Les Académiciens racontent l’histoire : Louis XV (1/4), enfance et Fontenoy
Pierre Gaxotte raconte le jeune Louis XV, orphelin, tandis que Voltaire, qui était l’historiographe du roi, reprend la bataille de Fontenoy.
Canal Académie vous propose d’accompagner le très jeune Louis XV, dans les tout premiers instants de sa vie. Né à Versailles le 15 février 1710, il y mourut le 10 mai 1774.
Ecoutons la lecture de textes extraits du livre de Pierre Gaxotte Louis XV paru en 1980, chez Flammarion. Grâce à lui, nous allons pouvoir suivre le jeune dauphin.
Pierre Gaxotte, élu à l’Académie française en 1953, fut conservateur à Chantilly du Musée Condé de 1966 à 1972.
Voici la lecture du chapitre qu’il intitula L’ORPHELIN :
«C’est le premier septembre 1715 à huit heures et quart que le Roi mourut. Le 26, on lui avait amené le dauphin âgé de cinq ans. Sa gouvernante Mme de Ventadour l’installa dans un fauteuil auprès du lit. Le vieillard considéra quelques instants son frêle successeur, puis, les larmes aux yeux, il lui dit : « Mon cher enfant, vous allez être le plus grand roi du monde. N’oubliez jamais les obligations que vous avez à Dieu. Ne m’imitez pas dans les guerres ; tâchez de toujours maintenir la paix avec vos voisins, de soulager votre peuple autant que vous le pourrez, ce que j’ai eu le malheur de ne pouvoir faire par les nécessités de l’Etat.
Suivez toujours les bons conseils et songez bien que c’est à Dieu que vous devez ce que vous êtes. Je vous donne le Père Le Tellier pour confesseur, suivez ses avis et ressouvenez-vous toujours des obligations que vous avez à Mme de Ventadour. » Puis se tournant vers la gouvernante : « Pour vous, Madame, j’ai bien des remerciements à vous faire du soin avec lequel vous élevez cet enfant et de la tendre amitié que vous avez pour lui; je vous prie de la lui continuer et je l’exhorte à vous donner toutes les marques possibles de sa reconnaissance... Madame, approchez-moi ce cher enfant, que je l’embrasse pour la dernière fois, puisqu’il plaît à Dieu de me priver de la consolation de l’élever jusqu’à un âge plus avancé. » Alors, élevant les yeux au ciel et joignant les mains : « Seigneur, je vous l’offre, cet enfant. Faites lui la grâce qu’il vous serve et honore en roi très chrétien et vous fasse adorer et respecter par tous les peuples de son royaume. » Après quoi, il embrassa le dauphin par deux fois et, fondant en larmes, il lui donna sa bénédiction. L’enfant sanglotait. On dut l’emporter.
Il avait fallu beaucoup de morts pour que la couronne échût au petit garçon que l’histoire appelle Louis XV. Trois dauphins étaient morts en neuf mois. Le fils de Louis XIV d’abord, mort de la petite vérole en 1711, âgé de cinquante ans. Le petit-fils, duc de Bourgogne, mort de la rougeole en 1712, à trente-neuf ans, six jours après la duchesse. L’arrière petit-fils, celui qu’on appelait le dauphin-Bretagne, parce qu’il avait été titré duc de Bretagne et qui à cinq ans fut dauphin dix-huit jours. Son aîné avait vécu un an. Louis XV, né le 15 février 1710 à huit heures du matin, d’abord appelé duc d’Anjou, avait été, comme son frère, ondoyé dès sa naissance, puis baptisé à la hâte, le Roi, inquiet, ayant ordonné qu’on prît pour parrains et marraines ceux qui se trouvaient dans la chambre. »
Nous vous invitons à découvrir à la fois au cours de notre émission de radio, ainsi qu’en bas de page - en document joint - l’intégralité de cet extrait du texte de Pierre Gaxotte dont Canal Académie vous propose la lecture par la voix du comédien Michel Girard.
De 1740 à 1748 se déroule la guerre de succession d’Autriche où la France s’allie avec la Prusse contre l’Autriche, l’Angleterre et les Pays-Bas. Dès l’annonce de la victoire de Fontenoy (1745), Voltaire écrit un long poème épique en alexandrins, connu sous le nom de poème de Fontenoy. Il le dédie au roi Louis XV dont il est l’historiographe.
Voici comment Voltaire raconte le déroulement de cette bataille historique.
Voltaire Précis du siècle de Louis XV Chap. XV. p. 119 -135 : siège de Tournai, bataille de Fontenoi.
« Le roi voulut aller lui-même achever en Flandre les conquêtes qu'il avait interrompues l'année précédente. Il venait de marier le dauphin avec la seconde infante d'Espagne, au mois de février (1745) ; et ce jeune prince, qui n'avait pas seize ans accomplis, se prépara à partir au commencement de mai avec son père.
Le maréchal de Saxe était déjà en Flandre, à la tête de l'armée composée de cent six bataillons complets, et de cent soixante et douze escadrons. Déjà Tournai, cette ancienne capitale de la domination française, était investie. C'était la plus forte place de la barrière. La ville et la citadelle étaient encore un des chefs-d'œuvre du maréchal de Vauban, car il n'y avait guère de place en Flandre dont Louis XIV n'eût fait construire les fortifications.
Dès que les états généraux des Sept-Provinces apprirent que Tournai était en danger, ils mandèrent qu'il fallait hasarder une bataille pour secourir la ville. Ces républicains, malgré leur circonspection, furent alors les premiers à prendre des résolutions hardies. Au 5 mai (1745) les alliés avancèrent à Cambron, à sept lieues de Tournai. Le roi partit le 6 de Paris avec le dauphin. Les aides de camp du roi, les menins du dauphin les accompagnaient.
La principale force de l'armée ennemie consistait en vingt bataillons et vingt-six escadrons anglais, sous le jeune duc de Cumberland, qui avait gagné avec le roi son père la bataille de Dettingen : cinq bataillons et seize escadrons hanovriens étaient joints aux Anglais. Le prince de Valdeck, à peu près de l'âge du duc de Cumberland, impatient de se signaler, était à la tête de quarante escadrons hollandais et de vingt-six bataillons. Les Autrichiens n'avaient dans cette armée que huit escadrons. On faisait la guerre pour eux dans la Flandre, qui a été si longtemps défendue par les armes et par l'argent de l'Angleterre et de la Hollande mais à la tête de ce petit nombre d'Autrichiens était le vieux général Rœnigseck, qui avait commandé contre les Turcs en Hongrie, et contre les Français en Italie et en Allemagne. Ses conseils devaient aider l'ardeur du duc de Cumberland et du prince de Valdeck. On comptait dans leur armée au-delà de cinquante-cinq mille combattants.
Le roi laissa devant Tournai environ dix-huit mille hommes, qui étaient postés en échelle jusqu'au champ de bataille ; six mille pour garder les ponts sur l'Escaut et les communications.
L'armée était sous les ordres d'un général en qui on avait la plus juste confiance. Le comte de Saxe avait déjà mérité sa grande réputation par de savantes retraites en Allemagne et par sa campagne de 1744. Il joignait une théorie profonde à la pratique. La vigilance, le secret, l'art de savoir différer à propos un projet, et celui de l'exécuter rapidement, le coup d'œil, les ressources, la prévoyance, étaient ses talents, de l'aveu de tous les officiers ; mais alors ce général, consumé d'une maladie de langueur, était presque mourant. Il était parti de Paris très malade pour l'armée. L'auteur de cette histoire l'ayant même rencontré avant son départ, et n'ayant pu s'empêcher de lui demander comment il pourrait faire dans cet état de faiblesse, le maréchal lui répondit :« Il ne s'agit pas de vivre, mais de partir. »
Nous vous invitons à découvrir à la fois au cours de notre émission de radio, ainsi qu’en bas de page - en document joint - l’intégralité de cet extrait du texte de Voltaire dont Canal Académie vous propose la lecture par la voix du comédien Arnaud Victor.
Cette émission sera suivie de deux autres émissions complémentaires qui seront diffusées dans les prochaines semaines avec d'autres textes d'académiciens.