deviennent réellement des “contemporains”, au sens étymologique du terme ; c’est ça, vivre ensemble ».
En savoir plus :
Haïm Korsia est l’aumônier général israélite des Armées, secrétaire général de l’Association du Rabbinat français, administrateur du Souvenir français et ancien membre du Comité consultatif national d’éthique.
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